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Titre de séjour : cette préfecture est devenue « intouchable »

Titre de séjour : cette préfecture est devenue “intouchable”

Préfecture - France / Par PHILETDOM / AdobeStock

Face aux retards et aux refus des préfectures, les demandeurs de titres de séjour en France font souvent appel aux tribunaux administratifs pour faire valoir leurs droits. À Clermont-Ferrand, c’est un pari qui risque d’être perdu d’avance.

Déjà ciblé, en juin 2023, par une manifestation baptisée « la semaine de la honte », le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, deux ans après, n’a fait que « piétiner » davantage les droits des étrangers établis en France demandeurs de titre de séjour, dévoile le média français Les Jours dans une enquête publié ce jeudi 29 mai.

C’est depuis l’arrivée de son actuelle présidente, en septembre 2022, que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est devenu un endroit où les étrangers ont très peu de chance de faire plier leur préfecture, explique le même média.

« Elle a tout détruit »

Cette présidente a été d’ailleurs ciblée par trois demandes successives de récusation déposées par des avocats du barreau qui l’accusaient notamment de « partialité dans le traitement du contentieux des étrangers ». Bien que cela ait été rejeté en première instance, les requérants ont fait recours.

Mais que reproche-t-on exactement à la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ?  Avant l’arrivée de l’actuelle présidente, cette cour administrative « était capable de condamner en urgence et même, parfois, de fixer des astreintes. Tout cela, elle l’a détruit », fustige Me Annabelle Bourg, avocate.

Elle ajoute que la politique de cette présidente a rendu la préfecture « intouchable ». « Du côté de la préfecture, c’est la dégradation : il n’y a plus de menace de sanction de la part du juge, il n’y a même plus de risque d’être condamné financièrement par le tribunal », explique-t-elle.

« Elle a développé sa propre jurisprudence »

Les avocats reprochent une pléthore de dysfonctionnements à cette présidente accusée « d’avoir développé sa propre jurisprudence ». Il y a notamment la présomption « d’incomplétude » de tout dossier déposé par un étranger, dévoile l’avocate.

Elle raconte avoir déjà fourni au tribunal tous les documents qu’elle a préalablement déposés à la préfecture, et qu’elle les a « tamponnés avec son tampon d’avocat, avec le numéro et le bordereau », déplorant que la Cour a tout de même estimé « qu’elle ne prouve pas que le dossier était complet ». « Comment on fait ? », se demande-t-elle.

Il y a aussi les refus systématiques des demandes de référés, déposées pourtant en urgence par les demandeurs pour éviter que leurs clients, privés de titres de séjour, perdent leurs emplois.

Mathilde, ingénieure africaine, demandeuse de titre de séjour, a pourtant opté pour cette procédure et le tribunal a estimé « qu’elle n’était pas dans le besoin », alors qu’elle était suspendue par son employeur chez qui elle a signé un CDI, faute de titre de séjour.

Des requérants sans avocats

Contactée par le média français, la présidente a expliqué que la présomption d’urgence n’est valide que lorsque le requérant est déjà titulaire d’un titre de séjour et non d’un simple récépissé. Ainsi, « l’urgence doit être justifiée par l’étranger et la perte du travail n’est pas un critère », a-t-elle souligné.

On reproche aussi à cette présidente d’avoir privé les requérants demandeurs de titres de séjour de l’aide juridictionnelle, ce qui laisse les plus démunis sans possibilité d’avoir un avocat.

Me Bastien Demars, avocat, explique que la présidente exige encore dans ce cas que le requérant soit en situation régulière pour avoir droit à l’aide juridictionnelle. « C’est un cercle vicieux : pour contester le refus d’un titre de séjour, il faut justifier de sa régularité en France », fait-il remarquer.

« La préfecture se sent intouchable »

Depuis qu’elle occupe le poste de présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, les rejets des référés-suspension ont augmenté de 315 % tandis que les refus des référés mesures utiles ont augmenté de 186 %.

Mais ce qui inquiète le plus les avocats, c’est le fait que le tribunal condamne rarement la préfecture et ne lui fixe presque plus d’astreintes. Ainsi, la préfecture « se sent intouchable », estime Maureen Fréry, avocat.

Il explique que les services de l’État, vu la politique du tribunal administratif, retardent la délivrance des titres de séjour, voire se contentent de la délivrance de récépissés. « Aujourd’hui, les décisions peuvent être exécutées plusieurs mois après, plaçant les personnes dans la précarité », a-t-il dénoncé.

Face à ce problème, Fabienne Loiseau, également avocate, se dit « inquiète sur le fondement de la République ». Elle va jusqu’à estimer qu’il s’agit là d’une « fragilisation de l’État de droit ».

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