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Visas : la petite leçon d’Erdogan aux diplomates algériens

Visas : la petite leçon d’Erdogan aux diplomates algériens

Dans les semaines qui ont précédé la visite du président turc en Algérie, on a beaucoup spéculé sur une possible suppression du visa pour les Algériens voulant se rendre en Turquie. Ce lundi, Recep Tayyip Erdogan, qui effectue une visite à Alger, a parlé de visas, mais pour dire ce que personne n’attendait. Il a plaidé la cause de ses concitoyens souhaitant, souvent pour affaires, se rendre en Algérie, et qui éprouvent toutes les peines du monde à obtenir le fameux document auprès de nos consulats établis en Turquie.

« Notre système de visas est souple. Les Algériens peuvent avoir facilement le visa en un temps court en contactant les centres primaires. Mise à part une catégorie d’âge particulière (les moins 35 ans), il est possible d’avoir un visa électronique, un visa touristique et un visa de santé en prenant attache avec les agences concernées. D’autre part, les hommes d’affaires peuvent avoir les visas de longue durée sans avoir besoin de recevoir des invitations. Puisque le système de visas pour les Algériens est comme cela, nous souhaitons que les autorités algériennes adoptent un système de visa plus souple envers nos citoyens avec à leur tête les hommes d’affaires », a détaillé M. Erdogan dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien Echourouk.

En égrenant dans le détail toutes les facilitations accordées par son pays aux Algériens, c’est comme si le président de la Turquie voulait anticiper la réaction des autorités algériennes qui, souvent, mettent en avant le principe de la réciprocité. Un principe fondateur de la diplomatie algérienne, pas seulement dans sa politique de visas, mais qui ne peut être donc invoqué dans ce cas de figure.

À propos de réciprocité, n’est-il pas temps d’aller vers une autre approche plus pragmatique, en prenant en compte les seuls intérêts économiques du pays, sans autre considération ? M. Erdogan se permet d’ailleurs de faire la leçon à ses vis-à-vis algériens en expliquant que les allègements qu’il réclame « peuvent évidemment assurer des entrées plus grandes pour le tourisme algérien ».

Voilà qui tombe bien puisque le développement du tourisme est censé faire partie de la stratégie du pays dans sa quête de trouver une alternative aux hydrocarbures. Or, infliger à un touriste étranger le parcours du combattant pour obtenir son visa est la meilleure manière de le détourner vers les pays voisins qui, eux, font fi de la réciprocité et n’ont de souci que le taux de remplissage de leurs hôtels et stations balnéaires, dont la qualité de service est déjà de loin supérieure aux nôtres.

Prenons l’exemple du dernier « Passport index » établi par Arton capital. Le passeport algérien ne donne accès qu’à 49 pays – sans visa ou avec un visa délivré à l’arrivée -, ce qui lui vaut d’être classé à la 170e place sur 199. Ceux de nos voisins sont légèrement mieux lotis, mais loin de constituer des sésames, avec 59 pays à visiter sans visas pour les Marocains et 64 pour les Tunisiens. Cela ne les a pas empêché de supprimer le visa pour un grand nombre de nationalités. Ça s’appelle de la real-politik.

Si les pays occidentaux imposent des restrictions pour l’entrée sur leur territoire, c’est pour freiner l’immigration. Tout le monde sait qu’une bonne partie des Maghrébins qui se rendent en Europe le fait avec l’intention de s’y installer, alors que les Allemands, Italiens ou Français qui visitent la Tunisie, le Maroc ou l’Algérie, c’est souvent pour bronzer au soleil, dépenser leurs sous ou faire des affaires.

Qui dit affaires dit investissement et c’est ce dont a le plus besoin notre pays dans cette conjoncture. Néanmoins, il est regrettable de constater que nos responsables n’ont pas encore compris que l’Algérie n’est pas le seul pays au monde à vouloir attirer les capitaux étrangers. Toutes les nations, y compris les plus avancées, rivalisent de facilités pour les investisseurs qu’elles savent allergiques aux tracasseries administratives inutiles. Les hommes d’affaires de beaucoup de pays se sont plaints par le passé de difficultés à obtenir le visa d’entrée en Algérie, sans parler des autres catégories, les touristes, les journalistes, les artistes, les membres d’ONG…

Cette « fermeture » chronique ne concerne, hélas, pas que les hommes d’affaires étrangers puisque même les cadres d’entreprises algériennes qui souhaitent se rendre à l’étranger pour des séminaires ou autres doivent acquérir des devises au marché noir, l’allocation de la Banque d’Algérie étant dérisoire pour les grandes sociétés, inexistante pour les PME.

Soit une politique aux antipodes de la stratégie économique du pays qui, même avec plus d’ouverture, n’a pas la garantie d’aboutir dans une conjoncture mondiale difficile. L’intérêt de notre économie et même de nos concitoyens qui souhaitent voyager plus librement recommande, à défaut de sacrifier le principe de la réciprocité, d’alléger au moins les procédures et d’augmenter les quotas de visas octroyés. À moins que ceux qui ont la charge de prendre de telles décisions ne se sentent pas concernés, le passeport diplomatique étant un sésame qui ouvre les portes de tous les pays.

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