Économie

Un milliard de dollars perdu en deux mois : la chute des cours de pétrole frappe durement l’Algérie

La chute brutale des prix du pétrole chamboule les plans et les prévisions du gouvernement. La courbe descendante entamée avec la propagation du Covid-19 en Chine s’est accentuée au fil des semaines jusqu’à atteindre un plus bas jamais enregistré depuis 18 ans.

Mercredi 18 mars, le baril de WTI a chuté à 20.37 dollars et celui de Brent à 24.88 dollars. Des niveaux bas jamais atteints depuis 2002 pour le WTI et 2003 pour le Brent, référence pour le pétrole algérien.

Les cours ont légèrement remonté ce jeudi matin (22.63 et 25.71 dollars respectivement), mais ils restent dans la fourchette rouge sans perspective d’une embellie à court terme.

Depuis la première quinzaine de janvier et le pic (plus de 70 dollars) atteint lors de la crise entre l’Iran et les États-Unis suite à l’assassinat d’un général iranien en Irak, les cours ont perdu environ 60% de leur valeur. Jusqu’où ira le prix du baril ?

Sans s’avancer sur les chiffres, les spécialistes demeurent sceptiques, mettant en avant le fait que les cours sont simultanément grevés par deux facteurs : la crise du coronavirus qui sensiblement réduit l’activité économique donc la demande des grands pays consommateurs et le bras de fer engagé entre l’Arabie saoudite et la Russie.

Le jour même où les cours effectuaient leur plongeon historique, la monarchie du Golfe annonçait son intention de porter sa production à plus de 10 millions de barils/jour.

Les analystes parlent des « conditions les plus baissières qu’on puisse imaginer ». Il est évident que l’économie algérienne, basée entièrement sur l’exportation des hydrocarbures, soit durement touchée par cette fluctuation des prix.

Depuis ce mardi, on a un premier chiffre concernant le manque à gagner en termes de recettes pétrolières, et c’est le ministre de l’Énergie qui le divulgue sur la télévision publique.

Selon Mohamed Arkab, jusqu’à février dernier, il a manqué un milliard de dollars par rapport aux prévisions des recettes du Trésor public. L’Algérie tablait sur des recettes de six milliards de dollars durant les deux premiers mois de 2020, elle n’a encaissé que cinq milliards, selon le ministre.

Et ce n’est pas là l’effet de la baisse cruciale due au coronavirus et à la guerre des prix puisque les prix bas enregistrés ces jours-ci concernent les livraisons des mois prochains.

On ne sait donc si c’est la baisse du dernier trimestre 2019 qui a fait reculer les recettes d’un milliard de dollars durant les deux premiers mois de l’année en cours ou, plus grave encore, une éventuelle chute de la production, un aspect sur lequel les autorités communiquent peu.

En novembre, une nouvelle loi sur les hydrocarbures avait été adoptée dans le but d’attirer plus d’investissements étrangers qui permettraient d’extraire des quantités supplémentaires.

Le trou sera encore plus abyssal dans les prochains mois

Baisse de production ou pas, il est déjà certain que les recettes de la fiscalité pétrolière pour les mois à venir seront très en-deçà des prévisions. La loi de finances 2020 a été élaborée sur la base de 50 dollars le baril et, pour la livraison d’avril, il en est déjà à moins de la moitié.

Si les prix ne remontent pas substantiellement et durablement dans les prochaines semaines, ce sont tous les indicateurs macro-économiques déjà très peu optimistes dans la LF 2020, qui seront revus à la baisse, notamment l’équilibre budgétaire et de la balance des paiements et le niveau des réserves de change.

À titre indicatif, le gouvernement tablait sur des recettes de 34 milliards de dollars pour les exportations d’hydrocarbures. Que fera-t-il si les prix venaient à se maintenir à leurs niveaux dérisoires actuels ?

Le recours au financement conventionnel et à l’endettement extérieur étant exclu officiellement, il restera aux autorités de remettre en cause une partie de leurs engagements sociaux et des projets de développement à travers des réajustements qui pourraient survenir dès l’élaboration de la loi de finances complémentaire 2020.

L’équation est d’autant plus compliquée que l’effort de lutte contre le coronavirus va induire des dépenses supplémentaires, que ce soit pour l’acquisition d’équipements de prévention ou d’un éventuel vaccin ou pour compenser le manque à gagner du tissu économique.

En somme, en l’absence d’alternative immédiate, une remontée rapide des prix du brut est plus que vitale pour le pays. Le ministre de ne semble pas avoir d’autre choix que d’y croire.

« Les prévisions des experts annoncent une redynamisation au deuxième semestre et un rééquilibrage du marché pétrolier. On va chercher le moyen de préserver nos recettes pour réaliser nos prévisions qui sont de 34 milliards de dollars », dit-il. Sauf que, n’étant pas un gros producteur, l’Algérie n’a aucune emprise sur le marché pétrolier ni au sein de l’Opep ni en dehors. Il lui reste à croiser les doigts.

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