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Russie: les liens entre armée et informaticiens, héritage de l’URSS

Russie: les liens entre armée et informaticiens, héritage de l’URSS

A l’époque de l’URSS, faute d’autres débouchés, les meilleurs programmeurs et informaticiens soviétiques travaillaient avec les services secrets, une tradition apparemment reprise dans la Russie de Vladimir Poutine, accusée d’avoir mené des cyberattaques d’envergure mondiale.

Jeudi, les Pays-Bas ont accusé quatre agents russes du renseignement militaire (GRU) d’avoir essayé de pirater en avril le siège de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui enquêtait alors sur l’affaire Skripal et sur une attaque chimique présumée à Douma en Syrie, imputée par les Occidentaux aux forces syriennes.

Les pays baltes avaient été les premiers, en 2007, à accuser Moscou de lancer des attaques sur leurs sites internet pour rendre inutilisables différents services. Le numéro national des urgences estoniennes, notamment, était resté totalement indisponible pendant plus d’une heure.

Depuis, les accusations de cyberattaques visant Moscou se sont multipliées. Qu’elles s’appellent « Fancy Bear », « Sandworm », « Strontium », « APT 28 », « CyberCaliphate » ou encore « Sofacy », les unités de hackers dont disposerait le GRU ont beaucoup fait parler d’elles.

Aux Etats-Unis, elles ont été accusées en 2016, de concert avec des unités du FSB, l’héritier russe du KGB soviétique, d’avoir cherché à manipuler l’élection présidentielle aux Etats-Unis en piratant les fichiers du Parti Démocrate.

Le savoir-faire des hackers d’aujourd’hui s’inscrit dans une tradition d’excellence dans l’informatique et la programmation qui remonte à la période soviétique.

« L’économie était alors basée sur le secteur militaire et les premiers ordinateurs servaient essentiellement à l’armée », rappelle Oleg Demidov, un conseiller du centre d’analyse PIR-Tsentr. Les étudiants les plus brillants étaient forcément orientés vers l’armée et le secteur spatial, ajoute-t-il.

 – Chaos post-soviétique –

Avec l’éclatement de l’URSS, fin 1991, et l’écroulement du complexe militaire soviétique, la plupart de ces spécialistes bien formés se sont orientés vers le secteur bancaire naissant dans la Russie post-communiste. Pour y travailler, ou pour l’attaquer.

C’est l’époque des premières cyberattaques visant des opérations bancaires, et les premières références aux hackers russes.

« Très performants et bien équipés, ces hackers russophones sont toujours très présents, avant tout dans le secteur bancaire international », ajoute Oleg Demidov, même si la justice russe a commencé à se pencher sérieusement sur leurs activités.

En 2016, un rapport du géant de la cybersécurité informatique Kaspersky estimait à 790 millions de dollars (710 millions d’euros) les sommes dérobées par des hackers russophones sur la planète entre 2012 et 2015.

« Issus des meilleurs universités de Moscou, Saint-Pétersbourg, Novossibirsk ou Krasnoïarsk, les informaticiens russes sont aujourd’hui parmi les plus réputés au monde et travaillent souvent dans des institutions prestigieuses à l’étranger », raconte à l’AFP Denis Kouskov, un expert de l’agence spécialisée TelecomDaily.

Mais, depuis quelques années, les petits génies russes de l’informatique préfèrent rester dans leur pays. Pour une raison simple, souligne l’analyste: « les programmeurs sont aujourd’hui surtout sollicités par les services secrets russes ».

En 2012, le ministère russe de la Défense a annoncé la création de ses propres « cyber-unités », pour lesquelles il a lancé une vaste campagne de recrutement en s’appuyant sur un système de détection performant dans les écoles d’ingénieurs et des clips promotionnels sur les réseaux sociaux.

Pour Oleg Demidov « c’est le succès de ces nouvelles cyber-unités qui pourrait expliquer la vague d’accusations » visant Moscou ces derniers mois ».

Même les institutions de l’informatique russe sont aujourd’hui dans le viseur des Occidentaux. En mai, les Etats-Unis ont accusé Evguéni Kaspersky, le fondateur des anti-virus éponymes, de liens avec les services de renseignement russes. Celui-ci nie mais Washington, suivi par des pays européens, a obligé ses administrations à ne plus utiliser les anti-virus Kaspersky.

Mais si le patriotisme est une valeur sûre aujourd’hui en Russie, qui incite de nombreux jeunes informaticiens à se tourner vers l’armée, l’appât du gain n’a pas complètement disparu.

Cette semaine, le tribunal militaire de Moscou jugeait à huis clos le chef du Centre de sécurité informatique du FSB, Sergueï Mikhaïlov, et trois complices présumés. Selon le quotidien Kommersant, ils sont accusés d’avoir transmis au FBI américain des secrets concernant la cyber-technologie des services secrets russe, contre 10 millions de dollars.

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