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À Tiaret, un agriculteur se plaint de blocages, le wali pique une colère

À Tiaret, un agriculteur se plaint de blocages, le wali pique une colère

La lutte contre la hausse du prix des produits alimentaires reste une des priorités des pouvoirs publics en Algérie où des investisseurs agricoles se plaignent de blocages administratifs.

L’actualité de ces derniers jours en témoigne notamment avec le cas d’un agriculteur de Takhmert (Tiaret) qui a récemment reçu la visite du wali, Ali Bougerra.

La visite couverte par la cellule de communication de la wilaya montre l’étendue des contraintes bureaucratiques qui bloquent l’investissement agricole en Algérie.

La quarantaine, chemise retroussée aux manches et lunettes de soleil dépassant de sa poche, il explique habiter Mascara et faire quotidiennement le trajet vers l’exploitation.

Il est membre d’une Exploitation agricole collective (EAC) de 150 hectares. Un type d’exploitation issu de la restructuration des anciennes fermes d’État et dont ont bénéficié leurs anciens cadres et ouvriers.

Cela, sous la forme d’attribution d’une concession agricole d’une durée de 40 ans transmissible aux héritiers. Aux côtés des EAC existent aussi des Exploitations agricoles individuelles (EAI).

Grâce aux subventions publiques, l’agriculteur en question a pris l’initiative de réaliser deux forages et de planter des oliviers, des vignes et 24 hectares de nectarines.

Il élève également 20.000 poulets et construit un autre poulailler pouvant en recevoir 30.000.

L’agriculteur est associé à d’autres attributaires mais il a décidé de s’installer en EAI sur sa quote-part de 50 hectares.

Lors de la visite, le wali fait part de son admiration devant les nouvelles plantations. Soucieux de l’approvisionnement local en viande blanche, son intérêt est particulièrement attiré par l’élevage de poulets : « Combien dites vous ? 20.000 poulets et des projets d’extension à 30.000 sujets supplémentaires ? »

Après s’être enquis sur l’approvisionnement en aliment et en poussins il demande : « Pourquoi ne pas penser à investir dans une fabrique d’aliments pour volailles ou un abattoir ? ».

Venant de la délégation qui accompagne le wali on entend « ou une chambre froide ». Suggestion reprise par le wali : « Un abattoir et une chambre froide. Faîtes-en la demande auprès des services agricoles et on vous donnera l’agrément »

Jusque-là silencieux, l’agriculteur lance : « Depuis 2017, je suis bloqué pour une question de papiers ».

Ali Bouguerra demande alors au représentant local des Domaines présent dans la délégation de se rapprocher. Il lui rappelle un cas similaire concernant deux frères.

Le représentant des Domaines explique : « Il suffit d’un accord écrit par les autres membres de l’EAC pour officialiser le changement de statut »

Manifestement excédé, l’agriculteur répond : « Je possède cet accord et je l’ai envoyé à l’Office national des terres agricoles (Onta) qui l’a envoyé au service des Domaines. Mais suite à un désaccord avec les services du cadastre concernant la superficie exacte des terres concernées, il m’a été répondu que la question relevait d’une décision émanant du wali ».

Le wali rétorque : « Nous sommes là aujourd’hui » puis il rappelle que la porte de son bureau est toujours ouverte et que jamais ce cas ne lui a été exposé.

Il ajoute : « Chaque dimanche, nous étudions les dossiers relevant de l’agriculture ».

Il se tourne vers le responsable des Domaines en demandant la prise en charge immédiate du dossier en collaboration avec le service du cadastre.

Le responsable des Domaines indique qu’il est possible de rectifier la superficie exacte et clore le dossier. « Oui mais cela fait depuis 2017 que cela dure », lance à nouveau l’agriculteur.

Le wali le rassure : « Aujourd’hui nous allons régler le problème ». L’agriculteur indique que sans l’accord des Domaines, la direction locale de l’agriculture lui a toujours refusé toute possibilité de nouveaux investissements.

Excédé le wali demande une étude du dossier dans les plus brefs délais et s’adressant à l’agriculteur il indique avec cette bonhomie qui le caractérise : « J’apposerais moi-même ma signature mais à la condition que vous construisez une chambre froide ».

Des chambres froides constituent en effet un des moyens pour réguler le marché.

Puis en gestionnaire préoccupé de l’approvisionnement du marché local, il énumère la situation : « Les agriculteurs de Tiaret produisent de la pomme de terre mais elle est dirigée vers le marché de gros de Mascara et celle produite à Bouguara et Dahmouni est vendue à Blida tandis qu’au marché de gros de Tiaret, il n’y en a pas ».

Revenant sur le cas de l’agriculteur, il insiste auprès du représentant de la direction des services agricoles (DSA) de la nécessité de suivre le dossier en ajoutant : « S’il y a besoin d’un arrêté et de ma signature, elle est acquise. Moi, celui qui travaille je l’encourage ».

Il félicite l’agriculteur pour ses plantations et fustige les attributaires des EAC qui, çà et là, réclament une part des résultats obtenus par un associé dynamique.

Il ajoute : « La loi permet de sortir d’une exploitation collective ». Si cela est juste, il est à rappeler que dans le cas des cultures céréalières, le matériel ne peut être amorti que sur de grandes surfaces et donc dans des EAC.

Rasséréné par la tournure que prend la situation, l’agriculteur indique avoir clôturé l’investissement que constitue la parcelle plantée de vignes.

La jeune plantation en question d’une surface de 6 hectares présente l’aspect d’une forêt de piquets d’où émergent les plants et au pied desquels sont disposées les gaines d’irrigation par goutte à goutte.

L’ensemble représente un investissement conséquent. Puis à l’agriculteur qui a retrouvé le sourire, le wali rappelle la nécessité de construire une chambre froide.

Voyant la situation tourner en sa faveur, l’agriculteur demande : « Mais à condition que l’État m’aide en m’accordant 5 0% de l’investissement ».

Ce qui semble offusquer le wali qui indique en souriant n’être pas venu avec un chèque en main. Et d’une boutade, il le renvoie vers la mosquée et la générosité des fidèles.

S’adressant à nouveau au représentant de la DSA, Ali Bouguerra indique qu’il existe dans la région plus d’un millier d’agriculteurs, sous entendant le potentiel de production existant.

Il lance : « Sortez sur le terrain, parlez aux agriculteurs. Vous restez dans les bureaux, vous peuplez les bureaux alors que les agriculteurs rencontrent des difficultés. Dans le cas d’aujourd’hui, il suffisait d’une seule signature ».

Se tournant vers les services des Domaines, il demande : « Jusqu’à présent combien de transferts ont-ils été accordés [hors EAC] ? ».

Près de 400 lui est-il répondu. Se tournant vers le représentant de la DSA, Ali Bouguerra lance : « L’administration de l’agriculture, vous êtes trop bureaucrates. Excusez-moi, mais les agriculteurs veulent travailler et l’administration bloque ».

Excédé par la situation, il poursuit : « Quand un directeur de l’agriculture refuse une sortie d’un l’EAC, il doit proposer une solution ».

Après les poulets, les légumes secs

Ces dernières semaines, au dossier de la viande de poulet, s’est rajouté celui des légumes secs.

Face à la hausse des prix, le monopole de l’importation a été confié à l’Office algérien des céréales à travers son réseau de Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS).

L’office a également pour mission d’approvisionner les commerçants de gros, ceux de détail et même directement les consommateurs.

À Annaba, la CCLS locale développe l’ensachage et a ouvert un nouveau point de vente. Ce type d’ensachage au packaging moderne permet d’écouler pois-chiche, lentilles, haricots blancs et riz dans un emballage approprié sous forme de sachets d’un kilo.

Le plus souvent les CCLS commercialisent ces produits dans de vulgaires sacs en plastique. À Saïda, la CCLS innove et se lance dans l’ensachage, elle dispose pour cela de deux ensacheuses.

Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre plusieurs agents qui s’affairent autour d’un des deux engins. La chaîne à godet de plusieurs mètres de haut permet d’amener des lentilles jusqu’à un dispositif de pesée.

Les lentilles passent ensuite dans un sachet plastique que deux mâchoires viennent fermer par thermo-soudure. Lors des premiers essais les sachets sortent de la machine avec parfois une fermeture imparfaite. Des lentilles s’écoulent au sol. Un agent procède alors à de nouveaux réglages.

Comme note un des opérateurs : « Cette machine est dans la coopérative depuis des décennies et est restée telle quelle et n’a pas été exploitée jusqu’à aujourd’hui ». Il ajoute : « Merci pour la volonté des hommes ».

En Algérie, la volonté des pouvoirs publics de faire face à la hausse des prix bouleverse aussi le fonctionnement habituel des administrations et des entreprises publiques.

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