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Trois questions auxquelles Gaid Salah ne répond pas

Trois questions auxquelles Gaid Salah ne répond pas

Ahmed Gaid Salah a tenu, ce mardi 23 avril, un discours offensif dans lequel il a notamment accusé la classe politique de refuser l’offre de dialogue de Bensalah et réaffirmé le maintien du processus en cours. Les arguments développés par le chef d’état-major de l’armée se heurtent à une réalité plus complexe sur le terrain. Explications :

1. Dialoguer, oui mais avec qui ?

« Nous avons constaté l’apparition de certaines voix qui ne veulent aucun bien à l’Algérie, appelant à l’entêtement et l’acharnement à maintenir les mêmes positions préétablies, sans tenir compte de tout ce qui a été réalisé, le rejet de toutes les initiatives et le boycott de toutes les démarches, y compris l’initiative de dialogue qui est censée être un des mécanismes civilisés qu’il y a lieu de valoriser, notamment dans ces circonstances particulières que vit notre pays », a déclaré Ahmed Gaid Salah.

Le patron de l’armée reproche à « certaines voix » de refuser le dialogue, en allusion au boycott de l’initiative lancée par le président par intérim Abdelkader Bensalah. D’abord, le constat est faux. Il ne s’agit pas de « certaines voix » mais de la quasi-totalité de la classe politique. Hier, hormis une vingtaine d’inconnus, personne n’a fait le déplacement au centre des conférences. Le président Bensalah était lui-même absent.

La présidence était représentée par Hebba El Okbi, un ancien conseiller de Bouteflika, considéré comme un membre de « la bande » dénoncée par Gaid Salah dans ses discours. Comme les autres conseillers, Hebba El Okbi est sur un siège éjectable. Son limogeage pourrait intervenir à tout moment.

Quant au président Bensalah, il est effacé. Ses rares visiteurs décrivent un président presque isolé qui semble attendre des directives. Pour ce qui est de Noureddine Bedoui, il n’a pas été vu en public depuis plusieurs semaines. Enfin, l’armée ne veut pas discuter directement avec les acteurs politiques.

2. Organiser l’élection présidentielle : avec quels candidats et quels électeurs ?

Autre sujet abordé par Gaid Salah : la tenue de l’élection présidentielle dans les délais. « Le peuple algérien est souverain dans ses décisions, et c’est à lui qu’il appartient de trancher la question lors de l’élection du nouveau président de la République, qui aura la légitimité requise pour satisfaire le reste des revendications populaires légitimes », a-t-il dit.

Pour le chef d’état-major, l’étape actuelle doit déboucher uniquement sur l’élection présidentielle et c’est au futur président de mener les autres réformes : révision de la Constitution, révision des lois…

Là encore, Gaid Salah ne dit pas comment il compte s’y prendre. Tous les vendredis depuis le 22 février, des millions d’Algériens manifestent dans la rue. On ne connaît pas leur nombre exact mais ils représentent au moins une bonne partie du corps électoral. Ils rejettent l’élection dans les conditions actuelles. Comment Gaid Salah compte-t-il leur faire changer d’avis d’ici le 4 juillet, soit dans 70 jours ?

Autre problème de taille : l’absence de candidats. Toute l’opposition boycotte. Trois partis de l’ex-alliance présidentielle (RND, MPA et TAJ) demandent le report de la présidentielle. Le FLN, déchiré par une féroce guerre interne, n’arrive même pas à désigner son secrétaire général – comment va-t-il pouvoir choisir un candidat dans un délai très court ?

Gaid Salah propose d’organiser une élection sans la classe politique et sans une bonne partie des électeurs. C’est le chemin le plus court pour désigner un président sans aucune légitimité.

3. Une solution rapide à la crise : oui mais comment ?

Dans son discours, Ahmed Gaid Salah a souhaité une solution rapide à la crise. « Il y a lieu de mettre à profit toutes les opportunités pour aboutir à une convergence des visions et un rapprochement des points à même de permettre d’aboutir à une solution, voire plusieurs, à la crise dans les plus brefs délais, car si la situation perdure davantage elle aura des conséquences néfastes sur l’économie nationale et sur le pouvoir d’achat des citoyens, surtout que nous sommes à la veille du mois sacré de Ramadan ».

Le constat de Gaid Salah est juste. Il est partagé par de nombreux experts : la crise ne doit pas durer longtemps. Sauf que la clé de la solution est entre les mains du pouvoir, particulièrement de l’armée. Le peuple a fait connaître ses exigences : une véritable transition démocratique sans les hommes du pouvoir. En face, c’est le pouvoir qui tergiverse, en s’abritant derrière le respect de la Constitution. Gaid Salah le sait et il ne peut pas reprocher aux manifestants l’absence de solution à la crise.

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