Politique

Relations algéro-françaises : sous le sceau de l’illisibilité

Les relations actuelles entre l’Algérie et la France sont-elles au beau fixe ou tendues ? La question mérite au moins d’être posée tant on a entendu plus d’une fois une chose et son contraire, des discours aux antipodes l’un de l’autre.

Et la réponse n’est pas évidente. Depuis au moins la présidentielle du 12 décembre 2019, on ne cesse de souffler le chaud et le froid de part et d’autre, à différents niveaux de responsabilité. Si le couple Macron-Tebboune ne dégage pas d’animosité, des signaux contradictoires proviennent de niveaux subalternes.

Après être rentré d’Allemagne où il était hospitalisé pendant plus d’un mois, le président de la République a reçu un appel téléphonique de son homologue français hier samedi 20 février. Le communiqué de la présidence algérienne ne détaille pas ce que se sont dit les deux hommes, qui ont donc « passé en revue les perspectives de développement des relations bilatérales » et convenu de « poursuivre la coordination entre les deux parties en vue de booster la coopération bilatérale dans divers domaines et rapprocher les vues sur certains dossiers ».

Macron apporte son soutien aux réformes de Tebboune

Celui de l’Élysée est en revanche plus explicite : Emmanuel Macron a fait part à Abdelmadjid Tebboune de « son soutien à la mise en œuvre des réformes en cours », en plus de nombreux autres points évoqués, tels que la crise sanitaire, la situation économique en Algérie et le rapport Stora, dont M. Macron n’a pas manqué de souligner « la qualité ». Le président Macron a fait part au président algérien de « son soutien à la mise œuvre des réformes en cours » en Algérie. Il a salué la décision de Tebboune de gracier des détenus d’opinion en Algérie.

Des communiqués de la présidence algérienne et de l’Élysée, il en ressort en tout cas que l’heure est à la promesse de meilleures relations. Depuis son deuxième séjour médical en Allemagne (10 janvier-12 février), c’est la deuxième fois que Tebboune reçoit un appel de Macron, après celui du 24 janvier par lequel le président français s’était enquis de l’état de santé de son homologue algérien. Entre les deux hommes, le ton apaisé et courtois n’a rien de nouveau.

Ces derniers mois, leurs éloges réciproques n’ont échappé à personne, faisant même couler beaucoup d’encre. Le 4 juillet dernier, à la veille de la célébration de la fête de l’Indépendance, le président algérien s’est exprimé sur une chaîne de télévision publique française.

L’occasion était propice pour évoquer la question de la mémoire et d’encenser le président Français pour tout ce qu’il fait sur le dossier. « Avec le président Macron, nous pouvons aller loin dans l’apaisement et le règlement du problème de la Mémoire. C’est un Président très honnête, sincère et très propre du point de vue historique. Il veut apaiser la situation et permettre à nos relations de retrouver leur niveau naturel », avait déclaré sans ambages Abdelmadjid Tebboune.

On est en tout cas loin des tensions qui ont marqué la relation algéro-françaises en 2019 en raison des déclarations ambigües de Paris sur le projet proposé par le président déchu Abdelaziz Bouteflika en plein Hirak populaire, ce qui a été interprété comme un soutien de la France au maintien de l’ex-chef de l’État.

À un autre niveau, le ton est moins mielleux

Le 23 novembre, alors que le président algérien était hospitalisé en Allemagne, Macron accorde une interview à Jeune Afrique et ne manque pas de dire tout le bien qu’il pense de M. Tebboune, qu’il qualifie de « courageux ». Il promet de « tout faire » pour « l’aider » afin que « la transition réussisse en Algérie ».

La phrase avait soulevé un tollé chez une partie de l’opposition algérienne et sur les réseaux sociaux qui y ont vu une ingérence dans les affaires internes du pays, mais pour la relation entre les deux chefs d’État, c’était une courtoisie de plus qui la raffermit davantage.

Si tout semble donc baigner dans l’huile au sommet, c’est à des niveaux subalternes et sur certains dossiers précis que le ton est moins mielleux. Côté français, il y a eu récemment la présentation du rapport de l’historien Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation.

Avant même la remise du rapport au président Macron qui l’avait commandé, B. Roger-Petit, son conseiller mémoire, déclare à la presse qu’il n’y aura « ni repentance ni excuses », alors que le communiqué ultérieur de l’Élysée ne fait pas mention d’une telle résolution.

Parmi les réactions suscitées en Algérie, on notera celle du porte-parole du gouvernement qui parle, le 8 février, du « refus de la France de reconnaitre ses crimes ». « Le criminel fait tout pour éviter de reconnaitre ses crimes. Mais cette fuite en avant ne pourra pas durer », avait déclaré Amar Belhimer à un journal gouvernemental.

Le même responsable avait dénoncé le 16 décembre les « agissements inappropriés » de l’ambassadeur de France en Algérie. François Gouyette avait été critiqué par certaines parties pour avoir rencontré des représentants de formations politiques et de la société civile.

Pour Amar Belhimer, qui s’exprimait dans un journal libanais, « il existe des normes internationales et des pratiques diplomatiques convenues que toute représentation étrangère dans n’importe quel pays doit respecter » et qu’« aucun diplomate, y compris l’actuel ambassadeur de France, ne peut ignorer ces règles de base dans la pratique diplomatique ».

Survenant alors que la polémique ne s’était pas estompée, c’est peut-être aussi à la France et son ambassadeur qu’était adressée cette mise au point de la revue de l’ANP, el Djeich, qui dénonçait le 7 février des « parties étrangères » qui, « par une conduite totalement contraire aux usages diplomatiques », se « sont adonnées à des actions, à tout le moins suspectes et désespérées, visant à nuire au pays ».

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