
Des dizaines de biens et de grands projets ont été confisqués par la justice algérienne dans le cadre des grands procès anti-corruption intentés ces dernières années aux oligarques proches de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.
La mise en service de l’usine de trituration des graines oléagineuses de Jijel a permis de dévoiler la face cachée des grands projets confisqués, l’état dans lequel les nouveaux acquéreurs les ont réceptionnés et l’ampleur de la dilapidation et du pillage qu’ils ont causé. Elle révèle aussi que des parties ont continué à tenter d’entraver la reprise des projets et leur relance.
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L’usine de trituration de Jijel est un ancien projet de l’ex-groupe Kouninef. Confisqué par la justice, le projet a été acquis en 2021 par la holding publique Madar.
Le complexe baptisé ”Kotama Agri Food” a été inauguré lundi 22 septembre 2025 par le Premier ministre Sifi Ghrieb. En fait, le groupe Madar n’a pas récupéré une usine clés en mains. Il s’agissait d’un chantier à peine entamé et laissé à l’abandon.
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« C’est ça le pillage »
Dans leur présentation, les responsables de Madar se sont attardés sur l’état dans lequel ils ont trouvé l’installation à la relance du projet, en juin 2023. Si le taux de réalisation déclaré était de 40%, il est en fait bien inférieur, car des parties de l’usine ont dû être démontées et reconstruites, car endommagées.
C’est le cas par exemple des immenses silos de stockage de matières premières et d’huiles brutes. Les difficultés auxquelles les nouveaux acquéreurs ont fait face sont innombrables : des erreurs dans les études et des malfaçons dans la construction qu’il a fallu rattraper, corrosion des équipements, détérioration des installations, écueils administratifs…
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Lors de l’inauguration, le Premier ministre a pris la parole pendant moins de dix minutes et a consacré la majeure partie de son intervention à cette question des projets confisqués, des projets qui “ont saigné l’argent du peuple”, selon son expression.
Estimant qu’ “il est temps de dévoiler les chiffres”, Sifi Ghrieb a révélé que le projet d’usine de Jijel a été repris par Madar avec un taux d’avancement des travaux d’à peine 20%, alors que, “plus grave et plus étonnant encore”, les transferts bancaires avaient été effectués à 68-69% et transférés à l’étranger par les anciens propriétaires. “C’est ça le pillage”, a-t-il dénoncé.
“Nous avons reçu le projet sans étude, sans moyens, un projet compliqué sur le plan technologique et technique”, a-t-il ajouté.
Ghrieb s’est toutefois félicité que les cadres algériens ont su redresser la situation, indiquant que dans la réalisation des nouvelles études, au moins 7 ou 8 millions de dollars ont été économisés pour le Trésor public.
Le Premier ministre a cité l’exemple d’un bureau d’étude étranger qui a proposé 6 millions de dollars pour un travail que les cadres du complexe ont fini par réaliser eux-mêmes en contrepartie de leurs seuls salaires.
« Il y a du génie algérien »
Autre exemple, le même bureau d’étude a demandé 1 million de dollars et une startup algérienne a fait la tache pour 6 millions de dinars. Au-delà des biens récupérés, c’est le cadre algérien qui a retrouvé la confiance et “c’est très important”, a estimé Sifi Ghrieb.
“Il y a du génie algérien, il faut lui donner sa chance”, a-t-il ajouté, répétant cette phrase qu’il a dit tenir du président de la République Abdelmadjid Tebboune : “Impossible n’est pas algérien.”
Malgré les difficultés, les cadres “100% algériens” ont pu relever le défi. Encore, les embûches ne sont pas que matérielles et techniques. Sifi Ghrieb a révélé que cette usine de Jijel a fait l’objet de tentatives d’entraver sa relance à l’intérieur du pays et même à partir de l’étranger.
“Tous les projets confisqués seront relancés, qu’ils le veuillent ou pas. C’est un engagement du président de la République et le gouvernement veillera nuit et jour à sa concrétisation”, a assuré le Premier ministre, annonçant dans la foulée que d’autres projets seront relancés prochainement.