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À Djendel, plongée dans l’Algérie qui travaille

À Djendel, plongée dans l’Algérie qui travaille

Des champs, des vallons et des terres agricoles s’étendent à perte de vue. En ce mois de décembre, l’air pur et un froid glacial adouci par les rayons de soleil hivernal, vous procurent une sensation de bien-être.

[Crédits : TSA]


À 120 km à l’ouest d’Alger et à 40 km à l’est d’Ain Defla, Djendel est un village à vocation agricole qui offre au regard un magnifique panorama.

En cette belle journée ensoleillée du mois de décembre, nous avons rendez-vous avec Mehdi Belfodil. Il y a 8 ans, cet agriculteur a plaqué sa vie citadine à Tizi-Ouzou pour tout recommencer à zéro. Une nouvelle vie professionnelle commence pour lui.

Séduit par cette région où les terres sont généreuses pour peu qu’on les travaille, il a créé sa propre exploitation agricole. Mehdi passe toutes ses journées sur sa propriété. Il travaille sans relâche sur cette terre fertile et généreuse.

Mehdi Belfodil, âgé de 54 ans, était financier dans une entreprise publique. Ainsi, lorsque l’opportunité d’acquérir un terrain à vocation agricole dans la daïra de Djendel, wilaya d’Ain Defla, s’est présentée à lui, en 2012, il n’a pas hésité une seule seconde. Cela faisait longtemps que cet enfant de Tizi-Ouzou rêvait de travailler la terre de ses propres mains.

[Crédits : TSA]


[Crédits : TSA]


Aujourd’hui, Mehdi est à la tête d’une jeune exploitation agricole agrémentée d’arbres fruitiers, d’oliviers, de plantations de légumes, blé, orge, avoine, légumineuses…

Une culture bio, qui n’utilise aucun engrais chimique. Mehdi s’est même lancé dans la culture du safran. Il est également céréalier, apiculteur et producteur d’huile d’olive extra vierge.

Animé par une grande ambition, Mehdi ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Son prochain challenge est d’exporter ses produits à l’étranger tels que le safran et l’huile d’olive.

« Nous avons largement de quoi assurer l’autosuffisance alimentaire et l’autonomie semencière en Algérie et pouvons même dégager de l’excédent destiné à l’exportation », clame-t-il.

À Djendel, Mehdi Belfodil a démarré de zéro. Avec ses propres économies, cet agriculteur a d’abord acquis deux hectares de terre, puis trois, puis quatre… En quelques années, il a créé de la richesse, offert du travail à des pères de famille et même à des femmes au foyer pour des tâches à réaliser à la maison.

[Crédits : TSA]


[Crédits : TSA]


Graine de cultivateur

Comme souvent chez les agriculteurs passionnés, Mehdi a toujours caressé le rêve de travailler la terre. « À 14 ans, pendant les vacances scolaires, j’étais embauché comme ouvrier agricole dans des domaines publics. Je me rappelle aujourd’hui encore que je gagnais 42 dinars seulement par jour mais j’étais fier de rapporter cet argent à mon père », raconte-t-il.

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« C’est sans doute à cette époque que j’ai choppé l’amour du travail de la terre. Plus tard, quand j’allais en week-end dans mon village, à Ain El Hammam, je plantais des arbres fruitiers. Mon rêve absolu était de posséder un terrain de 5000 m² pour y créer une plantation agricole ».

Après des études de finances, Mehdi travaille comme gestionnaire dans une entreprise étatique. Il est cadre dirigeant lorsqu’une opportunité se présente à lui. « En 2004, j’ai eu l’occasion de créer une société avec un Italien. Nous nous chargions des équipements des bases-vie, puis nous avons carrément conçu des cabines sahariennes. Une affaire qui tournait plutôt bien ».

Un lopin de terre pour commencer

En 2012,  Mehdi achète deux hectares de terre à Djendel. « C’était plus accessible dans cette région par rapport aux prix pratiqués ailleurs, confie-t-il. Par la suite, j’ai réussi à acquérir un second terrain puis un troisième. J’ai ainsi pu agrandir mon exploitation agricole au fur et à mesure ».

[Crédits : TSA]


[Crédits : TSA]


Après avoir planté des centaines d’oliviers, le nouvel agriculteur a consacré des espaces aux maraîchages de saison : oignon, choux, épinards, petits pois, fèves, salades, courgettes, concombres, tomates, cardes, poivrons, aubergines, navets melons, pastèques…

[Crédits : TSA]


[Crédits : TSA]


[Crédits : TSA]


Des produits exclusivement bio qu’il propose à la vente au marché paysan de la ferme pédagogique de Zéralda, chaque vendredi. Des habitués du collectif « Torba » ne manquent pas également de lui commander leurs paniers de la semaine.

Visite guidée

Mehdi nous fait visiter son exploitation agricole. Apres avoir chaussé nos bottes en caoutchouc, nous lui emboitons le pas. Nous découvrons un poulailler où les pensionnaires ont pondu de jolis œufs de ferme. Nous sommes étonnés de tomber nez-à-nez avec un lièvre sauvage qui détale en nous voyant. « Ici, la nature reprend  tous ses droits. Il y a des perdrix, des tortues, des hérissons, des lièvres et même des loups », nous révèle notre agriculteur.

[Crédits : TSA]


[Crédits : TSA]

Nous traversons un champ où des ouvriers s’activent à récolter à la main,  pommes de terre, choux-fleurs, fenouil, choux… « Nous n’utilisons aucun engrais chimique hormis du fumier de vaches : un engrais organique naturel », précise Mehdi.

Dans cette exploitation, un puits a été creusé. « Un sourcier de la région  nous aide à détecter la présence de l’eau. Il ne reste plus qu’à creuser le sol à l’endroit indiqué et le précieux liquide jaillit comme par magie. Il faut dire que sans eau, pas d’agriculture possible ! », enchaîne-t-il.

[Crédits : TSA]


Mehdi nous montre ensuite ses cerisiers dont il n’est pas peu fier. « C’est la troisième année qu’ils produisent des cerises de label ‘’Tixeraine’’ », dit-il. Il nous fait également découvrir ses amandiers et ses pommiers.

Mais la grande fierté de cet exploitant agricole est incontestablement son safranier. « C’est une culture qui est très laborieuse. Je n’utilise aucun herbicide. Pour obtenir un seul gramme de safran, il faut entre 150 et 180 fleurs. D’où son prix : 2500 dinars le gramme. En Europe le safran se vend à 30 euros le gramme ».

Figuiers, grenadiers, et champ d’oliviers s’étendent à perte de vue dans un décor époustouflant de beauté. « Djendel est une région à vocation agricole. Les habitants possèdent des terres qu’ils cultivent eux-mêmes ou en exploitation par des tiers », nous informe Mehdi.

Mehdi nous embarque dans son véhicule pour nous faire visiter les autres terrains de son exploitation agricole. Le plus vaste, d’une superficie de 18 hectares, est approvisionné en eau à partir de Oued Chelif.

[Crédits : TSA]


Ce terrain est planté de pruniers, nectariniers, poiriers, pêchers, abricotiers, amandiers… « Tous ces arbres ont été greffés par moi-même. Cela veut dire que je n’utilise plus de semences. J’ai créé ma propre pépinière où je produis mes propres plants. J’ai ainsi réussi à faire de substantielles économies d’une part et aussi j’ai la garantie de la traçabilité de mes cultures », avoue-t-il.

Le travail des femmes

Depuis qu’il a créé son exploitation agricole, Mehdi Belfodil emploie des saisonniers et des ouvriers à plein temps. Les femmes ne sont pas en reste.

« Dans cette région très conservatrice, la gent féminine ne fréquente pas l’espace public. Gagner leur vie tout en travaillant chez elle est inespéré pour elle. Pour séparer les pistils de la fleur du safran, ces femmes font preuve de beaucoup de patience et de dextérité. C’est elles qui se chargent également du nettoyage du blé, de l’orge et de l’avoine avant son acheminement vers la minoterie. À travers ce travail, elles contribuent à aider leurs familles sur le plan économique ».

Le marché paysan de Zéralda

Chaque vendredi, Mehdi Belfodil déploie son étal à la ferme pédagogique de Zéralda dans l’ouest d’Alger où se pressent des consommateurs à la recherche de produits frais de saison, estampillés « bio« .

Légumes et fruits de saison uniquement, huile d’olive, miel naturel, œufs de ferme, blé, orge, avoine… Des produits sains à l’origine connue et au goût authentique qui s’arrachent comme des petits pains.

Les journées de cet exploitant agricole sont bien remplies. « La terre n’est jamais ingrate. Il faut juste se retrousser les manches et ne pas compter les heures de travail. Jadis, notre pays était le grenier de l’Europe. L’avenir est dans l’agriculture. Un pays qui n’a pas une autosuffisance alimentaire et une autonomie semencière ne peut prétendre être libre », conclut-il.

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