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Vaccination anti-Covid : après les effets d’annonce, la réalité du terrain

Vaccination anti-Covid : après les effets d’annonce, la réalité du terrain

Peut-on dire que l’Algérie a lancé la campagne de vaccination contre le Covid-19 ? Officiellement, oui, elle l’a fait et en grandes pompes, samedi 30 janvier, au lendemain de la réception d’un premier lot de 50 000 doses du vaccin russe Spoutnik-V.

Les autorités ont tenu le pari d’inoculer les premiers vaccins avant la fin du premier mois de l’année, comme l’avait voulu le président de la République, mais il s’agit plus d’un lancement symbolique que d’une opération effective et à grande échelle comme on en voit dans les pays d’Europe les plus touchés par la pandémie. La vaccination de masse devra vraisemblablement attendre.

Une semaine après le début de la campagne, on en est toujours aux lancements symboliques à travers les wilayas et les critiques fusent déjà de partout. La campagne a même démarré sur une petite polémique lorsque le premier citoyen algérien à se faire vacciner, une dentiste de Blida, enflamme les réseaux sociaux par sa prestation incompréhensible sur le plateau d’une chaîne de télévision.

L’humour des internautes algériens fera le reste pour assimiler l’incapacité de la femme à comprendre la question de la journaliste d’Echorouk à un premier effet indésirable du vaccin russe.

Plus sérieusement, des critiques et objections émanent de nombreux spécialistes qui mettent en avant plusieurs insuffisances dans l’opération, telle qu’elle est menée jusqu’à maintenant.

À commencer par les quantités de doses acquises et celles acheminées vers les structures de santé à travers le territoire national, jugées insignifiantes. Aux 50 000 doses venues de Russie, se sont ajoutées 50 000 autres du vaccin britannique d’AstraZeneca arrivées lundi 1er février.

Cela fait un total de 100 000 doses, mais le compte n’est toujours pas bon quand on sait la taille de la population, les besoins estimés à 40 millions de doses et l’objectif déclaré d’en vacciner 75 %.

« Si on voulait rater la vaccination, on est bien partis », résume le Pr Kamel Bouzid, chef du service oncologie du CPMC d’Alger dans un entretien à TSA publié hier samedi.

| Lire aussi : Covid-19 : comment le virus a mis à nu la vulnérabilité de l’Algérie

Son témoignage illustre bien la situation dans cette première semaine de la campagne de vaccination : 25 doses pour les 1 500 employés du centre et 700 pour les 5 000 travailleurs du CHU Mustapha, plus grand hôpital d’Algérie.

Dans le service du Pr Bouzid, quatre puis cinq médecins et professeurs ont été vaccinés les cinquième et sixième jours. Puis plus rien.

« Pour le reste des personnels soignants, ils vont se dire pourquoi certains ont été vaccinés et pas nous ! Or, les citoyens qui assistent à cette débâcle, ils vont faire encore moins confiance », met d’ores et déjà en garde l’oncologue. Et il n’y a pas que Kamel Bouzid, qui trouve que tout ne tourne pas rond dans ce début de campagne de vaccination.

Trop tôt pour conclure à l’échec

Des critiques similaires sont venues de l’intérieur même du Comité scientifique en charge du suivi de la pandémie, par la voix de Dr Bekkat Berkani, par ailleurs président du Conseil de l’Odre des médecins.

 « Il y a 50 000 médecins, soit l’équivalent des 100 000 doses réceptionnées. Les infirmiers sont tout aussi nombreux. Alors, les deux avions qui ont ramené les 100.000 doses de vaccins vont aller rien que pour le corps médical. Et les autres, notamment les personnes âgées ? », s’interroge-t-il.

Il est certes encore tôt pour conclure que ces « autres » évoqués par Dr Berkani devront attendre longtemps, encore moins qu’ils n’auront jamais leur vaccin.

Les 50 000 doses de Spoutnik V réceptionnées ne constituent que le dixième de la commande passée auprès du laboratoire russe. Des quantités conséquentes d’AstraZeneca et d’autres vaccins, notamment chinois, sont aussi attendues.

Outre, la quantité « insignifiante » des vaccins réceptionnés, l’absence d’une procédure claire pour s’inscrire afin de se faire vacciner, jettent le flou sur cette opération, et rendent difficile la concrétisation de l’objectif de terminer la campagne de vaccination en 2021. « Où est passée la plateforme numérique pour la prise de rendez-vous ? », s’interroge Dr Bekkat Berkani.

Il faudrait en effet vacciner plus de 100.000 personnes par jour pour tenir l’objectif, de vacciner 20 millions d’Algériens, tracé par le Comité scientifique en une année. Au rythme de 100.000 doses par semaine, l’Algérie réussit à vacciner un peu plus de quatre millions de personnes.

Les choses pourraient s’améliorer considérablement pour l’Algérie si le projet de fabriquer localement le vaccin russe est mené à terme. Mais on ne connaît pas les capacités de production des deux laboratoires (Saidal et Frater Razes) qui négocient avec la partie russe la production du vaccin en Algérie.

S’il est donc prématuré de parler d’échec, il reste néanmoins indéniable qu’il y a comme de la déception dans ce début de campagne.

La vaccination de masse aura lieu, mais seulement lorsque le pays sera fourni en quantités suffisantes et non parcimonieusement comme c’est jusque-là le cas.

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