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Reportage. Balade à Alger par temps de coronavirus

Reportage. Balade à Alger par temps de coronavirus

Confinés, puis auto-déconfinés. Plus de 10 mois après le début de la pandémie de Covid-19 en Algérie, le couvre-feu est toujours en vigueur entre 20 h 00 et 5 h 00 du matin dans la capitale. Nous sommes passés à une nouvelle année, mais le virus court toujours.

Après une longue période de vigilance, la pression semble être retombée. Une certaine nonchalance s’est installée.  Alger vit, palpite, vibre contre son gré. Les gestes barrières et le protocole sanitaire sont relégués au placard comme si la pandémie était déjà loin derrière nous.

Dans les espaces publics, les visages se sont affranchis de leurs masques. Les jeunes se claquent des bises et s’agglutinent sur les trottoirs. Les boutiques et les bus sont bondés. Animation, shopping, embouteillages : virée dans une capitale par temps de Coronavirus.

Bas les masques

Dans les administrations, les masques ont quitté les visages. Ils ne figurent plus dans la panoplie des accessoires de protection. Nous faisons une incursion à l’annexe de la mairie de Sidi M’hamed dans le centre d’Alger, et constatons de visu qu’aucun agent derrière le comptoir ne porte un masque. Les citoyens ont l’obligation d’en porter un, mais la règle ne s’applique apparemment pas aux fonctionnaires.

Dans les entreprises, la rigueur s’est également ramollie comme nous le confirme Safia. « Je travaille dans une boite étatique. Au début, il y avait un agent qui contrôlait notre température à l’entrée. Le gel hydroalcoolique était également disponible. Désormais, ces mesures préventives n’existent plus. Il y a un relâchement total », affirme-t-elle.

Transports en commun

Nous sommes devant les arrêts de bus des étudiants, à l’entrée du Tunnel des Facultés, à deux pas de l’avenue Pasteur, et de la Place Audin, toujours dans le centre-ville d’Alger.  Sur le trottoir, une foule compacte fait le pied de grue. Certains portent un masque, d’autres, plus nombreux, non.

« Nous avons trois modules en distanciel et trois en présentiel. Ça nous oblige à y aller et cela fait une heure que nous attendons le COUS pour rentrer chez nous !  », nous confient Ibtissem (19 ans) et Maria (18 ans), étudiantes en sciences biologiques à la Fac centrale.

[Crédits : TSA]


« Est-ce que les mesures de distanciation sont respectées à l’intérieur des bus ? » demandons-nous aux deux étudiantes. La réponse est cinglante. « Pas du tout ! Nous sommes serrés comme des sardines à l’intérieur. Il y a très peu de bus et aux heures de pointe (9 h et 15 h), c’est la grande cohue. Si vous pouvez patienter, vous constaterez par vous-même ».

[Crédits : TSA]


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Une dizaine de minutes plus tard, le bus de couleur orange déboule. Il s’arrête à l’entrée du Tunnel des facs, et tout le monde s’élance, y compris des hommes d’un certain âge, qui n’ont visiblement rien d’étudiant. « Les chauffeurs ferment les yeux et laissent monter n’importe qui ! », précise Ibtissem.

Agglutinés autour des portières, une vingtaine d’étudiants jouent des coudes pour se hisser à l’intérieur du bus dans une incroyable promiscuité. Ceux qui ne portent pas de masques, l’extirpent de leur poche et l’enfilent sur leur nez. Le bus est plein à craquer. Le chauffeur redémarre en trombe vers Ben-Aknoun, sur les hauteurs d’Alger.

Les bus publics ne font pas exception. Pourtant, il y a quelques mois, l’Etusa avait instauré un dispositif sanitaire, en condamnant un siège sur deux et en obligeant les usagers à porter une bavette. Ces mesures sont vite tombées aux oubliettes. Toutes les places assises sont occupées. Parfois, notamment aux heures de pointe, les bus sont pleins, les usagers se frôlent et les masques tombent, une fois à l’intérieur.

Balades et shopping

Klaxons, pare-chocs contre pare-chocs, Alger a renoué avec les embouteillages. Une grande agitation règne partout. Certains après-midi, les trottoirs n’arrivent plus à contenir le flot des passants. On déambule, on fait du shopping, on se balade, on se frôle comme au bon vieux temps.

[Crédits : TSA]


Rue Didouche Mourad, chaque après-midi une longue queue se forme devant Lyes Bijoux, une boutique qui commercialise des bijoux de fantaisie. Sur la vitrine, un écriteau précise : « Pas plus de 3 personnes ». Pourtant, à l’intérieur, elles sont 9 à évoluer dans un espace réduit, vendeuses comprises. « On en a marre de ce virus », nous lance une jeune fille. « On veut renouer avec la vie et la coquetterie ! ».

[Crédits : TSA]


Des revendeurs de papiers-mouchoirs nous abordent. Pas de masque ni de gestes barrières. Des petits enfants d’origine sub-saharienne vous agrippent par la manche en vous suppliant, « Sadaka, sadaka ! » (aumône).

« Un dîner plus que parfait’ » : c’est l’enseigne d’un commerce de vaisselles à proximité du marché Ferhat Boussad (Ex-Meissonnier). Cette boutique a la cote auprès de ces dames qui patientent par dizaines à l’entrée. Mais, à l’intérieur, le magasin est déjà plein comme un œuf. À quelques mètres de là, une boutique de produits cosmétiques « Tout à 100 DA » accueille tous les jours des dizaines de clientes à la fois, dans une étonnante promiscuité. À croire que la Covid 19 n’a jamais existé !

[Crédits : TSA]


Une certaine nonchalance règne dans les rues, marchés et boutiques. Rares sont les vendeurs qui portent des masques. Nous avons scruté les visages des commerçants à l’intérieur des marchés Ferhat Boussad (Ex-Meissonnier) et Rabah Noel (ex-Clauzel), quand ils le portent, c’est sur le menton.

La galerie marchande de Ferhat Boussad ne déroge pas à la règle. Les trois entrées de cette enseigne commerciale sont pourtant gardées par des agents de sécurité. Certes, du gel est proposé à ceux qui le désirent mais le protocole sanitaire se limite à cela.

À l’intérieur, de grands écrans lumineux rappellent les gestes indispensables : port du masque obligatoire, interdiction d’accès aux moins de 16 ans et distance d’un mètre entre les gens. Nous nous aventurons à l’intérieur et constatons que ces mesures ne sont guère respectées.

Rares sont les commerçants qui portent leur bavette. Aucune distance non plus entre les clients.  Plusieurs enfants déambulent avec leurs mamans. Interrogé, un commerçant tenant un étal de vêtements pour femmes, nous dit : « Il y a un relâchement général en ce qui concerne le protocole sanitaire. Les agents de sécurité ne sont pas regardants ni par rapport à la jauge de fréquentation, ni à la présence des enfants. La preuve : regardez tout ce brassage et cette effervescence ! »

[Crédits : TSA]


Et d’ajouter en ajustant son masque sur le nez, « J’ai perdu ma tante de 74 ans il y a trois semaines à peine, à l’hôpital de Rouiba. Actuellement, je vis avec ma mère qui est âgée. Je ne veux pas prendre le risque de la contaminer ! »

La baraka  

Nous poursuivons notre déambulation à travers les quartiers d’Alger. Les rues sont très animées. À deux pas de la Grande-Poste, un artiste de rue joue de la musique. Les gens se pressent autour de lui.

Un groupe de jeunes, sans masque, se refilent un gobelet de café. À nouveau, les vieilles habitudes reprennent le dessus. On se serre la main, on s’embrasse, on s’enlace… « On a la baraka », s’exclame un sexagénaire. « Regardez le nombre de morts en Europe, aux USA et en Afrique du Sud.  Chez nous, les citoyens se fichent complètement du virus. Bon nombre d’entre eux ne croient même pas à son existence. Je le répète, on a la baraka ! »

[Crédits : TSA]


Les restaurants, pizzerias et fast-food n’accueillent plus de clients. La vente à emporter s’est généralisée dans ces commerces de bouche. Reste le problème de disponibilité de bancs publics ou d’espaces pour manger. Les jardins publics et espaces de loisirs étant fermés, les gens improvisent. Sur les escaliers attenants au jardin de l’Horloge Florale de l’avenue Pasteur, ils sont très nombreux à s’installer à même les marches pour casser la croute. « Les pouvoirs publics devraient rouvrir les parcs », suggère une jeune femme. Regardez, tout le monde s’agglutine sur ces escaliers. Nous n’avons pas où aller ».

Après avoir connu des pics de contaminations, Alger baisse la garde et renoue avec l’ambiance de la période d’avant-Covid. Une sorte de soif de vivre qui exprime la lassitude, l’inconscience ou le fatalisme des citoyens. Une baisse de vigilance qui pourrait faire repartir à la hausse la courbe des contaminations au Covid-19.

En attendant le lancement de la campagne de vaccination, il est bon de rappeler que le virus n’est pas encore vaincu et que le respect des gestes barrières est notre seul rempart contre cette pandémie.

[Crédits : TSA]


 

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