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Sécheresse au Maroc : la filière lait durement touchée

Sécheresse au Maroc : la filière lait durement touchée

La sécheresse qui frappe le Maroc depuis six ans a fortement impacté les éleveurs et la filière laitière souffre du manque d’eau. La production annuelle marocaine de lait est passée de 2,5 à 2 milliards de litres suite à la diminution du cheptel.

Plus problématique est la baisse du niveau des nappes phréatiques et du manque d’eau nécessaire à la production de fourrages.

Selon un expert qui témoigne dans le média marocain Le360, la situation est dramatique. Au niveau de la région de Souss, il faut puiser l’eau à plus grande profondeur : « Cette profondeur peut dépasser 200 mètres et dans certaines zones, il n’y a plus rien à pomper, les nappes ayant été asséchées ».

Le prix du mètre cube d’eau flambe et augmente les charges des éleveurs, explique cet expert qui alerte : « On est à la limite de la rentabilité ».

De la quasi gratuité dans le cas de la pluie, les coûts de l’eau sont passés de zéro dirham/m3 à « un prix de 0,5 dirham/m3, puis à 2 dirhams/m3, voire plus avec l’eau souterraine qui est très coûteuse, puisqu’elle nécessite de l’énergie pour le pompage ».

Pour réduire les dépenses en carburant, des éleveurs marocains alimentent de façon frauduleuse leur motopompe en détournant le gaz butane subventionné destiné aux besoins domestiques des ménages.

À cette sécheresse qui touche depuis plusieurs années le Maroc s’ajoute la hausse des prix des aliments du bétail sur le marché international notamment le maïs et les tourteaux de soja.

Selon Mohammed Raita, le responsable de l’interprofession Maroc Lait, qui s’exprimait en septembre dernier dans Le 360, la hausse du prix des aliments pour bétail frôle les 88 % et le cheptel laitier connaît une « nette baisse de 30 % depuis le début de cette période prolongée de sécheresse ».

Plusieurs années de sécheresse ont fait qu’en trois ans, la production de lait du Maroc stagne à 2 milliards de litres alors que l’objectif est d’arriver à 3,5 milliards à l’horizon 2030.

Comme en Algérie et en Tunisie, face au manque persistant de fourrages, les éleveurs marocains décapitalisent : ils vendent une partie de leurs animaux pour survivre. C’est notamment le cas en Tunisie où en janvier 2023 la Garde nationale tunisienne a démantelé dans le gouvernorat de Zaghouan un réseau de contrebandiers qui écoulait des vaches vers l’Algérie à cause de prix plus rémunérateurs.

Dans le cas du Maroc, le manque d’eau et donc de fourrages est lié au Plan Maroc Vert (PMV) qui dès 2008 a promu l’exportation à outrance de fruits et légumes vers les marchés européens. En 2017 des manifestations de la soif ont eu lieu dans le royaume suite à des pénuries d’eau.

C’est le cas aux portes du désert, à Zagora où les habitants qui sont restés sans eau durant plusieurs jours ont mis en cause les prélèvements des producteurs de pastèques. Une production destinée à fournir dès le mois d’avril les marchés européens en pastèques, un fruit dont la culture nécessite beaucoup d’eau. Il faudra attendre 2021 pour que les autorités envisagent de réduire ce type de production.

Sécheresse au Maroc : le modèle agricole remis en cause

À ces manifestations de la soif a suivi en 2018 le boycott des produits laitiers de l’entreprise française Centrale Danone, des produits au prix jugé excessif par les consommateurs marocains. Face aux succès de cette opération lancée sur les réseaux sociaux, le président de Danone France se déplacera en personne jusqu’à Casablanca mais sans succès.

Face au coût élevé des fourrages, les éleveurs développent la vente directe ou colportage, cela au détriment des laiteries.

Cette « montée de l’informel dans le secteur laitier » est dénoncée par le représentant de Maroc Lait : « Avant 2020, nous étions en amélioration. Depuis le Covid-19 et les différentes crises, le taux de colportage a quasiment doublé, passant de 15 à 30 % en moyenne selon les régions » alors que l’objectif des services agricoles était de réduire le colportage à 10 % en 2030.

Pour faire face à la sécheresse qui frappe le Maroc, certains proposent de recourir aux vaches de races locales mieux adaptées à la chaleur. Mais le représentant de Maroc Lait réfute cette idée : « À mon avis, ce n’est pas une solution économiquement fiable, ni pour les éleveurs, ni pour l’autosuffisance alimentaire. En effet, les races améliorées produisent, au Maroc, environ 8.000 litres par an, dans les grandes fermes et environ 4.500 litres dans les petits élevages, alors que la production des races locales est d’environ 600 litres par an ! ».

Le média marocain Le360 cite un ingénieur agronome « qui a préféré garder l’anonymat » et pour lequel « le problème majeur de la filière est que l’élevage consomme énormément d’eau, qui se fait rare avec la nette baisse des précipitations et du taux de remplissage des barrages ».

L’ingénieur s’inquiète pour l’avenir des ressources en eau du Maroc : « Cette situation renseigne sur les limites de la politique agricole du pays qui repose sur l’épuisement des ressources ». Ce qui l’amène à s’interroger sur la poursuite d’un « élevage intensif très consommateur d’eau ».

Et l’agronome d’assener que dans le cas du Maroc : « Cet élevage ne peut être rentable qu’avec les pluies, et ce sont donc les pays où il pleut beaucoup qui sont les mieux placés pour le pratiquer ».

Le PMV rebaptisé plan Génération Green 2020-2030 continue à faire des exportations de fruits et légumes une priorité. Une politique qui se traduit par une forte exploitation des ressources en eau et qui en mai 2023 n’a pas empêché une inflation de +10 % dont 20 % de hausse concernant les produits alimentaires selon les données du Haut-Commissariat au Plan marocain.

Ce qui fait dire à son directeur, Ahmed Lahlimi, que la crise inflationniste « questionne la viabilité du modèle agricole marocain, d’autant que ce secteur clé de l’économie (13 % du PIB et 14 % des exportations) est exposé à des sécheresses récurrentes et au dérèglement climatique ».

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