
Quinze jours après la décision de la Commission européenne d’ajouter l’Algérie à sa liste des pays à « haut risque » en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, un député algérien monte au créneau pour dénoncer une décision « injustifiée », « surprenante » et « politique ».
Il s’agit de Mohamed Hani, député de Béjaïa, et membre de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée populaire nationale. Dans un entretien accordé à TSA Algérie, Mohamed Hani considère que la démarche de la Commission européenne, compte tenu du contexte, obéit à des considérations politiques et ne reflète en rien les efforts fournis par l’Algérie pour se mettre au diapason des standards fixés par le GAFI (Groupe d’action financière).
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La décision de la Commission européenne est « politique »
« Clairement, la décision de la Commission européenne est motivée par des considérations politiques, autrement pourquoi elle apparaît au moment où l’Algérie revendique une révision de l’accord d’association avec l’Union européenne ? », s’interroge-t-il.
« Il est clair qu’aujourd’hui, il y a des personnes mal intentionnées au sein de la Commission ou même au sein de l’Union européenne qui s’attaquent à l’Algérie, il n’y a qu’à voir la composante, donc elle est clairement dictée par des positions politiques pour essayer de faire pression sur le gouvernement algérien », estime-t-il.
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Prise le 10 juin dernier, la décision de la Commission européenne classe l’Algérie sur la liste « grise », et non pas noire, comme relayé par une certaine presse hostile, corrige Mohamed Hani.
Elle intervient dans un contexte géopolitique marqué par une crise aiguë entre l’Algérie et la France, un des membres influents au sein de l’UE. Ce classement qui suggère l’existence de lacunes stratégiques dans le dispositif financier du pays impose un contrôle rigoureux pour toutes les transactions de l’UE avec l’Algérie, ce qui implique une méfiance de potentiels investisseurs.
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« Ce qui est surprenant, c’est qu’on parle de blanchiment d’argent, c’est qu’en général, c’est fait par un État ou par un gouvernement. Et, bien évidemment, ça a atterri dans des circuits, ce qu’on appelle l’argent sale aussi, dans un circuit qui finance des actions terroristes ou autres », explique le parlementaire.
L’Algérie a combattu « seule le terrorisme »
Mohamed Hani rappelle que l’Algérie a « combattu seule » le terrorisme durant la décennie noire et qu’elle « n’a jamais cédé à la tentation de négocier » avec les groupes armés.
À ce titre, il juge inacceptable qu’on associe l’Algérie à des pays soupçonnés de financer des réseaux terroristes. « Maintenant, ce qui est surprenant, c’est que l’Algérie, qui a combattu ce fléau seule pendant une décennie, ce qu’on connaît tous par la décennie noire, ne peut faire partie de ces pays-là. (…) Il faut savoir aussi que l’Algérie, jusqu’à ce jour, la position est très claire : pas de négociation avec les groupes terroristes. Donc, je ne vois pas comment peut-on être soupçonnés de financer ce type de réseaux alors que nous continuons à les combattre et la meilleure preuve, ce sont les dernières actions faites par le gouvernement algérien dans ce domaine-là », rappelle-t-il.
Mohamed Hani rappelle que l’Algérie a pris des mesures pour encadrer et contrôler les flux financiers dont certaines figurent dans la Loi de Finances 2025. Il cite l’interdiction de payer en espèces les transactions immobilières, l’acquisition de véhicules et de yachts.
« Donc, il est tout à fait surprenant de voir la Commission européenne prendre ce genre de décision, en sachant que la volonté du gouvernement algérien, c’est de sortir de ces mouvements de fonds, on va dire, qui polluent un peu l’économie algérienne et nous combattons au quotidien ce fléau-là ».
« Alors maintenant, si on parle de blanchiment d’argent de particuliers, cela concerne tous les pays, et bien évidemment, la réglementation algérienne est très stricte », insiste-t-il.
Le cas d’Abdeslam Bouchouareb
Mohamed Hani critique, par ailleurs, le silence de certains pays européens, qui refusent d’extrader d’anciens hauts responsables algériens qui ont été condamnés en Algérie dans des affaires de détournements de fonds, malgré les demandes officielles de la justice algérienne.
« Nous constatons un silence total de la justice européenne, de certains États de l’Union européenne qui ne répondent pas à ces commissions rogatoires », dénonce Mohamed Hani qui cite l’exemple de l’ancien ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb que la justice française a refusé d’extrader vers l’Algérie.
« Donc, il va falloir peut-être être raisonnable et dire que l’Algérie avance dans ce domaine-là, combat le blanchiment d’argent et non pas l’inverse », souligne-t-il encore.
Sur un autre registre, le parlementaire admet que le marché informel constitue un « frein majeur » à la régulation de l’économie nationale, mais souligne que des mesures « concrètes » ont été prises pour l’absorber progressivement. Il cite notamment : l’obligation de payer par des moyens bancaires des transactions immobilières, la régulation du commerce extérieur pour mieux contrôler les flux ; la prochaine ouverture d’agences de la Banque extérieure d’Algérie (BEA) en France pour capter les transferts de la diaspora et enfin, l’ouverture prévue des bureaux de change, qui permettront aux citoyens de convertir leurs devises dans un cadre légal et sécurisé.
« L’objectif n’est pas seulement d’éliminer, mais d’absorber cette masse monétaire informelle pour la réinjecter dans l’économie nationale », soutient-il.
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