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Stockage des céréales : l’Algérie en proie aux lourdeurs administratives

Stockage des céréales : l’Algérie en proie aux lourdeurs administratives

L’Algérie va renforcer ses capacités de stockage des céréales. L’annonce a été faite le 8 juillet dernier à Aïn Defla par le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelhafid Henni.

Un objectif maintes fois repris par les différents ministres de l’Agriculture, mais jamais entièrement concrétisé.

En Algérie, le renforcement des capacités de stockage des céréales semble en proie aux lourdeurs administratives.

Contrairement aux nombreux immeubles d’habitation construits ces dernières années en un laps de temps très court, la réalisation de silos à grains semble plus laborieuse. Le programme de construction de silos à grains date de plusieurs années.

Déjà en juin 2018, dans la commune d’El Khroub (Constantine), à l’occasion de l’inauguration d’un silo en béton, le ministre de l’Agriculture de l’époque avait donné des précisions sur les projets en cours : construction de 9 silos de grande capacité, dont 4 devant être réceptionnés avant fin 2018 et 30 silos métalliques livrés fin 2019.

La pose de la première pierre et inaugurations se sont poursuivies les années suivantes. L’Office algérien des céréales OAIC a toujours constitué des stocks stratégiques de céréales couvrant 5 à 6 mois de consommation.

La pandémie du COVID-19 et la crise ukrainienne ont rappelé les tensions qui peuvent exister sur le marché mondial des céréales dont l’Algérie dépend concernant le blé tendre. Plus que jamais est apparu le rôle crucial de disposer de capacités accrues de stockage.

Aussi, en juillet 2022, à l’occasion d’un Conseil des ministres, le président Abdelmadjid Tebboune a rappelé l’urgence de concrétiser les programmes en cours et de les élargir.

L’installation de Aïn Defla

C’est à El Attaf que le ministre et le wali d’Aïn Defla ont posé la première pierre d’un silo d’une capacité de 200.000 quintaux pour le stockage des céréales.

Au pied des fondations du silo et dans le vacarme des engins de chantier, le ministre s’est entretenu avec la presse.

Selon l’agence APS : « M. Henni a fait état du lancement de la réalisation de 350 centres de proximité de stockage de céréales à l’échelle nationale, d’une capacité de 50.000 à 70.000 quintaux, de 36 silos de stockage de céréales d’une capacité de 250.000 quintaux par unité de stockage, en sus de la relance de 16 silos ».

Un programme qui devrait porter « la capacité nationale de stockage des céréales à 9 millions de tonnes avant fin 2025 », selon la même source.

Cette ambition fait cependant l’impasse sur la modernisation du stockage à la ferme.

Une alternative qui peut contribuer à réduire l’engorgement des silos des Coopératives des Céréales et de Légumes Secs (CCLS) au moment de la récolte.

Le ministre a indiqué qu’il fallait également compter sur le stockage à plat dans les hangars dont disposent les CCLS.

De quoi stocker jusqu’à 3 millions de quintaux de céréales. Une solution transitoire dans la mesure où, en l’absence actuelle de systèmes de ventilation des récoltes ainsi entreposées, il y a risque de dégradation des grains par les insectes.

Abdelhafid Henni a également rappelé que le projet d’Aïn Defla faisait partie d’un lot de 16 silos dont la construction était gelée depuis 2016.

Silos de stockage de céréales en Algérie : importants retards

En Algérie, les retards de réalisation des silos de stockage des céréales ne sont pas propres à Aïn Defla.

Cela est également le cas du silo d’Ahmer El Aïn (Tipaza) inauguré en 2019 alors que l’attribution d’une concession pour l’assiette foncière date de 2010.

Une enveloppe initiale de 2,5 milliards DA avait été attribuée pour une durée de réalisation de 26 mois.

Une réalisation confiée à l’époque à un groupement de 3 opérateurs chinois et à une entreprise algérienne.

Les travaux débutent en juin 2015, mais s’arrêtent au bout de quelques mois, rapporte le média en ligne Reporters DZ.

Plusieurs problèmes sont alors soulevés, dont l’installation de la base-vie. De son côté, la wilaya avait accéléré les autorisations pour l’alimentation en eau potable, l’accès au site et la délivrance du permis de construire.

D’autres projets de silos rencontreront également des retards. Comment expliquer ces retards de réalisation et des projets qui traînent durant des années ? En fait, le plus souvent, l’absence d’une simple autorisation administrative en est l’origine.

L’enchaînement des difficultés administratives

Pour tout projet, les formalités administratives sont nombreuses : autorisation du service des Domaines pour disposer d’une assiette foncière, diagnostic de puissance électrique nécessaire de la part de la Sonelgaz pour lancer les travaux de raccordement, puis avis de conformité, branchement des canalisations d’eau, autorisations de sortie du port de matériel encore sous douane.

Or, chaque administration concernée argue de son bon droit. Les exemples sont nombreux à travers les vidéos mises en ligne par les cellules de communication de wilaya.

Le plus souvent, celles-ci mettent en scène le wali effectuant une tournée d’inspection sur le terrain. L’ensemble peut former une délégation d’une quinzaine de personnes.

Un scénario se reproduit invariablement. Suite à l’exposé des difficultés rencontrées par des citoyens, un investisseur ou un entrepreneur en charge d’un chantier, le wali demande à ce que le directeur du service concerné se rapproche : « Où est le représentant de la Sonelgaz, le directeur des Domaines ? Qu’il se rapproche ! », peut-on alors entendre.

À chaque fois, la scène est filmée par la cellule de communication de wilaya. Le plus souvent, ces dignes représentants des administrations locales font part de leur bonne foi quant à l’application des règles en vigueur.

Ils peuvent également se voir rabroué plus ou moins vertement pour leur manque de rapidité à traiter les affaires en cours.

En général, il s’agit de simples aléas qui trouvent assez rapidement une solution heureuse au niveau local. On pourrait penser alors que les projets en cours, comme ceux des silos, peuvent reprendre leur cours.

Il n’en est rien, car ce serait oublier l’inflation. En effet, l’arrêt d’un chantier durant plusieurs mois, voire plusieurs années, rend indispensable une réévaluation du coût du projet.

Celle-ci est réclamée par les entreprises mandatées suite à l’appel d’offres. C’est ce qui est arrivé concernant le silo d’Ahmer El Aïn.

Les sociétés retenues pour le projet ont jugé que l’estimation initiale du coût des travaux devait être revue à la hausse.

D’où la nécessaire augmentation de l’enveloppe financière initialement accordée. Une décision qui n’est pas du ressort de l’échelon de la wilaya, mais d’arbitrages ministériels pour des budgets définis annuellement.

Au-delà de la pose de la première pierre

L’Algérie n’est pas la seule à souffrir du poids de l’administration. C’est aussi le cas des pays voisins et de l’administration française où l’implantation d’une usine ou l’installation d’une simple éolienne peut prendre plusieurs années.

En Algérie, l’administration locale pâtit de nombreuses lourdeurs.

Pourtant, dans le cas de la collecte des céréales, en instituant le « guichet unique » les services agricoles ont su innover et dépasser ces lourdeurs administratives avec les nombreuses démarches qui faisaient se déplacer l’agriculteur en pleine période de récolte entre CCLS, direction de l’agriculture et banque agricole pour percevoir le paiement des grains livrés aux silos.

Il est à espérer que des solutions soient trouvées concernant le plan de renforcement des capacités de stockage des céréales.

À Aïn Defla, Abdelhafid Henni a d’ailleurs indiqué : « Il ne s’agit plus de poser la première pierre lors de l’inauguration d’un chantier et de s’en aller, mais de suivre sa réalisation. »

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