
La publication jeudi 11 septembre dans le journal officiel n° 60 de deux décrets exécutifs portant création de deux nouveaux organes en Algérie, l’un dédié aux importations et l’autre aux exportations, marque un tournant stratégique dans la régulation du commerce extérieur du pays.
Il s’agit normalement d’une rupture avec les pratiques du passé, notamment depuis la cessation des activités d’Algex, dont le décret de dissolution est publié dans le même JO.
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Elle ne répondait plus aux exigences actuelles du marché international, notamment en matière de diversification des exportations et de contrôle des importations.
Le premier décret exécutif n° 25-233 porte sur la création, l’organisation et le fonctionnement de l’organisme algérien de l’importation. Les missions assignées à cet organe sont larges, parmi lesquelles la mise en œuvre de la politique de l’État en matière de suivi et d’encadrement des importations, le suivi des prix sur les marchés internationaux et de surveiller les indicateurs de pénurie et de monopole concernant les produits importés, le suivi de la traçabilité des flux des marchandises importées et leur distribution au niveau national, etc.
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Il s’agit également de mettre en œuvre les recommandations et les décisions du haut Conseil de régulation des importations déjà créé par décret exécutif n° 23-284 du 1er août 2023, d’une part, et d’exploiter les recommandations de la commission intersectorielle consultative chargée du suivi des mesures de sauvegarde pour la protection du produit national, d’autre part.
Enfin, il est chargé de l’élaboration d’un fichier national des importateurs, en coordination avec les secteurs et les organismes concernés.
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Création de centrales d’achat
La nouveauté réside aussi dans l’encouragement de la création de centrales d’achats, afin de renforcer le pouvoir de négociation avec les partenaires étrangers, de réduire les coûts d’importation et les délais de livraison.
Le second décret exécutif n° 25-234 porte sur la création, l’organisation et le fonctionnement de l’organe des exportations. Les missions qui lui sont assignées sont également larges, comme la détermination du potentiel à l’export des biens et services, la collecte d’informations et de données techniques et commerciales permettant la prospection des marchés étrangers, de contribuer aux systèmes de veille et de suivi des marchés internationaux et d’analyser leurs impacts sur les échanges commerciaux de l’Algérie, etc..
La nouveauté également à ce niveau est la création d’un guichet unique de l’exportation dédié à l’exécution et à l’accomplissement des procédures relatives aux opérations d’exportation dans un même lieu et dans un délai minimum.
Cela évite aux opérateurs de naviguer entre plusieurs administrations, réduisant les délais et les coûts. Il facilite la mise en œuvre des politiques publiques, notamment celles liées au label « Made in Algeria » et à la prospection des marchés étrangers.
Tentative sérieuse de décentralisation
Sur le plan organisationnel, les deux organes obéissent à un même schéma puisqu’ils sont dirigés chacun par un Conseil d’orientation présidé par le représentant du ministère du commerce extérieur. Un directeur général sera chargé de la gestion courante des structures administratives.
La mise en place d’un conseil d’orientation au sein des deux nouveaux organes chargés de l’importation et de l’exportation représente une tentative sérieuse de décentralisation et de lutte contre la bureaucratie excessive.
En effet, chaque conseil regroupe des représentants des secteurs économiques concernés, ce qui permet une prise de décision plus inclusive et mieux informée. Cela évite aussi que les décisions soient dictées uniquement par le ministère du Commerce extérieur.
Les deux conseils d’orientation créés seront en quelque sorte un espace de concertation entre l’État et les opérateurs économiques, favorisant la transparence et la réactivité. Les exportateurs et importateurs peuvent faire remonter leurs contraintes directement à l’organe décisionnel.
Allant dans le sens du processus de numérisation, les deux organes chargés des importations et des exportations, seront chacun d’eux dotés d’une plate-forme numérique dédiée à l’accompagnement des opérateurs économiques.
Elles seront interconnectées avec les systèmes d’information des secteurs, organismes et administrations intervenant dans les opérations d’importation et d’exportation.
Des obstacles à surmonter
Derrière toute réforme ambitieuse se cachent des défis bien réels. Les deux nouveaux organes chargés de l’importation et de l’exportation, bien qu’essentiels pour moderniser le commerce extérieur, devront surmonter plusieurs obstacles pour être pleinement efficaces.
Leur réussite dépendra de leur capacité à être flexibles, transparents et connectés aux besoins des opérateurs économiques. Ils doivent s’entourer d’une expertise capable de comprendre les dynamiques du commerce mondial. Sans cela, ils risquent de reproduire les limites d’Algex, jugée trop déconnectée des réalités économiques.
*Brahim Guendouzi est Professeur d’économie à l’université de Tizi-Ouzou