Société

Rougeole en hiver, choléra en été : négligences coupables

La rougeole en hiver, le choléra en été. Des maladies que l’Algérie volontariste avait vaincues dès les premières décennies de son indépendance sont de retour en plein 21e siècle.

Un paradoxe pour un pays qui s’est doté au prix fort d’une infrastructure sanitaire qui couvre, quoi que l’on dise, même les zones les plus reculées du Sud, de réseaux d’AEP et d’assainissement qui touchent quasiment chaque foyer, de laboratoires de contrôle, de facultés de médecine qui forment chaque année des contingents de praticiens… Bref, un pays qui a fait le plus dur mais qui a omis d’accompagner cet effort d’une politique de prévention efficace.

Hormis la généralisation de la vaccination, beaucoup d’insuffisances persistent en aval du système national de santé. Des segments aussi importants que l’hygiène publique, le contrôle de la qualité ou la traçabilité des produits sont négligés et il n’est pas étonnant que des maladies endémiques se réveillent sporadiquement.

Au vu et au su de tous, les rues de nos villes ressemblent à des déchetteries, les bords de routes à des dépotoirs. Des eaux usées se déversent dans les cours d’eau et les plages, quand elles ne s’infiltrent pas dans les conduites d’eau potable.

Qui faut-il incriminer ? Du simple citoyen au responsable de l’État le plus haut placé, tout le monde a une part de responsabilité dans ce qu’il est advenu du cadre de vie de l’Algérien, par son incivisme, son incurie ou sa négligence.

Bien entendu, le premier comptable reste l’État. Les autorités, centrales ou locales, sanitaires ou autres, ont failli et pas qu’en matière d’hygiène. Laisser des produits alimentaires, fruits et légumes ou viandes, arriver jusque dans l’assiette du consommateur sans aucun contrôle ni traçabilité, s’apparente à de la négligence coupable.

Au printemps dernier, des pays soucieux de la santé de leur population avaient refoulé sans ménagement des cargaisons de produits agricoles algériens pour leur haute teneur en pesticides.

Pendant quelques semaines, l’on avait spéculé sur les enjeux de la décision simultanée du Canada, du Qatar et de la Russie, d’autres s’étaient indignés sans se poser la bonne question : si des tomates et des pommes de terre destinées à des marchés aux normes rigoureuses s’étaient révélées bourrées de substances cancérigènes, qu’en est-il de celles que consomme quotidiennement le citoyen algérien, acheminées, sans aucune procédure de contrôle, des fermes vers les marchands ambulants qui écument les bords de route et les places publiques ?

Certes, la corrélation entre l’usage excessif des pesticides dans notre agriculture et la prévalence des tumeurs n’est pas formellement établie, du moins officiellement, mais toutes les conjectures et tous les doutes sont permis.

Volontariste à souhait, l’Algérie se targue du nombre de centres anti-cancer construits à travers le pays et surtout de la facture consacrée à la prise en charge des malades, mais ne fait rien, ou presque, pour éviter que 50.000 nouveaux cas soient enregistrés chaque année, souvent détectés à des stades avancés où la médecine n’a que des soins palliatifs à prodiguer.

La prévention demeure le parent pauvre du système de santé algérien dont les acteurs, à tous les niveaux, se perdent souvent dans les débats byzantins, comme lors de l’adoption récemment de la nouvelle loi sur la santé où, médecins, députés, médias et société civile s’étaient focalisés sur la gratuité des soins, la part du privé et le rôle de l’État.

Le réveil sans préavis du choléra, cette maladie qu’on dit moyenâgeuse, servira peut-être à secouer les consciences et à sonner l’alerte avant la survenue de pandémies plus « honteuses » et autrement plus meurtrières. La persistance des négligences ne peut déboucher que sur un grand désastre…

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