Politique

Révision constitutionnelle : un référendum dans un contexte exceptionnel

Plus de 24 millions d’Algériens sont appelés à s’exprimer ce dimanche 1er novembre 2020 sur le projet de révision constitutionnelle. Le vote a débuté vendredi dans les bureaux itinérants des régions reculées du sud du pays et ce samedi matin pour la communauté nationale établie à l’étranger.

Conformément à la constitution actuelle, le projet de révision est considéré comme adopté si le ‘oui’ obtient plus de 50 % des suffrages exprimés, quel que soit le taux de participation.

Le vote survient dans un contexte exceptionnel, avec la maladie du président de la République Abdelmadjid Tebboune, transféré jeudi vers un hôpital allemand.

Juridiquement, l’absence du président de la République n’influe pas sur la consultation, d’où la décision de la maintenir en dépit de cet impondérable.

La crise sanitaire de Covid-19, qui sévit depuis plus de sept mois et qui revient en force depuis quelques semaines en Algérie, est l’autre élément qui fait que ce rendez-vous est différent des précédents.

Trois jours avant le référendum, le gouvernement a étendu le confinement sanitaire à neuf wilayas supplémentaires, faisant qu’une vingtaine de wilayas sont maintenant concernées par cette mesure préventive.

Néanmoins, cela ne devrait pas constituer un obstacle pour ceux qui feraient le choix d’aller voter, les bureaux de vote fermant habituellement vers 19h-20h, alors que le confinement ne débute qu’à 23h. Aussi, un protocole sanitaire est établi et le comité scientifique du suivi de la pandémie a donné son accord pour le déroulement du référendum.

Un des projets phares du président Tebboune

La révision constitutionnelle est l’un des projets phares du président Tebboune, élu le 12 décembre 2019, plus de sept mois, après la démission du président Abdelaziz Bouteflika sous la pression du hirak populaire.

En campagne électorale, M. Tebboune avait promis de doter l’Algérie d’une nouvelle constitution pour satisfaire les revendications du hirak et pour ne plus retomber dans « le pouvoir personnel », en réduisant notamment les prérogatives du président de la République.

Tebboune a prêté serment le 19 décembre et dès le 8 janvier, il a nommé le juriste Ahmed Laraba à la tête d’un comité d’experts chargé d’émettre des propositions. Une première mouture est rendue publique début mai. La version finale du projet est divulguée le 6 septembre et toutes les propositions des acteurs de la vie nationale ont été rendues publiques.

Le 24 août, la date retenue pour le référendum est divulguée : dimanche 1er novembre 2020, coïncidant avec le 66e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale. Le président de la République a tenu à ce que le projet soit soumis à l’approbation populaire. Sous Bouteflika, la loi fondamentale a été amendée à trois reprises (2002, 2008 et 2016), à chaque fois avec un simple vote du Parlement.

Des changements notables sont contenus dans le projet de révision, suscitant le soutien ou le rejet d’une frange ou d’une autre de la classe politique. On citera la nomination d’un Premier ministre (ou d’un chef de gouvernement) issu de la majorité, la limitation du nombre de mandats de député, la constitutionnalisation du Hirak, le dédommagement des victimes de détention arbitraire, une nouvelle composante du Conseil supérieur de la magistrature (toujours préside par le président de la République, mais sans la présence du ministre de la Justice), la création d’une Cour constitutionnelle, la possibilité d’envoyer des éléments de l’ANP pour des opérations de maintien de la paix à l’étranger, la consolidation de la place de Tamazight en rendant non-susceptible de révision l’article 4 qui fait d’elle une langue nationale et officielle.

Le taux de participation, un enjeu crucial

Le président Tebboune a été élu le 12 décembre dernier à l’issue d’un scrutin qui n’a pas connu un fort taux de participation (à peine 40 %), sur fond d’appels au boycott des acteurs du Hirak et d’une partie de la classe politique. Qu’on sera-t-il cette fois ?

La classe politique est, comme d’habitude, divisée concernant les consignes de vote. Les partis traditionnellement proches du pouvoir, notamment le FLN et le RND, soutiennent le projet et ont pris part à la campagne.

De même que le parti islamiste d’El Bina, de Abdelkader Bengrina, candidat malheureux à la présidentielle du 12 décembre. Mais les deux autres partis islamistes, le MSP et le FJD, ont appelé à voter ‘non’, tandis que ceux de la mouvance démocratique ont presque tous appelé au boycott. L’appel à la participation lancé par la mouvance islamiste induira-t-il une forte participation, en tout cas meilleure que celle du 12 décembre dernier ?

Quoi qu’il en soit, le taux de participation reste un enjeu crucial, d’abord pour le pouvoir qui souhaite immédiatement après passer aux autres chantiers de réforme, dont sans doute le renouvellement des assemblées élues, ensuite pour l’opposition et des acteurs du Hirak qui ne désespèrent pas d’imposer une autre démarche.

Sans préjuger de ce que sera le taux de participation ce dimanche, on retient que le contexte particulier dans lequel survient la consultation a déjà déteint sur la campagne électorale qui s’est déroulée dans une certaine morosité, avec cependant quelques polémiques suscitées par des déclarations faites en cours ou en marge des rassemblements de campagne.

L’autorité électorale (Anie) avait préalablement exclu les « petits partis » de l’animation de la campagne, ne retenant que ceux qui ont une certaine représentativité dans les assemblées élues. Même certains de ceux qui satisfont ce critère ont dénoncé le refus de l’administration d’autoriser la tenue de leurs meetings.

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