Société

Sécheresse : l’Algérie va-t-elle passer un été tranquille ?

Après un mois d’avril à sec, les pluies sont tombées en abondance pendant le mois de mai et le début du mois de juin en Algérie.

Cependant, les précipitations qui ont fait des morts et des dégâts matériels n’ont pas été suffisantes pour prémunir l’Algérie de la menace de la sécheresse comme l’explique Malek Abdeslam, docteur en hydrologie dans cet entretien à TSA.

Est-ce que les dernières pluies ont été bénéfiques ?

Oui très bénéfiques malgré qu’elles soient très isolées et très localisées. Sur le plan du rendement, elles sont arrivées tardivement et cela a été nocif parfois pour certaines cultures.

Les arbres qui portaient ou en état de floraison ont été impactés mais ces pluies les ont sauvés en quelque sorte après plusieurs mois de sécheresse.

Au niveau des barrages, il y a eu beaucoup d’apport avec 200 mm à Tizi Ouzou, à Jijel et Skikda durant la période allant du 15 mai au 14 juin.

Cela représente trois fois la moyenne à cette période de l’année. C’est arrivé après deux mois sans pluie. Le barrage de Taksebt a gagné une quinzaine de millions de m3, atteignant un taux de remplissage de 33 %.

La situation est dramatique au niveau des barrages de Koudiet Acerdoune et Keddara. Les niveaux de remplissage sont encore très bas. La pluie n’a pas trop été au rendez-vous.

Comment retenir l’eau de pluie pour qu’elle ne se déverse pas dans la mer ?

Ça dépend de l’intensité des pluies. Quand elles sont très intenses, l’écoulement l’emporte sur l’infiltration. Il faut le freiner au niveau des cours d’eau en mettant, par exemple ce qui a été réalisé dans le Sebaou, une digue seuil submersible et perméable.

Il faut en construire plusieurs pour que l’eau n’aille pas trop vite à la mer et ça favorise l’infiltration ce qui aide pour régénérer les nappes phréatiques. Il s’agit d’ouvrages très simples réalisables en peu de temps et peu coûteux mais il faut des études très sérieuses.

Faut-il construire des bassins pour stocker l’eau de pluie ?

Dans les oueds si on ralentit l’écoulement avec les digues seuils, c’est aussi une forme de stockage dans le lit de l’oued et en souterrain. La récupération des eaux de pluie est une pratique ancestrale en Algérie notamment le système de la foggara.

Des gens érigent des digues en sable pour dériver l’eau vers des bassins. Le seul problème est que la fréquence des pluies n’est pas importante. Il tombe la même quantité de pluie annuelle à Alger et Tizi Ouzou qu’à Paris. Cependant, chez nous les pluies tombent en 90 jusqu’à 100 jours par an tandis qu’elles s’étalent sur 250 jours à Paris.

Peut-on dire que la menace de la sécheresse s’est atténuée ?

Elle est atténuée mais elle est toujours là. C’est variable. Dans l’ouest du pays, il n’y a pas eu grand-chose comme pluies.

Le déficit demeure. À l’est, c’est relativement atténué vu que les barrages étaient déjà assez pleins. Au centre, à part le Taksebt, les autres barrages de la région n’ont pratiquement rien reçu. Le barrage de Taksebt a reçu deux mois de réserve en plus. On allait avoir du déficit, maintenant nous avons deux mois de réserves au rythme d’exploitation actuel.

L’Algérie peut-elle passer un été tranquille ?

À l’ouest, on peut dire que l’été ne sera pas tranquille. Au centre, ce sera très difficile à gérer car la nappe de la Mitidja ne s’est pas renouvelée. Les barrages du centre n’ont pas eu d’apports. Celui de Keddara est à moins de 20 %, ce qui est dramatique.

Il y a les stations de dessalement bien qu’elles ne soient pas toutes opérationnelles pendant l’été. On ne pourra pas compter dessus.

Il faut compter les défaillances des autres stations d’El Hamma, Fouka, Cap Djinet, Bordj El Kiffan. Si elles connaissent un arrêt, on pompera un peu plus au Taksebt. On reste sur un régime d’alimentation restrictif. On lâchera de l’eau durant les événements comme les fêtes.

Il faudrait que les gens sachent que les dernières pluies n’ont pas tout réglé. À Bouharoun, Koléa, les 200 mm tombées en 24 heures sont parties directement à la mer. Il faut que les gens se rendent compte qu’on n’est pas encore tiré d’affaires. Il faut informer les gens.

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