Économie

« Une grande partie de la population fiscale échappe à l’impôt »

L’Algérie dispose de l’un des systèmes fiscaux « les plus compliqués du monde », a estimé ce lundi Boubekeur Sellami, président de l’association nationale des conseillers fiscaux.

« Nous n’avons pas vu une stratégie fiscale depuis 2014 », a indiqué M. Sellami dans un entretien accordé à la radio nationale francophone. « Dans les lois de finances on a vu certaines petites amendes et révisions des taux d’imposition, mais ça ne répond pas à une crise qui dure depuis cinq ans », a-t-il ajouté.

« Il y a une absence de justice fiscale et d’égalité devant l’impôt. C’est la cause essentielle de l’émigration des contribuables vers l’informel », a affirmé Boubekeur Sellami, précisant qu’aujourd’hui l’Algérie « a une population de l’informel qui avoisine 50% de la population du tissu économique ».

M. Sellami a estimé qu’une « forte pression fiscale » pèse sur le citoyen ordinaire, en rappelant que l’IRG prélevé sur les bulletins de paie des salariés rapporte 25% et que la TVA supportée par ces derniers en rapporte 30%. C’est « une pression terrible sur le citoyen ordinaire », a-t-il ajouté, rappelant au passage qu’une entreprise ne s’acquitte que de 10 à 12% sur la TAP et l’IBS. Il a affirmé que le taux de recouvrement des impôts ne dépasse pas les 9%.

« Le système fiscal algérien est presque un copier-coller de la fiscalité française, alors que ce n’est pas la même réalité économique entre l’Algérie et la France », a souligné le président de l’association nationale des conseillers fiscaux.

« Une fois qu’on donne les moyens à l’administration fiscale, on peut mettre en place un système fiscal purement algérien : fiscalité simplifiée, assiette fiscale large, pouvoir à l’administration fiscale pour recouvrer l’impôt… », a affirmé M. Sellami.

« L’architecture des impositions en Algérie est très compliquée. On a un système fiscal des plus compliqués au monde. On a une pression fiscale très importante mais qui ne touche qu’une partie de la population fiscale, tandis qu’il y a une grande partie de la population fiscale qui échappe à l’impôt », a dénoncé Boubekeur Sellami. « Il faut élargir l’assiette fiscale, simplifier le système fiscal algérien et essayer de ramener l’informel vers le formel », a préconisé l’expert.

« Pour lutter contre l’informel, il faut le contrôle de l’État. En l’absence de l’autorité, l’impôt ne peut pas atteindre ses objectifs. Or l’État jusqu’à présent achète la paix sociale à travers les pas en arrière. Chaque fois qu’on veut appliquer une loi, à travers cette résistance du contribuable on revient en arrière », a déploré l’expert.

« Si on exploite les niches fiscales, nous n’aurons plus besoin de la fiscalité pétrolière. Rien qu’avec l’informel, on peut ramener 20 à 25% de la fiscalité ordinaire. Pour ramener l’informel, il faut appliquer la loi. Il faut également un système politique légitime, afin que les gens aient confiance. L’égalité, c’est le partage des coûts et le partage des produits », a résumé M. Sellami.

« Il faut commencer par les grands fortunés et on descend petit à petit. Car c’est vrai que l’administration fiscale n’a pas les moyens de contrôler toutes les fortunes. On commence donc par les grands fortunés, quelle que soit la personne, quel que soit le poste occupé », a indiqué l’expert.

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