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Santé et Ramadan : les recommandations des médecins

Santé et Ramadan : les recommandations des médecins

Cette année, le ministère de la Santé a transmis un programme de recommandation aux structures de santé sur le Ramadan. Le professeur Lebane, chef du service Néonatalogie du CHU Mustapha d’Alger, est l’un des destinataires du document et indique que les recommandations pour le jeûne sont claires.

Le cas de la femme enceinte et allaitante

Au sujet de la femme enceinte, le professeur explique que si elle « peut jeûner, ce jeûne ne doit pas nuire à sa santé ni à celle du bébé. Cette décision relève avant tout du libre arbitre. ‘Dieu n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité’. Le Coran ne contient aucune recommandation sur la grossesse, l’allaitement et le carême. Il spécifie, par contre, que le malade est exempt du jeûne. Lorsque l’on parle de maladie, il convient de faire une distinction entre celle qui présente un épisode aigu, et la maladie dite chronique. Les premières relèvent des affections de type mauvaise grippe, fièvre. Le patient peut alors boire et manger pendant cette période, puis rattraper les jours de jeûne qu’il a manqués. Le malade chronique tel que le diabétique, lui, ne peut pas rattraper ces jours. Cela se fait donc sous forme d’aumône ».

« La grossesse, elle, n’est pas une maladie. Il s’agit d’un état physiologique spécifique. Toutefois, si la grossesse se complique d’un diabète ou d’une hypertension artérielle, on a alors affaire à une pathologie. Il ne s’agit pas d’une maladie chronique, mais pendant ce temps-là, la femme est dispensée de faire le carême ».

Concernant les recherches scientifiques menées sur l’impact du jeûne sur l’allaitement, « il existe très peu d’études validées sur la question. Les modifications de la composition du lait qui peuvent être observées sont minimes, cela influe surtout sur les micronutriments type zinc, magnésium, mais très peu sur la composition du lait. D’autant que le jeûne qui dure quatorze ou quinze heures laisse aux femmes le temps de manger. Sur le plan calorique, il n’y a donc pas de répercussions majeures, puisque la mère n’est pas à jeun. Il conviendrait davantage de se pencher sur le cas des femmes malnutries qui allaitent à longueur d’année ! Celles d’entre elles qui allaitent pendant deux ans présentent des carences importantes sur le plan calorique ».

La Leche league, une association qui intervient sur le soutien à l’allaitement maternel, mentionne sur son site Internet que « s’il existe des données sur l’impact du jeûne sur la santé des personnes malades, ou sur l’enfant, il n’en existe guère sur son impact chez la mère allaitante ». L’association relaie toutefois une étude menée à Ankara en 1999 et 2000 auprès de 164 mères allaitantes et observant le ramadan. Les données relevées indiquent que « dans les populations de bon niveau socio-économique, la baisse de la sécrétion lactée que le jeûne pourra induire n’aura pas de conséquences trop importantes sur la santé infantile. Mais dans les populations économiquement défavorisées, une baisse de la lactation pourra favoriser la malnutrition infantile ».

À partir de ces informations, la gêne principale pour la femme qui allaite pendant le ramadan reste la soif, nous indique le professeur Lebane. « Cela peut d’ailleurs entraîner une irritabilité qui peut se transmettre au bébé. Il revient alors à la femme de voir si elle souhaite suivre ou non le jeûne ».

Pour anticiper une journée de jeûne, il y a des habitudes alimentaires qui sont à privilégier ajoute le docteur Tewfik Loucif, nutritionniste. « L’eau est primordiale, il faut en prendre en quantité suffisante entre le ftour et le shour. Pour deux choses fondamentales qui sont l’hydratation du corps et la diminution de la sensation de fatigue », explique-t-il.

Manger de façon rationnée

« Pour réactiver le corps sans l’agresser », il convient de manger de façon rationnée et d’avoir une alimentation équilibrée et riche en eau. Un conseil qui s’applique d’ailleurs à tous les jeûneurs.

« Juste après la rupture du jeûne il faudrait prendre de la soupe, éventuellement un plat avec des protéines puis un fruit ou un laitage. Durant la soirée, on se réhydrate constamment avec des thés ou des cafés sans prendre trop de sucre car cela reste l’ennemi de notre santé, surtout durant le ramadan », avertit le Dr Loucif. Il conseille d’éviter les produits riches en matières grasses et les sucreries. On peut se laisser aller à consommer les traditionnelles dattes (une à trois) juste après la rupture du jeûne sans pour autant abuser de pâtisserie ou autres brioches fourrées de mauvais chocolat. Concernant le shour, « il va falloir prendre des aliments qui sont riches en sucres lents, comme le couscous ou du pain complet avec du beurre et du café au lait. Il faut se rassasier mais de façon lucide », conseille le médecin.

Faire du sport modérément

Pour les sportifs, l’objectif n’est certainement pas de dépasser ses limites. Tewfik Loucif, qui est aussi médecin du sport, explique que tout est dans la modération et « qu’il ne faut pas aller dans les limites qu’on a l’habitude de se donner ». En plein jeûne, la recherche de la performance n’a aucun sens.

« Il faudrait faire du sport une heure maximum avant la rupture du jeûne ou deux heures après le ftour », et pendant une durée maximum de trente minutes afin de maintenir un rythme. Ces consignes s’appliquent bien évidemment aux personnes aptes à pratiquer une activité sportive.

Ce dont les gens ne parlent pas c’est l’horloge biologique qui n’est pas respectée par les jeûneurs, souligne aussi le professeur Lebane. « Dormez une heure ou deux après le repas puis levez-vous pour ceux qui prient et rendormez-vous. Vous serez en pleine forme le lendemain », assure ce dernier.

Pour illustrer l’importance du carême dans la culture algérienne, il raconte une anecdote : « J’ai croisé un membre du personnel de l’administration de l’hôpital qui fait le ramadan bien qu’étant diabétique. Il n’arrivait même pas à parler ! Je lui ai donc dit qu’il était surprenant de voir à quel point le carême avait un impact extraordinaire sur nos sociétés : on tolère un corrompu ou un voleur mais on ne tolère pas celui qui n’a pas mangé pendant un jour ! »

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