search-form-close
Traitement du cancer en Algérie : pourquoi les rendez-vous sont si éloignés ?

Traitement du cancer en Algérie : pourquoi les rendez-vous sont si éloignés ?

Le 4 février a été consacré Journée internationale de lutte contre le cancer. Cette maladie aux multiples formes et localisations qui tue chaque année des millions de personnes à travers le monde.

En Algérie, le cancer est un véritable problème national. En 2017, près de 500.000 cancéreux étaient recensés dans le pays et environ 50.000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Les tumeurs malignes, qui causent 21% des décès, sont classées deuxième parmi les maladies les plus mortelles en Algérie, juste après les maladies cardio-vasculaires.

La prise en charge des cancéreux en Algérie reste problématique malgré les progrès qui ont été faits récemment. Chaque année, c’est, en moyenne, 12.000 cancéreux qui décèdent faute de traitement. De plus, environ 70% des cas pris en charge dans les différents services et centres anticancéreux sont diagnostiqués tardivement, c’est-à-dire à des stades avancés de la maladie pendant lesquels les traitements, même menés de façon correcte, ont peu de chances de mener à la guérison.

Prise en charge tardive

Cette prise en charge tardive est due à la défaillance des systèmes de dépistage, notamment des cancers les plus répandus comme celui du sein. Ce retard dans le diagnostic sape les résultats algériens du traitement du cancer du sein et les fait baisser de façon dramatique. Alors qu’en Europe la plupart des cas de cancer du sein sont détectés aux stades 1 et 2, en Algérie, ce sont les stades 3 et 4, plus avancés et donc plus difficiles à soigner, qui dominent. Résultat, les femmes algériennes meurent beaucoup plus de cette maladie que les Européennes.

En plus du diagnostic et de la prise en charge tardifs, il y a en Algérie le problème récurrent des rendez-vous qui sont souvent éloignés, notamment pour la radiothérapie, une des techniques les plus utilisées dans le traitement du cancer, en plus de l’oncologie médicale (chimiothérapie) et de la chirurgie.

Des milliers de cancéreux attendent dans l’angoisse, plusieurs semaines dans le meilleur des cas, plusieurs mois dans le pire, un rendez-vous pour recevoir leur radiothérapie, souvent leur seule chance de survie.

Il existe en Algérie plusieurs centres anticancéreux qui disposent d’appareils de radiothérapie : Tlemcen, Oran, Sidi Bel Abbès, Constantine, Setif, Batna, Blida, Ouargla et à Alger. Dans tous ces centres, les conditions de traitement sont approximativement les mêmes et les délais d’attente également.

De 6 semaines à 5 mois d’attente

Le Centre Pierre et Marie Curie (CPMC) d’Alger, est un hôpital à part entière, même s’il est adossé au CHU Mustapha Pacha. Il dispose de plusieurs services dont un service de chirurgie, un service d’oncologie médicale et un service de radiothérapie.

Dans ce dernier, les délais d’attente avant le début du traitement par radiothérapie peut être long, il est de 6 à 8 semaines pour certains cas mais peut aller jusqu’à 5 mois pour d’autres. Les raisons de ces longs délais sont multiples dont la principale est la nature même de la radiothérapie.

Pour espérer venir à bout d’une tumeur maligne, le médecin radiothérapeute administre plusieurs séances de rayons à son patient, le nombre de celles-ci peut aller jusqu’à 33 pour un cancer du sein par exemple. Les séances sont quotidiennes, c’est-à-dire qu’une malade atteinte du cancer du sein, occupera, pendant 33 jours, un des appareils du centre pendant 10 minutes au moins, ce qui limite grandement le nombre de patients qui peuvent être traités quotidiennement par le même appareil.

L’obligation d’observer une pause pendant le week-end pour respecter les recommandations internationales et permettre au patient de se reposer et reprendre des forces, rallongent encore plus la durée de traitement d’un patient, et diminue la capacité de traitement du service.

Autre facteur qui ralentit la cadence des soins, les opérations d’entretien indispensables pour maintenir les appareils en état de marche. Même si les appareils dont dispose le CPMC sont d’une technologie très récente et d’une haute technicité, ils ne connaissent pas les longues périodes de mise hors-service comme c’est le cas dans les autres hôpitaux.

La pression que subit le centre et l’importance vitale des soins qu’il prodigue aux cancéreux font que les appareils sont réparés dans des délais record, quelques minutes à quelques heures lorsque la panne n’est pas grave et au maximum une semaine lorsque la panne nécessite le changement d’un composant de l’appareil, ce qui ne peut se faire qu’avec l’intervention du constructeur de l’appareil qui doit souvent venir de l’étranger.

Défaut de coordination entre services

Souvent, un cancéreux doit subir deux, voire trois types de thérapies anticancéreuses. Dans certains cas, un  traitement par chimiothérapie ou par chirurgie précède le traitement par rayons et ceci pose deux problèmes aux médecins du service de radiothérapie.

Le premier est que le service de radiothérapie subit une plus forte pression que celle subit par les autres services du CPMC. Le deuxième est la coordination, parfois défaillante, entre les services de chirurgie ou d’oncologie médicale avec le service de radiothérapie.

Lorsqu’un cancéreux reçoit une chimiothérapie qui doit être consolidée par la radiothérapie, l’idéal est de l’inscrire sur la liste d’attente pour la radiothérapie dès le début de sa chimiothérapie afin de faire coïncider la fin du premier traitement avec le début programmé du deuxième.

Mais souvent, les rendez-vous ne sont pas pris par les médecins traitants en oncologie ou, parfois, non-transmis au service de radiologie. Les patients, à la fin de leur chimiothérapie, se retrouvent ainsi sans rendez-vous en radio et doivent attendre encore des semaines, voire des mois.

170 patients soignés chaque jour

Le service de radiothérapie du CPMC dispose de trois accélérateurs en plus d’un appareil de radiothérapie par cobalt qui commence à être obsolète mais qui continue à être utilisé par les médecins, car il donne encore d’excellents résultats sur certains types de tumeurs. Un appareil est réservé aux cancers du sein qui sont les plus nombreux, un deuxième appareil est réservé aux urgences et les deux autres servent à traiter tous les autres types de cancers.

Pour faire tourner ces machines, le service dispose de 12 médecins qui assurent les séances de rayons et les consultations en deux rotations, la première de 7 heures du matin à 13 heures et la seconde de 13 heures à 19 heures. Auparavant, une troisième rotation était assurée, mais le manque d’effectif et des difficultés logistiques ont fait que le travail de nuit soit suspendu depuis quelques mois.

En plus des médecins, le service dispose de 20 manipulateurs en radiothérapie. Ce sont des techniciens spécialisés dans la manipulation des appareils de radiothérapie même si leur formation de base est la radio d’imagerie.

Quant aux physiciens, qui sont pour l’oncologue radiothérapeute ce que sont les pharmaciens pour les autres médecins, ils sont au nombre de 7 et leur rôle est de calculer les quantités de rayons à administrer et de calibrer les appareils.

Toute cette organisation permet au service de radiothérapie du CPMC de soigner par les rayons une moyenne de 170 malades par jour à un rythme de 6 jours sur 7 alors que les urgences sont assurées 7 jours sur 7 tout au long de l’année.

Malgré cette organisation efficace et l’abnégation du personnel soignant et technique qui ne fait aucun doute, les délais d’attente pour les séances de radiothérapie au CPMC restent affreusement longs. Ceci est dû au fait que pour les wilayas du centre, il n’y a que le CPMC et le centre anticancéreux de Blida, plus modeste, qui dispensent des séances de radiothérapie alors que la population à soigner est grande et continue à croître chaque année.

  • Les derniers articles

close