La polémique revient régulièrement à propos des retraités algériens de France accusés de fraude.
L’intox est à chaque fois démentie par les chiffres officiels, ce qui n’empêche pas certains de persister à instrumentaliser la question.
L’accusation est tellement ressassée que certains ont fini par la prendre pour une vérité.
En Algérie, il y aurait des dizaines, voire des centaines de milliers d’indus bénéficiaires de pensions de retraite françaises.
Les familles algériennes ne déclareraient pas leurs aînés décédés pour continuer à percevoir leur pension en euros.
Dire que l’accusation est infondée n’est pas tout à fait juste.
Des cas de ce genre de fraude devraient évidemment exister, en Algérie comme ailleurs, y compris en France.
Le problème est dans l’ampleur donnée à ce phénomène, en Algérie et nulle part ailleurs.
Pour la partie de la classe politique française ouvertement hostile à l’Algérie et aux Algériens, c’est évidemment de bonne guerre.
Mettre en avant la prétendue mauvaise foi des Algériens peut toujours servir dans la croisade en cours contre l’immigration, particulièrement algérienne.
Mais il se trouve que, comme toutes les statistiques prétendument défavorables aux Algériens, comme celles de la délinquance ou de la population carcérale en France, celles de la fraude aux pensions de retraite sont démenties par les instances les plus habilitées qui soient.
En avril dernier, la Caisse nationale française d’assurance vieillesse (Cnav) a rendu publics des chiffres précis qui ont tordu le cou à l’intox à propos des pensions versées aux Algériens.
La CNAV a chargé le consulat de France à Alger d’enquêter et les résultats étaient sans appel.
Il en est ressorti qu’il y a moins de 1000 centenaires algériens percevant une pension de la caisse française.
On est déjà très loin des centaines de milliers supposés.
Sur 2000 personnes âgées de plus de 95 ans invitées à confirmer leur identité, seules 370 n’avaient pas répondu et leurs pensions, « souvent très faibles », a précisé le DG de la CNAV, ont été suspendues.
Non, la fraude en Algérie aux retraites françaises n’est pas massive
Ce qui n’a pas empêché la polémique de rebondir depuis quelques semaines.
Sur les réseaux sociaux, des chiffres qui donnent le tournis sont partagés : l’Algérie compterait 600 000 retraités de France, dont 82% sont des indus bénéficiaires, avancent certains.
Ils sont soit morts, soit introuvables. En réalité, le nombre total des Algériens bénéficiant d’une retraite de France est de 360.000.
Selon l’AFP, qui cite la CNAV, des contrôles ont été effectués récemment sur un échantillon de 2600 personnes et 60% ont pu être authentifiés.
Les autres ont vu leurs pensions suspendues, mais, souligne la caisse, cela « ne signifie pas que ces personnes seraient décédées et que des proches bénéficieraient indûment de leurs pensions ».
"Le sujet est une arlésienne […] Mais le chiffre de 80% ne repose sur rien, il n’y a pas des armées de morts-vivants », a commenté le DG de la CNAV.
L’enquête de l’AFP a trouvé que deux polémiques qui ont éclaté sur les réseaux autour de cette question en 2022 et en 2024, ont la même origine, une émission de la chaîne CNews qui a repris des chiffres biaisés d’une commission d’enquête parlementaire instituée en 2020.
Il en a résulté une avalanche de posts sur les réseaux sociaux avec des chiffres incroyables et des appels à mettre fin à cette « générosité » supposée de l’État français.
Évidemment, les proportions avancées sont erronées et les pensions versées ne sont point dues à la générosité de l’État français.
Il s’agit d’un droit consacré à ceux qui ont travaillé dur pendant plusieurs décennies, même s’ils résident à l’étranger.
Jeter l’anathème sur des générations de travailleurs qui ont contribué à bâtir et à faire fonctionner la France est insupportable.
Ces retraités ont travaillé dur, ont fait les métiers les plus ingrats et pour des salaires dérisoires, durant des décennies en France.
Et ce ne sont pas quelques cas de fraude qui le feront oublier.