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Quelles sont les revendications des médecins résidents ?

Quelles sont les revendications des médecins résidents ?

F.G. / PPAgency
Alger 03-01-2018 | Le rassemblement des médecins résidents a été violemment réprimé par les forces de l'ordre à l’intérieur du CHU Mustapaha Bacha

Un rassemblement national des médecins, pharmaciens et dentistes résidents organisé mercredi 3 janvier au CHU Mustapha Pacha a été violemment réprimé par la police. La manifestation pacifique à laquelle a appelé le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) s’est transformée en affrontements, faisant plusieurs blessés graves dans les rangs des manifestants alors que plusieurs de leurs délégués ont été arrêtés par la police.

Le mouvement de revendication des médecins résidents est à sa dixième semaine. Et si, au début, il était organisé localement, sur des initiatives isolées, il est aujourd’hui structuré par le Camra, un collectif rassemblant les médecins résidents mais aussi les dentistes et les pharmaciens et dont le bureau compte des membres venant de plusieurs régions du pays.

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Réforme du service civil

La revendication principale portée par le Camra est la réforme du service civil. Cette disposition de la loi de santé de 1984 qui a été reconduite dans le projet de la nouvelle loi de santé prévoit qu’un médecin ayant fini ses études de spécialisation doit effectuer un service civil dans un établissement de santé auquel il sera affecté par le ministère. La durée du service civil varie en fonction de la zone géographique à laquelle est affecté le médecin. Elle est de quatre années dans les grandes villes du Nord du pays et de deux à quatre années dans les régions reculées des Hauts Plateaux et du Sud.

Les médecins résidents ne demandent pas la suppression du service civil mais son aménagement et l’instauration de plus de mesures incitatives. Le logement qui est garanti par les dispositions du service civil n’est, en pratique, que rarement fourni aux nouveaux médecins spécialistes, même ceux affectés aux structures de santé du grand Sud.

L’instauration d’un droit au regroupement familial dans le cadre du service civil est vivement réclamée par les résidents. Actuellement, de nombreux couples de jeunes médecins fraîchement diplômés sont affectés chacun à des hôpitaux situés à des centaines de kilomètres de distance l’un de l’autre, ce qui complique encore plus la vie aux nouveaux spécialistes.

Les résidents souhaitent aussi supprimer le caractère obligatoire du service civil en instaurant des mesures incitatives qui pousseront les nouveaux médecins spécialistes à faire volontairement ce service.

Des conditions de travail « effroyables »

Les conditions de travail dans les structures de santé sont décrites par la majorité des médecins comme étant « effroyables ». Manque de moyens techniques, charge de travail trop importante, insécurité, manque de considération de la part de l’administration sont autant de points soulevés par les médecins résidents grévistes.

Les médecins spécialistes affectés aux structures de santé du Sud et des Hauts Plateaux sont ceux qui ont le plus à souffrir des conditions de travail car d’après plusieurs médecins approchés par TSA, plus on s’éloigne des grandes villes, moins les hôpitaux sont bien dotés en matériels et en personnel.

Ainsi, il arrive souvent qu’un hôpital couvrant plusieurs daïras ne dispose que d’un seul médecin pour une spécialité. « Les wilayas du Sud connaissent un manque aiguë en spécialistes en cardiologie, en endocrinologie-diabétologie ou en traumatologie » nous a confié un médecin affecté à Touggourt.

Pour pallier ce manque, les autorités comptent sur le service civil, un système qui est un échec, de l’aveu même du ministre de la Santé. Le service civil n’est pas parvenu à combler les déserts médicaux du Sud et des Hauts Plateaux car, n’étant pas accompagné de mesures incitatives suffisantes pour convaincre et mettre en confiance les médecins, ni de la fourniture de moyens suffisants au profit des nouveaux spécialistes affectés à ces régions, les postes créés dans le cadre du service civil restent souvent vacants. Et lorsqu’ils sont occupés, le médecin affecté se retrouve, comme l’explique un spécialiste en hépato-gastrologie, affecté dans un hôpital du grand Sud, « condamné à rester loin de chez lui, dans un environnement qu’il ne connaît pas et sans les moyens nécessaires pour être utile à la population locale ».

Criminalisation de l’acte médical

La criminalisation de l’acte médical est aussi dénoncée par les médecins résidents grévistes qui rappellent à chacun de leur rassemblement les nombreux cas de médecins attaqués en justice suite à des décès de patients, à l’exemple de la condamnation, cet été, à une peine de prison ferme d’une gynécologue affectée à un hôpital de la wilaya de Djelfa dans le cadre du service civil.

Plusieurs articles contenus dans le projet de la nouvelle loi de santé proposée par le ministère de la Santé prévoient de lourdes sanctions à l’encontre des médecins. Ce qui a poussé des membres du Camra à qualifier cette loi de santé de « code pénal du médecin ».

Les médecins résidents dénoncent également leur exclusion des avantages des œuvres sociales des hôpitaux et structures de santé publiques alors qu’ils contribuent au financement de celles-ci. D’après un résident en chirurgie dentaire, les résidents sont même les plus grands contributeurs par leurs cotisations.

Service national

En 2017, le ministère de la Défense a dispensé les citoyens algériens nés entre 1985 et 1987 du service national mais les médecins, ainsi que les dentistes et les pharmaciens ont été exclus de cette dispense. Une exclusion qui a scandalisé les médecins et qui a été, en partie, à l’origine du mouvement de protestation.

Un membre du Camra a qualifié cette exception qui est faite aux médecins de « mesure anticonstitutionnelle », puisqu’en contradiction avec le principe d’égalité en droits et en devoirs garantis à tous les citoyens par la Constitution.

Les médecins spécialistes qui, pour achever leurs études de spécialisation, accumulent près de 12 années d’études supérieures dépassent, pour la plupart, l’âge de 30 ans, lorsqu’ils obtiennent leur DEMS. Mais avec leur exclusion de la dispense du service national, ils sont obligés de sacrifier une autre année avant de pouvoir s’installer en tant que médecins spécialistes.

Les médecins grévistes ont aussi des revendications d’ordre pédagogiques, ils réclament une meilleure formation, notamment sur le plan pratique. Ces revendications semblent être plus proches de la concrétisation puisque le ministre de l’Enseignement supérieur a entamé avec les représentants des résidents un dialogue plus constructif.

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