Simple stratagème pour faire le buzz ou coup de gueule sincère contre la banalisation des violences faites aux femmes en Algérie ? Quoi qu’il en soit, la vidéo partagée par l’actrice algérienne Mounia Benfeghoul ne laisse personne indifférent.
Depuis quelques jours, c’est l’un des sujets les plus commentés sur les réseaux sociaux, devenus par la force des choses une sorte d’immense agora où tout se discute, parfois sans retenue, en l’absence d’autres espaces de débat.
Au fil des pages, des publications et des commentaires se lisent les contradictions qui traversent la société algérienne, les espérances de sa jeunesse et ses frustrations, mais aussi les déviances d’une partie d’entre elle.
La jeune artiste avait-elle le droit d’exprimer le fond de sa pensée ? Assurément oui, à plus forte raison quand le sujet la concerne directement en tant que femme, soit la condition féminine en Algérie, la violence faite aux femmes, du harcèlement de rue ou en milieu professionnel à l’agression physique et au meurtre.
Tout est parti justement d’un féminicide qui a mis en émoi le pays. Enlevée par une des connaissances, la jeune Chaima a fini violée puis brûlée vivante. Son corps carbonisé a été découvert près d’une station-service désaffectée de Thénia, non loin d’Alger.
Dans les jours qui ont suivi la macabre découverte, deux autres femmes ont subi le même sort, c’est-à-dire tuées et brûlées, une à Sétif et une autre à Tamanrasset.
Il n’y a rien d’anormal à ce qu’une jeune femme, artiste de surcroît, réagisse à une telle série de meurtres de jeunes filles. Dans sa vidéo, elle s’est surtout élevée contre un certain discours moralisateur qui a tenté, toujours sur les réseaux sociaux, de rendre la victime responsable de son sort, de par son comportement, ses habitudes vestimentaires, ou encore le laisser-faire de sa famille.
« Et les enfants enlevés et violés, quel est leur tort ? Eux aussi ils étaient habillés d’une façon indécente ? », s’interroge-t-elle, à juste titre, fait-il le dire.
Mounia Benfeghoul a aussi tenu à ne pas faire les choses à moitié, soulignant que les femmes sont quotidiennement et partout victimes de violence.
Elle s’attarde particulièrement sur le harcèlement de rue que tout le monde trouve normal car banalisé, mais qui entre aussi dans la case des violences. Et c’est là où la jeune actrice pèche par une généralisation que beaucoup trouvent exagérée.
La vidéo de la jeune actrice a enflammé les réseaux sociaux et suscité un flot de réactions hostiles, d’insultes et de menaces, ce qui est inacceptable et condamnable.
S’il est vrai que les femmes se font importuner dans les rues des villes algériennes, il est aussi indéniable que beaucoup de jeunes hommes se montrent respectueux à leur égard, leur cèdent leur place dans les transports ou les files d’attente.
D’autres, à tort ou à raison, trouvent les mots de l’actrice quelque peu crus et « déplacés » et elle pourra toujours rétorquer que ceux utilisés par les podcasters et les commentateurs anonymes pour lui répondre le sont autant.
Au-delà de ces dérapages, la jeune femme, ses supporters et ses contradicteurs ont le mérite d’avoir ouvert le débat sur un problème de fond, une plaie qui fait saigner la société en silence.
La violence faite aux femmes n’est pas un phénomène spécifique à la société algérienne, à la différence qu’ailleurs, on n’en a pas fait un tabou. On en parle, entre spécialistes, dans les médias, chez les politiques et dans la société, on élabore des lois préventives ou répressives.
Il est tout de même incompréhensible que la découverte de trois cadavres carbonisés de femmes, à quelques jours d’intervalle et dans des villes éloignées de centaines de kilomètres, soit mise dans la case de la violence ordinaire. La banalisation et l’indifférence sont les autres vecteurs de la violence que personne ne soupçonne.
| Lire aussi : Les actrices algériennes unies contre les violences faites aux femmes
