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Sécheresse : les images terrifiantes du deuxième plus grand barrage au Maroc

Sécheresse : les images terrifiantes du deuxième plus grand barrage au Maroc

Le Maroc, l’Algérie, la Tunisie : les pays du Maghreb souffrent du manque de pluie. Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. À nouveau le gradient de rareté Ouest-Est se confirme. Si la Tunisie et l’Algérie ont bénéficié de pluies en décembre, au Maroc celles-ci ne sont arrivées qu’en janvier.

Le 5 janvier, les services de météorologie du Maroc ont publié le niveau des précipitations de ces 24 heures : 20 mm à Ifrane, 17 à Fès, 12 à Settat, 11 à Meknès, 7 à Tanger mais seulement 1 mm à Oujda, Marrakech et Casablanca.

Il était temps. En ce même début janvier, la presse marocaine fait état du niveau des réserves du barrage d’El Massira, deuxième plus grand barrage du Maroc. Il ne contient plus que 1 % sur une capacité totale de 2,6 milliards de mètres cubes.

Un barrage capital pour l’alimentation de Casablanca, la capitale économique du Maroc. Au risque de rupture de l’approvisionnement en eau potable, la situation devient délicate pour les cultures. Car c’est dans cette région de Doukkala que se situe la raffinerie de la Compagnie sucrière du Maroc (Cosumar), une région qui est la principale productrice de betterave à sucre.

Maroc : une agriculture basée sur l’eau souterraine

Dans la région de Meknès, la chaîne Al Hadath Maroc montre un visage de désolation. Les champs d’orge arrivés au stade gazonnant ont pris une teinte marron ; ils sont en partie desséchés.

L’Office chérifien des phosphates (OCP) a lancé depuis 2018 l’opération Al Moutmir. Elle vise à vulgariser les nouvelles techniques d’arido-culture développées par la station agronomique de Settat, mais la tâche est immense.

Al Hadath Maroc indique que le niveau de l’eau dans les puits est passé de 24 à 36 mètres. Quant aux forages, leur débit a nettement diminué. Une situation qui n’avait pas été vue depuis 30 ans.

La recharge des nappes demandera des années à condition que les pluies soient au rendez-vous et que les prélèvements en eau soient moindres.

Or, dans la région, le maraîchage de plein champ, principalement l’oignon et la pomme de terre, s’est développé. « Ces cultures spéculatives attirent des locataires qui cultivent jusqu’à 100 ha par exploitation », notent Marcel Kuper et François Molle, deux experts français qui étudient la durabilité de l’exploitation des eaux souterraines dans le pourtour Méditerranéen.

Ils pointent du doigt : « la très haute rentabilité de ces agricultures basées sur l’eau souterraine qui profite à des investisseurs qui ont les moyens de protéger leur rente ».

Les effets de la sécheresse mais également les structures sociales au Maroc sont tels que pour la première fois les autorités ont dû se résoudre au versement d’une aide sociale. C’est un million de familles qui est concerné, ce qui représente plus de 3,5 millions de Marocains vivant sous le seuil de pauvreté.

Avec les premières pluies de janvier, l’espoir renaît dans les campagnes marocaines. À Nador, l’eau ruisselle à nouveau dans les rues de la ville et fait la joie des habitants.

Le Maroc fait face à une adversité climatique particulière. Ces dernières années, le positionnement en Atlantique de l’anticyclone des Açores a tendance à dévier les masses d’air océanique vers l’Europe provoquant inondations dans le nord de la France et manque de pluies au Maghreb.

À force de subventions, les agriculteurs marocains se sont massivement convertis à l’irrigation localisée par goutte à goutte. Et dans la campagne marocaine, rare sont les kits d’aspersion encore fréquemment utilisés en Algérie.

Certes l’irrigation localisée permet d’économiser les ressources hydriques utilisées par le secteur agricole mais seulement à deux conditions : éviter les sur-arrosages et de ne pas affecter l’eau économisée aux cultures d’exportation.

L’expertise d’un agriculteur marocain

Une surconsommation qui constitue une hantise pour Khalid, un agriculteur marocain spécialisé dans la production d’oignons et de pomme de terre sur les 3 hectares de son exploitation.

Sur les réseaux sociaux, il prodigue des conseils en matière d’irrigation. Il a opté pour l’irrigation par goutte à goutte, son installation lui permet d’irriguer la totalité de ses cultures.

À la sortie du puits, un compteur volumétrique est placé sur la conduite principale. Indispensable, selon Khalid qui tient à connaître les quantités d’eau qu’il apporte à ses cultures.

Trop d’eau favorise les maladies, explique-t-il, sans compter le coût du gasoil pour le fonctionnement de la motopompe. Un coût si élevé que bon nombre d’agriculteurs détournent les bouteilles de gaz subventionné pour faire fonctionner leur installation. Un gaz bien moins cher destiné à l’usage domestique.

Pour cet agriculteur, la préoccupation est de préserver les ressources en eau. À l’intention des agriculteurs, il lance : « Cela ne sert à rien d’arroser durant des heures vos parcelles d’oignons. Une heure suffit pour que l’eau s’infiltre dans le sol et que les racines de vos plantes arrivent à la capter ».

Avant d’être dirigée vers ses champs, l’eau passe par un système de filtres, clapets et manomètres. Les premiers permettent d’éviter que du sable aille dans les canalisations et obstrue les goutteurs qui distribuent l’eau aux plantes.

Quant aux manomètres, il indique : « Je les consulte plusieurs fois par jour. En amont, une surpression indique qu’un filtre est encrassé, tandis qu’en aval une chute de pression indique une fuite dans le réseau des gaines d’irrigation ».

Des engrais sont ajoutés à l’eau d’irrigation et par sécurité est installé un clapet anti-retour. L’agriculteur qui est suivi par plusieurs milliers d’internautes insiste : « La bonne compréhension de chaque élément de la station d’irrigation peut vous permettre de vous équiper sans avoir besoin de recourir à des intermédiaires. Vous pouvez ainsi faire des économies ».

Mais l’agriculteur met en garde ses collègues : « Avant de repiquer des hectares d’oignons, assurez-vous que le débit de votre puits puisse suffire ».

Ce type d’irrigation localisée commence à être utilisé en Algérie dans le cas des cultures de tomate de conserve ou de pastèques, mais encore très peu à El Oued. En Tunisie, le spécialiste en irrigation Bellachheb Chahbani a mis au point un système d’irrigation par goutte à goutte enterré qui apporte directement l’eau au niveau des racines des oliviers.

Maroc : une agriculture à réinventer

La réduction du volume des pluies au niveau des pays du Maghreb se fait plus forte ces dernières années. Si le dessalement de l’eau de mer constitue une alternative pour l’alimentation en eau potable des villes, elle reste coûteuse en énergie pour des pays comme le Maroc et la Tunisie qui ne disposent pas de ressources en hydrocarbures comme l’Algérie.

Une situation qui ne permet pas d’envisager une utilisation agricole. Dans chacun des pays maghrébins, c’est toute une agriculture qu’il s’agit de réinventer. Une course à l’utilisation de techniques économisant l’eau d’irrigation est engagée.

Elle permet un répit, notamment à l’agriculture marocaine, particulièrement impactée par la diminution des ressources en eau. Mais le devenir de ce type d’agriculture comme fournisseur en fruits et légumes des marchés européens semble dorénavant compromis.

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