
Après avoir poussé la relation avec l’Algérie au bord de la rupture, Bruno Retailleau épingle une autre pagaille à son palmarès.
Dimanche 5 octobre, il a précipité la France dans une impasse politique en provoquant la chute d’un gouvernement Sébastien Lecornu à peine nommé.
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Le jeu du président des Républicains commence à se retourner contre lui et beaucoup estiment que cette fois, il risque de laisser des plumes.
Rarement les analystes en France sont aussi unanimes sur une péripétie de la vie politique intérieure.
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Bruno Retailleau sème la pagaille
Bruno Retailleau est désigné comme l’homme qui a semé cette énième pagaille. Dimanche soir, alors que la moitié de la composition du gouvernement venait d’être dévoilée avec le maintien de Retailleau comme ministre de l’Intérieur et sa promotion en ministre d’État, celui-ci a mis en ligne un tweet qui a fait l’effet d’une bombe.
« La composition du gouvernement ne reflète pas la rupture promise. Devant la situation politique créée par cette annonce, je convoque demain matin le comité stratégique des Républicains », a-t-il écrit.
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Ces deux phrases ont suffi pour ramener les choses à la case départ. Lundi matin, le Premier ministre Sébastien Lecornu annonce sa démission. “Les conditions n’étaient plus remplies pour que je puisse exercer ma fonction”, a-t-il justifié.
Plus tard, Retailleau a expliqué qu’il n’a pas apprécié la nomination de certains membres du gouvernement, particulièrement celle de Bruno Le Maire comme ministre des Armées. Il lui reproche notamment d’avoir contribué à l’aggravation de la dette lorsqu’il était ministre de l’Economie.
Bruno Retailleau a-t-il joué et perdu ?
Les raisons de la colère sont cependant ailleurs. Le Maire est issu de la droite, la même famille politique que Retailleau. Celui-ci est soupçonné de vouloir imposer des membres de son entourage immédiats à des postes clés du gouvernement.
Si les consultations engagées par le Premier ministre démissionnaire n’aboutissent pas, les observateurs entrevoient deux scénarios : la dissolution de l’Assemblée ou la nomination d’un Premier ministre de gauche.
Nul ne sait quel est le calcul de Bruno Retailleau, mais il reste que tout ce qu’il fait depuis qu’il est devenu ministre de l’Intérieur en 2024 s’inscrit dans un seul objectif : se mettre dans la meilleure position possible en prévision de la présidentielle de 2027, pour son propre compte ou pour celui de la droite dure.
Sa stratégie a bien fonctionné jusque-là. En mai dernier, il a remporté la présidence des Républicains en se servant de l’Algérie comme tremplin.
L’ambition de Retailleau a coûté cher à la France en poussant au pourrissement la relation avec un grand pays de la Méditerranée avec lequel elle partage une communauté de plusieurs millions de personnes.
En avril 2025, il a été accusé par ses détracteurs, en France, comme en Algérie, comme le responsable direct de l’échec d’une tentative sérieuse de rapprochement. Au lendemain de la visite à Alger du ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, les services de la sécurité intérieure, sous la tutelle de Bruno Retailleau, ont procédé à l’arrestation d’un agent consulaire algérien.
Sur ce dossier, il s’est mis dans une position très confortable en jouant les opposants au sein même du gouvernement. Tout en appelant au “rapport de force” avec l’Algérie, Retailleau continuait à crier son impuissance à prendre des mesures qui relèvent de la prérogative du président de la République.
Recadré d’abord publiquement à plusieurs reprises, le ministre de l’Intérieur a fini par entraîner tout le pouvoir français dans sa ligne anti-algérienne, lorsque, en août, le président Emmanuel Macron a instruit le gouvernement de se montrer plus ferme vis-à-vis de l’Algérie.
Cette fois, il est allé loin dans la surenchère et son acte est fustigé au sein de son propre camp, notamment par son concurrent à la dernière élection des Républicains, Laurent Wauquiez, et tous les parlementaires du parti qui lui reprochent d’avoir “détruit un accord négocié pendant une semaine et abîmé l’image du parti”.
Cela, en plus d’avoir fait beaucoup de mal à la relation avec l’Algérie et précipité la France dans une crise inextricable. Retailleau a-t-il joué et perdu ?
C’est en tout cas la première fois que son ascension fulgurante entamée il y a plus d’une année est ainsi sérieusement contrariée.
Le président Abdelmadjid Tebboune avait mis en garde dès février dernier contre le rôle néfaste du ministre français de l’intérieur en signifiant que “tout ce qui est Retailleau est douteux”.
« On n’a pas parlé du responsable de ce ratage : M. Retailleau revient dans un gouvernement dont le président de la République est E. Macron et découvre qui sont ses camarades de gouvernement. Soit c’est une grande naïveté, soit il a eu une réaction tardive »
▶️Éric Dupond-Moretti pic.twitter.com/sbURHO8Au4
— LCI (@LCI) October 6, 2025