La décision des autorités algériennes de recourir à la planche à billets pour résoudre les problèmes budgétaires et économiques du pays fait courir de « sérieux risques » à l’économie nationale, a mis en garde la FMI dans son dernier rapport rendu public ce lundi 16 juillet.
Selon l’estimation du FMI, « le financement monétaire pourrait, d’ici à la fin 2018, représenter l’équivalent d’environ 23 % du PIB de 2017 ». « Afin d’éponger une partie des liquidités injectées au moyen du financement monétaire, la Banque d’Algérie a relevé le taux de réserves obligatoires de 4 % à 8 % en janvier et elle a repris ses opérations d’absorption en prenant des dépôts bancaires à sept jours. Elle envisage également une augmentation modérée du taux directeur », note le FMI.
Le gouvernement a également renforcé les obstacles à l’importation via des restrictions sur plusieurs centaines de produits. De nouvelles mesures douanières ont été introduites dans la LFC 2018 qui devrait entrer en vigueur dans les prochains jours.
Risque sur la paix sociale
Le gouvernement a également adopté « des réformes structurelles » et annoncé des mesures pour améliorer le climat des affaires, note le FMI. Mais ces mesures risquent de s’avérer insuffisantes au regard des risques que fait peser le recours à la planche à billets sur l’économie. « Dans un environnement où les aléas extérieurs risquent d’entraîner une révision à la baisse des perspective, la nouvelle stratégie pourrait exacerber encore les déséquilibres macroéconomiques, voire les tensions sociales ».
Selon le FMI, la nouvelle stratégie risque notamment d’« attiser les tensions inflationnistes ». Il explique : « Faute de stérilisation adéquate, l’augmentation de la liquidité relèverait la richesse nominale, perçue ou réelle, et stimulerait la demande, ce qui se traduirait par une hausse des prix à court terme en raison de l’insuffisance de l’offre intérieure et des possibilités d’épargne. Dans le même temps, le durcissement des barrières à l’importation risquerait d’alimenter les pressions inflationnistes en réduisant l’offre — voire en débouchant sur des pénuries pour certains produits. Les attentes en matière de salaire et de prix pourraient s’ajuster rapidement et se renforcer mutuellement. Les autorités pourraient alors se trouver obligées de recourir au financement monétaire au cours des années suivantes, ce qui risquerait d’entraîner l’économie dans une spirale inflationniste ».
Menaces sur les réserves de change
Autre risque pointé par le FMI : « accroître encore les tensions sur les réserves de change ». « À mesure que les réserves de change diminueront, les tensions exercées sur le taux de change augmenteront. La probabilité d’assister à une dépréciation marquée du taux de change intensifierait la demande de devises sur le marché parallèle, ce qui encouragerait encore la recherche de rente. Si ces tensions se maintenaient, elles risqueraient d’aboutir à une correction désordonnée du taux de change », prévient le FMI.
Les choix économiques risquent également de « compliquer la gestion macroéconomique, « nuire à la croissance » et « aggraver les risques pour la stabilité financière à moyen terme ».
« Cette voie étroite est sujette à des risques majeurs », insiste le FMI. « Certes, l’exploitation potentielle du gaz et du pétrole de schiste améliorerait les perspectives à moyen terme, mais il est également possible que de sérieux risques se concrétisent rapidement. Plus particulièrement, si les cours pétroliers sont inférieurs aux projections (en raison par exemple d’un affaiblissement de la cohésion du cartel entre l’OPEP et la Russie et/ou d’une reprise de la production pétrolière sur le continent africain), ou si le très ambitieux assainissement des finances publiques annoncé pour 2019 et au-delà ne se déroule pas comme prévu, les déséquilibres pourraient rapidement devenir non-soutenables car les politiques actuelles affaiblissent la résilience de l’économie, au lieu de la renforcer », note-t-il.
Pour le FMI, d’autres politiques économiques sont possibles. Elles passent notamment par un assainissement progressif des dépenses publiques, « le recours à une grande variété de moyens de financement, à l’exclusion de l’emprunt direct auprès de la BA », « une dépréciation progressive du taux de change » et « une politique monétaire indépendante visant à maîtriser les tensions inflationnistes ».
Mais si « le déficit continue d’être financé par la politique monétaire, il convient de mettre en place des mesures de sauvegarde afin de maîtriser les risques correspondants », explique le FMI. « Il s’agit notamment de prévoir des limites quantitatives strictes (par exemple, plafonner le financement monétaire à une part raisonnable de la moyenne des recettes fiscales annuelles hors hydrocarbures au cours des trois années précédentes, à l’exception des dividendes versés par la BA), des limites temporelles (inférieures aux cinq ans prévus par la loi), et un financement aux taux du marché. Il sera important de stériliser une part suffisante de la liquidité injectée et de durcir les conditions monétaires afin d’atténuer les tensions inflationnistes ».
« Les services du FMI soulignent que ces mesures, qui n’existent pas à l’heure actuelle, ne sauraient se substituer à une politique macroéconomique saine et que, si elles atténuent les risques, elles ne les éliminent pas ».