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Abdelaziz Rahabi : « Le Hirak, une révolution confisquée ? »

Abdelaziz Rahabi : « Le Hirak, une révolution confisquée ? »

L’Algérie a commémoré mardi 22 février le troisième anniversaire du Hirak qui a mis fin au règne du président Abdelaziz Bouteflika.

L’occasion pour de nombreux acteurs politiques de revenir sur cette révolte des Algériens qui a émerveillé le monde entier par son pacifisme.

Figure de l’opposition politique, Abdelaziz Rahabi est revenu ce mercredi 23 février sur cet évènement qui a marqué l’histoire de l’Algérie indépendante.

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« Le Hirak est la plus grande promesse démocratique depuis l’indépendance de l’Algérie car elle n’est ni le produit du hasard ni de celui d’un quelconque laboratoire mais l’aboutissement d’un processus historique d’un pays qui a avancé par des ruptures violentes depuis le  coup de force contre le    gouvernement provisoire de la république algérienne ( GPRA) en 1962 », a déclaré l’ancien ministre et diplomate dans une déclaration à TSA.

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Poursuivant, Abdelaziz Rahabi rappelle que les différentes crises politiques et sécuritaires qui ont suivi ont « paradoxalement  conduit à une sorte de diabolisation, par les dirigeants, de la démocratie  admise partout ailleurs comme un  mode  de bonne gouvernance » et au « rejet du changement  reconnu pourtant   comme un des  moteurs de l’histoire et une dynamique  naturelle  dans  la vie  des nations. »

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Pour lui, le  règne « des Bouteflika » marqué par un  « sultanisme populaire, archaïque et corrompu » n’est qu’une étape dans ce « complexe processus » et a servi de « facteur d’accélération » dans  l’avènement du Hirak  du 22 février 2019 .

Abdelaziz Rahabi ajoute qu’à l’évidence, les principales promesses  du Hirak « n’ont pas été tenues »  et cela pose la question de la responsabilité  de chacun dans la « confiscation »  de cette  révolution  culturelle et  « l’immense  frustration »  ressentie par les Algériennes et les Algériens.

« Si la responsabilité de cette situation est  partagée par quelques acteurs, ses conséquences sont  collectives et affecteront toute une génération qui refuse de subir l’autoritarisme qui a affecté ses ainés », regrette le diplomate et ex-ministre qui a participé avec l’opposition au processus de Mazafran.

« L’Algérie a raté un rendez-vous avec l’histoire »

Abdelaziz Rahabi pointe la responsabilité de l’ex-chef d’état-major de l’ANP, le défunt Ahmed Gaïd Salah. « Ainsi, au sein de l’Etat, cette responsabilité réside essentiellement dans l’intransigeante rigidité du chef d’état-major de l’armée et sponsor exclusif des 4e et 5e mandat, Ahmed Gaïd Salah, et son incapacité à comprendre que le Hirak était d’essence patriotique, dont les revendications ne visaient  pas à affaiblir les institutions de la république mais au contraire à les mettre sous l’autorité de la loi, seule de nature à les protéger et assurer leur pérennité », développe-t-il.

Abdelaziz Rahabi critique la « déplorable  justice médiatique » contre la corruption qui a touché à « la dignité » et au « respect » qui « définissent notre pays ». Pour lui, cette « justice médiatique » était destinée à servir de « sédatif » au Hirak  et « absorber » la colère du peuple qui « n’a jamais eu le contrôle des richesses publiques. »

« Cette opération n’a rien changé au fond du problème car le pouvoir absolu produit la corruption absolue sous tous les cieux. Les libertés fondamentales subissent toujours  les mêmes restrictions et seule la pandémie aura servi de période de grâce à une réalité  politique faussement apaisée », assène Abdelaziz Rahabi.

Tout en accablant le pouvoir, Rahabi ne ménage pas une partie des acteurs du Hirak dans la responsabilité de cette révolution inaboutie.

« Au sein du Hirak, qui, en se prolongeant,  a installé les motifs de sa vulnérabilité et ouvert ses rangs aux manipulations de la nébuleuse mondialisée des réseaux sociaux, la responsabilité est portée par des groupes et organisations d’une radicalité d’un autre âge et dont l’objectif était entièrement orienté vers l’ébranlement de l’Etat et l’affaiblissement du lien entre le peuple et son armée », analyse-t-il . « Cela continue d’ailleurs aujourd’hui sous d’autres formes mais avec les mêmes desseins », met-il en garde.

Pour Abdelaziz Rahabi, les Algériens qui avaient fait preuve de « patience », de « maturité » et de « sens de la responsabilité » dans l’organisation de manifestations massives et pacifiques sur une « aussi longue durée » ont « rompu » avec l’image que le monde se faisait d’eux et de leur pays.

« Leurs marches qui sont uniques dans l’histoire moderne de l’humanité ne s’identifient pas à une polarisation forcée  qui avait fini par pervertir les véritables enjeux du Hirak et réduire la portée des initiatives politiques et sociales destinées à favoriser le dialogue et le consensus national pour sortir le pays de la crise », ajoute-t-il.

Avant de s’interroger : « Faut-il se féliciter aujourd’hui que le Hirak à défaut de faire entrer le pays dans la modernité politique a réussi à préserver son unité et sa stabilité ? » A cette question, Abdelaziz Rahabi tente une réponse : « Peut-être, mais l’Algérie a raté,  une fois  de plus ,  un  rendez-vous  avec l’histoire  à cause de  la vanité de certains de ses enfants  qui  ont cru que leur destin était plus important que celui de l’Algérie ».

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