Économie

Quand les hydrocarbures plombent la croissance économique de l’Algérie

A quel rythme, l’économie nationale va-t-elle croître en 2018 ? Alors que le gouvernement, en s’appuyant sur des dépenses publiques en forte hausse, continue de compter de façon imperturbable sur une croissance de 4% cette année, les institutions financières internationales ont révisé en forte baisse leurs prévisions à la mi-octobre.

Hier samedi 27 octobre, c’était au tour de l’Office National des Statistiques (ONS) de semer le doute. La croissance globale du PIB de l’Algérie a été de 0,7% au 2e trimestre 2018 par rapport au même trimestre de l’année 2017, a indiqué l’ONS.

Une performance très médiocre au deuxième trimestre 2018

Pour l’ONS, ce chiffre très médiocre, qui risque de compromettre les résultats de la croissance sur l’ensemble de l’année, s’explique essentiellement par la contre performance du secteur des hydrocarbures qui s’est caractérisée par « une baisse très sensible de sa production de 8,2% au 2e trimestre 2018 comparativement à la même période de 2017 ».

En revanche, le taux de croissance du PIB hors hydrocarbures a été de 2,8% au cours du 2e trimestre de cette année par rapport à la même période de 2017. Un résultat que l’organisme officiel juge “appréciable”

La croissance hors hydrocarbure a été tirée essentiellement par le secteur agricole qui a enregistré une performance « soutenue » de 8,9%. Les autres secteurs qui ont participé à cette performance du PIB hors hydrocarbures sont, en premier lieu, du secteur du Bâtiment, travaux publics et hydraulique qui a réalisé une croissance de 3%. Une croissance positive a également concerné les secteurs de l’industrie (+2,1%), des services marchands (+2,6%) et des services non marchands (+1,7%).

Des prévisions révisées en baisse pour 2018

Après le très fort ralentissement de l’économie algérienne enregistré en 2017 (à peine 1, 6 % de croissance l’année dernière), les chiffres rendus publics ce samedi par l’ONS semblent confirmer qu’en dépit d’une forte dose de dépenses publiques, la relance de l’activité risque de ne pas être au rendez-vous cette année. En tout cas, pas dans les proportions espérées par le gouvernement.

A la mi-octobre, la Banque mondiale avait déjà annoncé pour 2018 une croissance de seulement de 2,5 % ; un chiffre très inférieur aux 3,5 % encore prévu en avril dernier. Le rapport de la BM prédisait en outre un nouveau ralentissement de la croissance qui devrait être de 2,3 % en 2019 et de 1,8 % en 2020.

Quelques jours plus tard, c’était au tour du FMI de revoir ses prévisions en baisse en annonçant lui aussi une croissance de 2, 5 % pour l’année en cours.

L’efficacité des dépenses publiques en question

La révision en baisse des estimations de croissance pour cette année ne contredit donc pas seulement les prévisions du gouvernement algérien qui tablent toujours sur 4%. Elle soulève également le problème de l’efficacité de l’injection de dépenses publiques massives en l’absence de réformes de structure de l’économie.

Voici quelques semaines, le dernier bulletin de conjoncture de la Banque d’Algérie confirmait pour la première fois de façon officielle la hausse des dépenses publiques au premier semestre 2018. La Banque centrale annonçait même une augmentation « substantielle » des dépenses budgétaires qui ont atteint 4079 milliards de dinars à fin mai 2018 (contre 3222 milliards de dinars à fin mai 2017). Soit une augmentation de près de 30% des dépenses au cours des premiers mois de l’année en cours.

Problème, la Banque d’Algérie formulait aussitôt, et sans aucune ambiguïté, de sérieux doutes sur l’efficacité de ces dépenses supplémentaires. « Il est utile d’observer que la forte hausse des dépenses budgétaires totales est liée, pour l’essentiel, à celle des opérations en capital (dotation des comptes d’affectation spéciale, bonifications des taux d’intérêt, règlement des créances sur l’Etat et contribution du budget de l’Etat au profit de la CNAS) et beaucoup moins aux dépenses d’investissement de l’Etat », notait la Banque centrale.

Explications : la plus grande partie des dépenses publiques d’ « équipements » supplémentaires ont été consacrées au premier semestre au paiement des retraites, qui vont absorber 800 milliards de dinars en provenance du budget de l’Etat cette année, et au paiement des arriérés dus aux entreprises pour lesquels on parle de 500 milliards de dinars.

Les hydrocarbures plombent la croissance

Le deuxième handicap dont souffre la croissance de l’économie algérienne est lié aux performances récentes du secteur des hydrocarbures. Il s’agit d’un domaine dans lequel, la communication officielle se montre très avare en informations et encore plus en explications.

Ce qu’on sait avec une relative certitude, c’est que la production du secteur est en baisse régulière depuis plus d’une décennie ; la première diminution sensible ayant été enregistrée en 2006. Depuis cette date des estimations d’experts évaluent la réduction cumulée de la production du secteur à plus de 20%.

Un redressement sensible de la production, mesuré à près de 8%, avait été enregistré, pour la première fois depuis près de 10 ans, en 2016 et avait fait naître beaucoup d’espoirs. Malheureusement depuis l’année dernière la production du secteur est de nouveau repartit à la baisse dans des proportions importantes en plombant en même temps les résultats de la croissance économique.

C’est ainsi que l’ONS annonçait déjà très officiellement au dernier trimestre 2017 une baisse de la production du secteur de plus de 9%. Les 8,2% de réduction de la production annoncés hier pour le deuxième trimestre 2018 s’inscrivent dans la même tendance.

C’est en vain qu’on chercherait des explications officielles à ces résultats inquiétants. La communication gouvernementale aussi bien que celle de Sonatrach sont complètement muette sur ce chapitre, voire à la limite du mensonge. On trouvera plutôt des éléments d’explications assez convaincants dans les analyses d’un organisme comme la Coface dont le métier est d’évaluer les risques pays.

Dans son « Guide 2018 » publié au printemps dernier, la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur estimait que « dans le secteur des hydrocarbures, la reconduction des quotas dans le cadre de l’accord OPEP – non OPEP devrait limiter la croissance d’un secteur pétrolier algérien déjà pénalisée par le manque d’investissement et l’arrivée à maturité de certains champs ».

Elle ajoutait : « une nouvelle loi visant à accroître l’attractivité du secteur auprès des investisseurs étrangers en limitant les restrictions imposées aux compagnies étrangères devrait être mise en place en 2018 mais ses effets ne devraient pas être visibles à court terme ».

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