Société

Ramadan en Algérie : face à la hausse des prix, la solidarité s’organise

Le ramadan de cette année 2023 s’annonce particulièrement difficile pour les Algériens. Le mois sacré est d’habitude propice aux hausses des prix des produits de première nécessité et de tous les produits qui connaissent une forte demande pendant cette période.

Cette année, la flambée des prix a commencé plus tôt que prévu. Des inquiétudes sont exprimées déjà quant au risque de voir certains produits devenir carrément inaccessibles pour des franges entières de la société. La solidarité doit être plus marquée que lors des années précédentes.

Selon les chiffres officiels, l’inflation a dépassé les 9 % en 2022. Dans son discours devant les walis, en janvier, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, l’a souligné comme l’un des rares indicateurs négatifs de l’économie algérienne.

Même si l’Algérie ne fait pas exception en la matière, certains pays enregistrant une inflation à deux chiffres depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine qui a aggravé les retombées de la crise sanitaire, le  chef de l’État a qualifié ce taux d’ « inacceptable ».

Abdelmadjid Tebboune a aussi reconnu que les mesures prises pour soutenir le pouvoir d’achat des citoyens sont « insuffisantes ». Cela est notamment vrai pour les hausses annoncées des salaires, des pensions de retraite et de l’allocation chômage.

Le président de la République a expliqué qu’il a opté pour des augmentations à doses « homéopathiques » afin de pas provoquer l’effet contraire de celui escompté de ces mesures, c’est-à-dire déboucher sur un taux d’inflation à deux chiffres qui annihilerait les efforts pour soutenir le pouvoir d’achat.

Il reste donc un fait : les augmentations de salaires et autres mesures sociales décrétées ne suivent pas la courbe de l’inflation et de la hausse du coût de la vie.

Pour les produits hors d’atteinte des hausses des prix grâce aux subventions publiques (huile, lait, farine et semoule), c’est le problème de leur disponibilité qui risque de se poser avec plus d’acuité pendant le mois de ramadan.

Les autorités ont pris des mesures draconiennes ces derniers mois pour lutter contre la spéculation, incluant la révision de la législation et la condamnation des spéculateurs à de très lourdes peines de prison (allant jusqu’à la réclusion à perpétuité), des pénuries continuent à être signalées sporadiquement aux quatre coins du pays.

Dans certains magasins d’Alger, la vente de l’huile de table est rationnée, pour éviter des achats massifs de ce produit de large consommation qui provoqueraient des pénuries.

Ramadan en Algérie : les associations s’attendent à une forte sollicitation

Dans ce contexte, les appréhensions quant à un ramadhan difficile pour les Algériens sont amplement justifiées. La question de l’approvisionnement du marché pendant le mois sacré a été abordée lors de la dernière réunion du Conseil des ministres (lundi 20 février) et le chef de l’État a ordonné de prendre des mesures d’urgence, comme la mise en place d’un comité de veille.

Néanmoins, la conjugaison de trois facteurs (inflation, risque de pénuries et forte demande liée au mois sacré) risque de rendre la situation particulièrement problématique pendant le Ramadan 2023.

Outre les mesures gouvernementales, la solidarité peut contribuer à atténuer l’effet de la hausse des prix pour de larges franges.

Les actions de solidarité-ramadan en Algérie se résument, pour l’Etat, à la distribution du « couffin de ramadhan » (désormais remis sous forme de chèque) par les collectivités locales, et pour les particuliers et les associations de la société civile, par l’organisation de repas collectifs gratuits, appelés les restaurants de la « rahma ».

Ces actions sont appelées à être intensifiées particulièrement pendant ce mois de ramadan qui s’annonce difficile.

À moins d’un mois du début du mois du jeûne, qui devrait commencer cette année le 23 ou le 24 mars, des associations caritatives se préparent à faire face à la forte demande.

Sur les réseaux sociaux, les appels aux dons des bienfaiteurs (entreprises ou particuliers), se multiplient.

Dans plusieurs correspondances destinées aux éventuels donateurs, il est fait état d’une demande plus forte que d’habitude. Comme cette association caritative du club équestre du parc des loisirs de Ben Aknoun qui sollicite l’aide d’une entreprise économique pour l’aider à faire face aux frais de prise en charge de familles d’enfants trisomiques et autistes pendant le mois de ramadan et l’Aid le Fitr.

Dans la correspondance, il est fait état de l’augmentation des appels « de détresse » et de « l’horreur et la sévérité de la vie quotidienne » depuis la crise sanitaire.

Le projet « Le cœur sur la main », qui organise à Alger des iftars (rupture du jeûne) gratuits, s’attend aussi à une demande plus importante cette année et déplore l’aggravation des « inégalités dans la société ».

Le coût du couffin du Ramadan a augmenté

La solidarité a toujours constitué un palliatif devant l’absence d’un filet social solide en Algérie. Pendant le ramadan de cette année particulière, son apport sera déterminant pour atténuer les effets conjugués de plusieurs facteurs sur le pouvoir d’achat.

Ahcene Menad, président de l’association Al Baraka (Tizi-Ouzou), s’attend à une baisse des donateurs en raison des difficultés que rencontrent les entreprises et les commerçants de la région, et à une légère hausse des demandeurs des aides sociales durant le Ramadan.

« Il y a les personnes à mobilité réduite, les nécessiteux, les orphelins et même les journaliers qui souvent ne travaillent pas pendant le Ramadan et se retrouvent donc sans ressources. Tous ces gens auront besoin de l’aide et de la solidarité pendant le Ramadan », explique-t-il.

Ahcene Menad a constaté une baisse du nombre de donateurs ces dernières années dans une région réputée pour sa solidarité légendaire avec les personnes nécessiteuses. « De nombreux donateurs sont en difficultés à cause de la crise économique », s’inquiète-t-il.

Ahcène Menad pointe aussi la hausse du coût du couffin que son association a l’habitude de distribuer pendant le Ramadan. « Cette année, il faut compter une moyenne de 10.000 dinars pour un couffin contre une moyenne de 7.000 dinars l’année passée », souligne-t-il.

Pour expliquer cette hausse du coût du couffin, Ahcene Menad donne l’exemple des œufs dont la plaque de 30 œufs coûtait 300 dinars il y a une année, alors qu’elle a atteint 550 dinars cette année.

« Un couffin est composé généralement d’un sac de semoule de 25 kg, un bidon de l’huile de table de 5 litres, une plaque de 30 œufs, du sucre, du café, un peu de légumes, un kilo de viande, du concentré de tomates, etc. Des produits indispensables pour une famille. On ne parle plus de fruits », détaille-t-il.

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