Économie

Raouya, deuxième limogeage énigmatique sous Tebboune

Le président de la République a mis fin ce mardi 14 juin, à la surprise générale, aux fonctions du ministre des Finances Abderrahmane Raouya, en poste depuis février seulement.

C’est une caractéristique du style de gouvernance de Abdelmadjid Tebboune : quand il faut changer un ministre, il n’attend pas le prochain remaniement pour le faire.

De nombreux ministres ont été déchargés de leurs fonctions ces trois dernières années, certains brutalement, comme le ministre des Transports Aïssa Bekkai, limogé en mars pour « faute grave » ou encore l’ancien ministre du Travail Achek Youcef qui avait connu le même sort en juillet 2020.

En novembre 2021, Tebboune avait mis fin brusquement aux fonctions de trois membres du gouvernement, Amar Belhimer, Abdelhamid Hamdani et Abderrahmane Halfaya, respectivement ministres de la Communication, de l’Agriculture et du Travail.

Dans une de ses rencontres avec la presse, le chef de l’État a parlé de « manquement à la morale » de certains ministres remerciés. Une autre fois, il a évoqué des ministres qui ont besoin d’une période d’« apprentissage ».

Le président de la République n’hésite pas aussi à remplacer les responsables d’institutions ou entreprises publiques à chaque fois que la situation l’exige.

Certains ont fait les frais de dysfonctionnements dans leur secteur ou d’insuffisance de résultats, d’autres n’ont pas survécu à des scandales dont ne s’accommode pas la nouvelle conduite que Tebboune veut imprégner à l’Etat et à ses représentants.

Tout récemment, le PDG de l’entreprise publique de transport maritime Algérie Ferries a été limogé et poursuivi en justice après le scandale d’un navire rentré presque vide de France alors que les citoyens algériens établis dans ce pays se bousculaient devant les agences de la compagnie pour trouver une place.

Deux passages éphémères

Certains responsables limogés récemment se sont retrouvés devant la justice, ce qui signifie qu’ils se sont rendus coupables d’actes délictuels pendant l’accomplissement de leur mission.

En avril dernier, c’est « le manquement au droit de réserve » qui a été mis en avant pour expliquer le limogeage du conseiller du président aux Affaires religieuses.

Dans le cas du ministre des Finances Abderrahmane Raouya, on ne connait pas encore les raisons de son départ. Le communiqué de la ¨Présidence est resté muet sur ce point et les observateurs ne peuvent que spéculer.

Comme par exemple lier le changement à la dernière note de l’Association des banques et établissements financiers (Abef) enjoignant aux banques de suspendre la domiciliation des opérations commerciales de et vers l’Espagne, pays avec lequel l’Algérie est en crise ouverte depuis la mi-mars.

Dans leur réponse à l’Union européenne qui a pris le parti de l’Espagne, les autorités algériennes ont indiqué que cette mesure de suspension du commerce extérieur « n’existe en fait que dans l’esprit de ceux qui la revendiquent et de ceux qui se sont empressés de la stigmatiser ».

Certains feraient aussi le lien avec les dernières déclarations sur l’importation de véhicules faites samedi dernier par M. Raouya qui a annoncé le prochain dénouement du dossier. Mais tout cela reste, encore une fois, de la spéculation.

Le départ de Abderrahmane Raouya est d’autant plus énigmatique que c’est la deuxième fois que le président met fin à ses fonctions au bout de quelques mois de service seulement.

Directeur des impôts depuis 2006, il a fait son entrée au gouvernement comme ministre des Finances en 2017, durant l’éphémère passage de Abdelmadjid Tebboune comme Premier ministre.

Celui-ci parti dans les conditions que l’on sait, Raouya est resté à son poste jusqu’à fin mars 2019, soit jusqu’à la veille de la démission de Abdelaziz Bouteflika.

Abdelmadjid Tebboune sera élu président en décembre de la même année et fera appel de nouveau à Abderrahmane Raouya en janvier 2020 comme ministre des Finances dans son premier gouvernement, avec Abdelaziz Djerad comme Premier ministre.

Mais Raouya ne tiendra que 5 mois et 20 jours. Son remplacement, en juin 2020, par Aïmene Benabderrahmane, n’avait pas été expliqué.

Lorsque ce dernier, nommé entre-temps à la tête du gouvernement, a été déchargé en février 2022 du portefeuille des Finances qu’il avait gardé à sa nomination comme Premier ministre, c’est encore à Abderrahmane Raouya que Tebboune fait appel. Cette fois, il n’aura pas tenu 4 mois. Le mystère de son départ reste entier.

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