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Accord d’association : « Le bilan est totalement négatif pour l’Algérie »

Accord d’association : « Le bilan est totalement négatif pour l’Algérie »

L’économiste Brahim Guendouzi, revient dans cet entretien sur le bilan de l’Accord d’association Algérie – Union européenne, et propose des pistes pour le « faire évoluer ». Il juge qu’une sortie de l’Accord, outre qu’elle ne soit pas réalisable.

Signé en 2002, l’accord d’association Algérie – Union européenne est entré en vigueur en 2005. Quel est bilan pour l’Algérie ?

Pr Brahim Guendouzi, enseignant d’économie à l’université de Tizi Ouzou : Pour l’aspect lié au commerce extérieur, soit le chapitre I relatif à la libre circulation des marchandises, le bilan est totalement négatif pour l’Algérie. Et c’était prévisible tout simplement parce que nous n’avons pas une économie productive ; notre économie est basée sur la rente essentiellement basée sur les hydrocarbures. Par conséquent, le démantèlement tarifaire a profité aux Européens qui nous vendent plus de marchandises et sachant que l’Algérie n’a pas quoi leur vendre quand bien même la partie européenne l’eut exonéré des droits de douanes.

Il faut dire aussi que le marché européen impose des normes sanitaires très élaborées, et le fait de nous avoir enlevé les droits de douanes ne nous a pas réglé le problème. Cela tout le monde le savait dès le départ. Par conséquent, le commerce extérieur est en notre défaveur. Sur une durée de dix ans (2005-2015), l’Algérie a exporté vers l’UE à peine 14 milliards de dollars (hors hydrocarbures) et a importé pour 220 milliards de dollars, soit l’équivalent de nos achats de l’extérieur. L’écart est énorme. L’UE nous achète du gaz et revendique que ce soit considéré comme du commerce alors que ce genre de marché est régi par d’autres dispositions qui sont en dehors du cadre de l’Accord d’association. Il faut ajouter 700 milliards DA de manque à gagner en droits de douanes jusqu’à 2016 pour l’Algérie.

« Le bilan est totalement négatif pour l’Algérie »

Qu’en est-il du bilan concernant les autres points contenus dans l’accord, l’Algérie en a-t-elle tiré quelque profit ?

L’Algérie n’a pas pu profiter des autres points inhérents à la coopération économique, financière et en matière de commerce des services, domaine dans lequel notre pays a beaucoup d’intérêt. A l’exemple du tourisme, les transports, les services financiers. Ce sont autant d’aspects importants dont nous pouvons tirer profit.

En signant l’accord, quel profit l’Algérie souhaitait-elle tirer ?

En signant l’accord en 2002 avant son entrée en application en 2005, l’Algérie ne visait pas le commerce extérieur, plutôt elle cherchait à attirer les investissements directs étrangers (IDE). Elle voulait attirer les firmes européennes pour venir s’installer et produire des biens et services. Malheureusement en 2009, dans le cadre de la Loi de finances complémentaire (LFC 2009), l’Algérie a pris des décisions contraires, elle a verrouillé l’investissement direct étranger en mettant en place la règle 51/49 ainsi que le droit de préemption et un financement local. Et sur ces trois points, on peut dire que les firmes européennes n’étaient pas intéressées. Et au lieu de venir investir chez nous comme c’était prévu, elles se sont contentées de nous vendre des marchandises. Nous sommes devenus des acheteurs passifs.

Cela s’appelle se tirer une balle dans le pied…

Tout à fait. Ce n’est qu’à la faveur de la LFC ,2020 qu’on a réglé quelques problèmes au plan juridique. D’abord en supprimant globalement la règle 51/49 sauf pour certaines activités stratégiques. Pour ce qui est du droit de préemption, il suffit d’une lettre du gouvernement pour donner son avis. Et on a permis la possibilité d’un financement extérieur des investissements étrangers.

Dans ses discussions en cours avec la partie européenne, en faveur de quoi l’Algérie doit-elle plaider en priorité ?

L’Algérie doit plaider qu’elle a fait un effort pour les IDE, qu’il y a des actions qui sont menées pour améliorer le climat des affaires, qu’elle projette de revoir le système fiscal et le système bancaire et financier. Et aussi qu’elle peut relancer avec ses pairs européens la coopération économique au sens large, dès lors que l’Algérie a besoin de la partie européenne par rapport au commerce des services qui a pris de l’envergure dans le monde.

On a besoin du savoir-faire européen dans le domaine des technologies (TIC) et ce d’autant plus que de nouveaux métiers apparaissent (la cyber sécurité, la robotique, etc.). Il va sans dire que les Européens sont très avancés dans ce domaine, à nous de savoir en profiter.

L’agriculture, les énergies renouvelables sont deux autres domaines que l’Algérie peut développer avec la partie européenne.

« Nous n’avons pas de marchandises susceptibles d’accéder au marché européen »

La question liée au commerce extérieur doit-elle être évacuée du débat ?

A mon avis oui, car nous savions dès le départ que nous étions perdants, du fait que nous avons une économie rentière, que nous sommes dépourvus d’entreprises performantes et de champions capables de concurrencer les Européens chez eux. L’Europe a ouvert son marché aux produits algériens, sauf que nous n’avons pas de marchandises susceptibles d’accéder au marché européen suivant ses conditions. Toutefois, le marché européen demeure toujours ouvert, et même si nous ne l’avons pas exploité jusqu’à aujourd’hui, il reste important de le garder et exploiter cette possibilité que n’ont pas d’autres pays qui n’ont pas signé d’accord avec l’UE.

« L’idée de sortir de l’accord d’association n’est pas du tout réalisable »

Certaines voix appellent à sortir carrément de l’accord… Est-ce que c’est possible ?

Un accord est un traité multilatéral ratifié par les parlements des 15 pays signataires (en 2002) et aussi par le Parlement algérien. Par conséquent, quand on s’engage dans un dossier aussi important, on ne peut le remettre en cause du jour au lendemain, et dans tous les cas, ce n’est ni crédible ni dans notre possibilité de le remettre en cause. Ce qu’il faut, c’est faire évoluer l’accord, des mécanismes existent pour cette fin.

Dans tous les cas, l’Algérie a la possibilité de bénéficier d’autres points sur le plan de la coopération, qu’elle ne pourrait pas avoir autrement que par cet accord. L’idée de sortir de l’accord d’association n’est pas du tout réalisable. Les Européens ont besoin de nous autant que nous, notamment de par la proximité, avons besoin d’eux. Des pays comme l’Italie et l’Espagne sont des partenaires stratégiques de l’Algérie et de grands acheteurs du gaz algérien qui connait en ce moment des difficultés.

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