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22 février : le jour qui a changé la face de l’Algérie

22 février : le jour qui a changé la face de l’Algérie

DOSSIER SPÉCIAL. « Historique », « inédit », « exceptionnel » ou encore « extraordinaire » : un an après le début du Hirak, mouvement révolutionnaire de l’avis de tous en ce qu’il a permis comme ruptures, les vocables n’ont pas manqué pour qualifier cette irruption populaire que très peu d’observateurs avaient vu arriver.

Qui aurait, en effet, pu imaginer que les Algériens, considérés comme installés dans l’immobilisme et la résignation, allaient se soulever un jour pour « renverser la table » sur le régime et réclamer un changement profond du système ? C’est pourtant ce qu’ils ont fait, à la surprise générale, le 22 février 2019 lorsque des millions de personnes, toutes catégories confondues, ont décidé de briser le mur de la peur pour envahir les rues dans toutes les wilayas du pays et décréter l’inéluctabilité du changement.

Si les multiples luttes politiques cumulées de certains segments de la société, la déchéance morale qui a frappé les institutions à travers notamment la propagation à vue d’œil de la corruption, les inégalités sociales accentuées et les problèmes socio-économiques y étaient pour quelque chose, c’est sans doute le mépris porté à son paroxysme, vécu comme une suprême humiliation, de la présentation d’un « cadre » pour un cinquième mandat qui a fait déborder le vase.

Comme tous les processus révolutionnaires, les moments de rupture ne sont jamais prédits. Peu importe si des « mains invisibles » aient pu encourager ce soulèvement, mais le fait est que dans sa majorité le peuple algérien s’est inscrit dans l’idée du changement, comme on peut le constater à travers les multiples slogans et les revendications exprimées chaque vendredi.

L’année 2019 restera sans aucun doute et pour longtemps comme celle qui a changé la face de l’Algérie, celle qui clôt une page de son histoire pour en ouvrir une nouvelle. Il est vrai qu’après une année de mobilisation et d’épreuves, l’on s’interroge sur les acquis et sur les perspectives du mouvement. Mais si politiquement, hormis la mise en échec du cinquième mandat et la neutralisation de certains symboles du régime, peu de choses ont été obtenues -les champs politiques et médiatiques demeurent fermés, les arrestations et intimidations se poursuivent…-, sur le plan symbolique, dont les résultats, sont à évaluer dans la durée, beaucoup de choses ont été gagnées par le Hirak.

Il y a d’abord cette transcendance de la peur du chaos. Jusqu’alors, le pouvoir en a usé et abusé. Pour rejeter toute idée de changement, le pouvoir évoquait tantôt le spectre du retour à la décennie noire, tantôt les dérives qui ont marqué certaines « révolutions arabes ». On se rappelle de la sortie d’Ahmed Ouyahia qui mettait en garde contre un éventuel scénario à la syrienne. « L’Algérie n’est pas la Syrie », avait répliqué spontanément les Algériens.

Ensuite, il y a cette réappropriation de l’espace public. Fermée depuis 2001 aux manifestations, Alger est devenue désormais l’épicentre de la contestation. Mais au-delà de ces aspects, les Algériens ont pu se réconcilier avec eux-mêmes. Ils ont brisé certains clichés, notamment par l’adoption du pacifisme comme mode de contestation et qui fait désormais école, déjoué les tentatives de division et dépassé certains handicaps, comme la présence de la femme dans l’espace public. « C’est une Nation qui est née », selon nombre de sociologues. « On a gagné une génération, une grande politisation des jeunes », résumait, il y a quelques jours, Nacer Djabi.

Et ce ne sont pas les épreuves qui ont manqué au mouvement qu’on a tenté de neutraliser surtout depuis la démission de Bouteflika et le déclenchement de la contre-révolution.

Maintenant que la Hirak a montré sa capacité d’endurance et de grande détermination, comment se présente la « Saison II » pour lui ? Si nul ne peut prédire l’évolution de la situation, au regard de l’attitude du pouvoir réfractaire au changement radical tel que réclamé par la rue, peu misent sur essoufflement du mouvement dans l’immédiat. Mais tous sont convaincus que son organisation est nécessaire pour maintenir le rapport de force mais aussi pour contraindre le pouvoir à négocier.

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