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À Alger, un premier jour de déconfinement en demi-teinte

À Alger, un premier jour de déconfinement en demi-teinte

La première phase de déconfinement en Algérie a commencé ce dimanche 7 juin. Elle concerne une liste de 25 activités dont les agences immobilières, les coiffeurs pour hommes, les artisans céramistes, les fastfood-limités à la vente à emporter…

Comment ces commerces ont-ils accueilli cette nouvelle ? Comment s’organisent-ils pour recevoir leurs clients en respectant le protocole sanitaire et quels sont les conséquences de ces longs mois de fermeture forcée sur leur chiffre d’affaires ? Virée au cœur de la capitale.

Une reprise au compte-goutte

Ce dimanche matin, Alger est encore plongée dans sa léthargie. C’est calme, plat et triste. Beaucoup de commerces  sont encore fermés même ceux dont le gouvernement a autorisé la réouverture dans la première phase du déconfinement.

D’autres commerçants qui ne figurent pas sur cette première liste prennent les devants. C’est le cas des boutiques de prêt-à-porter.

Rideau à moitié baissé, l’heure est au nettoyage et au rangement des vêtements sur les cintres. « Ce sera certainement pour la semaine prochaine nous lance le gérant d’un magasin d’habits pour femmes rue Didouche Mourad. On anticipe pour être au taquet le jour ‘J’ ».

Loyer et factures de la crise sanitaire

Au fastfood ‘A la bonne heure’ (Rue Larbi Ben’Mhidi), c’est la dernière ligne droite avant de commencer à recevoir les clients pour la vente à emporter.

« Mes employés ont fait le ménage à fond et tout désinfecté, explique Karim  le propriétaire de cette enseigne. Les achats  de viandes et de légumes ont été effectués ce matin et dès demain, nous commencerons à servir les clients. J’ai doté le staff de bavettes et gants afin de respecter le protocole sanitaire. Du gel hydroalcoolique sera également mis à la disposition des clients ».

Pour lui, la décision du gouvernement d’autoriser la réouverture des fastfoods est salutaire.

« Après 3 mois de fermeture, il était temps pour moi de rouvrir sachant que je paye un loyer de 300 000 da mensuel, sans compter les autres charges. Toutefois, je ne me fais aucune illusion, je ne vais pas rattraper les pertes. J’ai deux salles en sous-sol et 40 tables qui vont rester vides. Je ne peux pas compter sur le ‘takeaway’ pour faire du chiffre d’autant plus que les gens ne vont pas se bousculer pour manger dehors, par peur de choper le Covid-19 », ajoute-t-il.

Chez ‘Chicken Chawarma’, autre fastfood sur la rue Didouche Mourad, dans le centre-ville, l’heure est au grand ménage également.

Les employés récurent le sol et les comptoirs à grands coups de produits détergents et d’eau de javel. Tables et chaises sont entassées sur le trottoir. Le gérant est dubitatif. « Avant le  début de la crise sanitaire,  nous servions les gens sur la terrasse. Il y a avait beaucoup de passage. Mais avec la vente à emporter et les transports qui n’ont pas encore repris, ça sera la galère ! », se plaint-il déjà.

Rue Hassiba Ben Bouali, un magasin de vente de produits d’électroménager. Ali (79 ans) se dit soulagé par la réouverture de son magasin. « J’emploie mes deux fils qui ont une famille et des enfants à charge. Depuis 3 mois, aucun dinar n’est rentré dans la caisse. Nous avons énormément souffert de cette situation. Et pour un premier jour de réouverture, nous avons reçu très peu de clients. Il faut probablement attendre la reprise du métro et du train pour les voir affluer en nombre.  Et avec le couvre-feu, nous baissons rideau à 15 heures car nous habitons à Bordj El Kiffan. Trois heures de perdu par rapport à l’avant coronavirus ».

À quand la deuxième vague du déconfinement ?

Les boutiques d’habillement et de vente de sacs, de chaussures et d’autres accessoires n’ont pas encore eu le feu vert pour la réouverture.

Toutefois, leurs propriétaires se préparent déjà à remonter le rideau. Ils sont sur des charbons ardents et trépignent d’impatience  de voir ce jour arriver.

Rue Hamani (ex- Charras), Lyes Sac, boutique commercialisant des sacs à main, a le rideau à moitié baissé.  Sur la vitrine, une pancarte avertit : « Fermé. N’insistez pas ».

Lyes le patron nous laisse entrer à l’intérieur de la boutique pour les besoins de notre reportage. « J’ai été durement impacté par la crise sanitaire du Covid-19. J’ai fermé boutique le 15 mars dernier. Pour sortir un tant soit peu la tête de l’eau, j’ai dû assurer des livraisons en prenant des commandes sur internet mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Avec un loyer de 250 000 da mensuel et les salaires de mes trois employées à payer, c’est très dur sur le plan financier.  Je lance un appel en direction des autorités pour un allégement fiscal envers tous les commerçants qui ont été frappé de plein fouet par cette crise sanitaire ».

Lyes ouvre le tiroir de son comptoir et exhibe la facture d’électricité qu’il vient de recevoir. « Regardez, j’ai 120 000 da à payer alors que ma boutique était fermée depuis 3 mois. Avant le coronavirus, ma consommation d’électricité n’excédait pas 8000 da, c’est une aberration ! On achève bien les chevaux », conclut-il.

Les coiffeurs très sollicités

Aussitôt l’autorisation de réouverture annoncée, les coiffeurs pour hommes ont monté leurs rideaux. S’organiser pour recevoir les clients n’a pas été compliqué pour Ismail tenancier d’un salon de coiffure à l’avenue Debussy.

« De l’eau de javel, du gel et des bavettes et hop, le commerce repart ! Nous révèle-t-il. Depuis ce matin, de nombreux clients nous sollicitent, mais je n’autorise que  deux clients à rentrer à la fois. Le fauteuil du milieu est condamné de façon à créer une distance entre eux  », détaille-t-il. « Cette fermeture nous a complètement mis à genoux sur le plan financier. Je tiens ce salon depuis 1968 et je n’ai jamais vu une chose pareille de ma vie », avoue-t-il.

Walid, son coiffeur âgé de 25 ans, a le visage masqué par une bavette. Il coupe les cheveux d’un adolescent dont les cheveux hirsutes n’ont pas vu une paire de ciseaux depuis trois mois.

« Je suis heureux de reprendre mon travail confie-t-il J’étais au chômage depuis mars dernier. J’ai été parfois sollicité par des clients pour leur couper les cheveux à domicile mais cela est dérisoire pour vivre décemment », ajoute-t-il.

En « apnée » depuis trois longs mois, les commerçants dont l’ouverture a été autorisée à reprendre commencent à respirer. Même s’ils sont conscients qu’ils ne pourront pas rattraper les pertes financières induites par le Covid-19,  ils  gardent espoir d’un retour à la normale dans les prochaines semaines.

Quant aux autres, dont les commerces sont toujours fermés, ils attendent avec impatience la levée de l’interdiction pour reprendre le chemin du travail et éloigner le spectre du dépôt de bilan.

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