search-form-close
Venezuela : la nouvelle monnaie hyperdévaluée entre en vigueur lundi

Venezuela : la nouvelle monnaie hyperdévaluée entre en vigueur lundi

Reuters/Ueslei Marcelino
« Le 20 août, le plan de redressement économique va démarrer avec une reconversion monétaire, à savoir cinq zéros en moins », avait annoncé le président vénézuélien, Nicolas Maduro, au cours d'une réunion de son cabinet, le mercredi 25 juillet.

Le gouvernement vénézuélien a annoncé jeudi 16 août l’arrêt temporaire des opérations bancaires électroniques à compter de ce dimanche, afin de faciliter la mise en circulation des nouveaux billets qui compteront cinq zéros de moins que les actuels. Il s’agit selon le président Nicolas Maduro, de « faciliter les transactions financières » mais aussi de « protéger » le bolivar.

L’heure est venue pour le Venezuela de reprendre la situation en main. Dimanche 19 août, à partir de 18h00 heure locale (22h00 GMT), les transactions bancaires électroniques seront suspendues pour faciliter l’arrivée de la nouvelle monnaie vénézuélienne, nommée le « Bolivar souverain », prévue pour ce lundi.

« Nous invitons la population à prendre toutes les dispositions nécessaires », a indiqué le ministre de l’Intérieur, Néstor Reverol qui assure que 95% des outils informatiques « sont adaptés » à ce changement.

Le gouvernement vénézuélien n’a toutefois pas précisé combien de temps durera cette suspension. Pendant cette période, les établissements  bancaires ne seront pas en service et de nombreux commerces n’ouvriront pas, du fait de leur dépendance au bon fonctionnement des cartes de crédit. Au Venezuela, le paiement électronique s’est en effet généralisé car les retraits d’argent aux distributeurs automatiques sont très limités.

Cette mesure fait partie du plan de redressement économique du pays, annoncé fin juillet par le chef d’Etat vénézuélien, Nicolas Maduro, qui avait alors reconnu l’échec de sa politique économique. Selon lui, il est nécessaire de passer par une dévaluation monétaire afin de contrer les conséquences de l’hyperinflation qui frappe le Venezuela : cinq zéros vont ainsi être supprimés de la monnaie vénézuélienne, le bolivar.

L’actuel plus gros billet, qui était de 100.000 bolivars, deviendra une pièce de 1 bolivar souverain (Bs.S). Cependant, l’actuel billet de 500 bolivars sera conservé : il deviendra ainsi la plus grosse coupure. Les autres nouveaux billets seront de 2, 5, 10, 20, 50, 100 et 200 bolivars souverains (Bs.S). Il y aura aussi une autre pièce, celle de 50 cents.

Cinq zéros en moins pour « un nouveau système financier et monétaire stable »

A l’origine, le gouvernement n’était supposé retirer que trois zéros au bolivar. Cette mesure, qui devait entrer en vigueur le 4 juin, avait été ensuite reportée au 4 août à la demande de la Banque centrale. Finalement, Nicolas Maduro a jugé cette dévaluation insuffisante et a renchéri sur le nombre de zéros à supprimer.

« Le 20 août, le plan de redressement économique va démarrer avec une reconversion monétaire, à savoir cinq zéros en moins », avait déclaré le président vénézuélien lors d’une réunion de son cabinet, le mercredi 25 juillet.

Cette mesure permettra d’avoir « un nouveau système financier et monétaire stable ». Elle devrait également faciliter les opérations du quotidien, que ce soit pour les transactions bancaires ou les petits achats. Au Venezuela, il est, en effet, fréquent que les supermarchés fassent payer les consommateurs en plusieurs fois, la limite par transaction étant fixée à 20 millions de bolivars.

« Les systèmes informatiques sont en surchauffe, aucune plateforme ne supporte une telle quantité de transactions. Un effondrement [du système] est possible », avait ainsi déclaré une source bancaire anonyme à l’AFP.

Selon des experts interrogés par l’AFP, enlever cinq zéros à la monnaie vénézuélienne pourrait, certes, éviter dans l’immédiat un effondrement du système de paiement, mais cette pratique aurait ses limites. Il ne s’agirait même que d’une « rustine » sur une économie déjà très mal en point. Le directeur de l’institut Econometrica, Henkel Garcia, cité par l’agence, estime que la durée de vie des nouveaux billets vénézuéliens ne dépassera pas les six mois.

« Ils seront bientôt obligés de supprimer d’autres zéros», a-t-il prédit à l’AFP.

Par ailleurs, le plan de relance économique annoncé par Nicolas Madura en juillet comprend également des mesures que son parti socialiste avait pourtant rejetées dans le passé, telles qu’un assouplissement du contrôle des changes pour attirer les capitaux étrangers ainsi qu’un nouveau système pour fixer le prix de l’essence. Cette dernière mesure entrera d’ailleurs en vigueur lundi 20 août, en même temps que l’arrivée des nouvelles coupures.

Une inflation de 1.000.000% d’ici la fin 2018

Mais ce plan de redressement pourrait s’avérer insuffisant au vu de la gravité de la crise. Le Fonds monétaire international (FMI) avait publié, le 23 juillet dernier, une note de blog très pessimiste sur la situation économique du pays. Le FMI prévoit, entres autres, une inflation de 1.000.000% d’ici la fin de l’année et un PIB qui devrait s’effondrer de 18%.

« Nous projetons une poussée de l’inflation de 1.000.000% d’ici la fin 2018, ce qui signifie que le Venezuela est dans une situation similaire à celle de l’Allemagne en 1923 ou à celle du Zimbabwe à la fin des années 2000 », a commenté dans un blog Alejandro Werner, un des responsables de l’institution de Washington, alors qu’au printemps dernier, il anticipait déjà une inflation de 13.000%.

En fin juillet déjà, il fallait l’équivalent d’un salaire mensuel minimal d’un Vénézuélien (qui est de 1,5 dollar au taux du marché noir, la référence de facto) pour s’acheter un kilo de viande. Un kilo d’ail valait 32 millions de bolivars (10 dollars au taux du marché noir) et une paire de lunettes coûtait jusqu’à un milliard de bolivars, soit environ 300 dollars au taux du marché noir. La débâcle économique du pays aurait déjà fait fuir 1,6 million de Vénézuéliens environ depuis 2016, alors que près de 90% de la population vit sous le seuil de la pauvreté, d’après une étude publiée par trois grandes universités vénézuéliennes. Beaucoup d’entre eux auraient trouvé refuge dans les pays voisins, tels que le Brésil ou la Colombie.

Réformer en profondeur le Venezuela

Nicolas Maduro a admis récemment l’échec de sa politique économique, mais ne se dit toutefois pas entièrement responsable de cette débâcle et accuse les Américains de vouloir « isoler économiquement » son pays avec de violentes sanctions économiques. Il s’en prend également à l’entreprise publique pétrolière PDVSA qui mènerait « une guerre économique ». Le Venezuela, qui tire 96 % de ses revenus du pétrole, a vu sa production s’effondrer de moitié au moins en un an et demi.

En mai dernier, pour tenter d’amortir les effets de l’hyperinflation et répondre à la grogne sociale qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans le pays, le président Maduro avait annoncé pour la troisième fois en un an une hausse du salaire minimum mensuel, qui était cette fois-ci de 95%.

Lire aussi : Venezuela : Maduro augmente le salaire minimum de 50%

Selon plusieurs économistes, les récentes hausses salariales décidées par le président Maduro ne feraient qu’alimenter plus encore la hausse du coût de la vie. La situation ne se résoudra, selon eux, qu’avec de véritables changements de la politique monétaire et économique du pays.

« La seule façon pour sortir de l’hyperinflation, c’est avec des réformes économiques profondes. C’est de cette manière qu’on y a mis un terme dans tous les autres cas », a déclaré Henkel Garcia à l’AFP, qui fait référence au Zimbabwe, dont l’inflation avait atteint un sommet record en 2008 de 231.000.000% .

Pour redresser la situation au Venezuela, le cabinet Econometrica estime également qu’il faudrait injecter entre 20 et 30 milliards de dollars par an durant deux ou trois ans.


Plus d’actu sur latribune.fr

 

  • Les derniers articles

close