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Accord sur le nucléaire iranien : la décision américaine, une guerre économique livrée à l’Europe

Accord sur le nucléaire iranien : la décision américaine, une guerre économique livrée à l’Europe

Le président américain Donald Trump a annoncé, mardi 8 mai, le retrait des États-Unis de l’accord sur le programme nucléaire iranien conclu à Vienne en juillet 2015 avec l’Iran, la France, la Russie, la Grande-Bretagne, la Chine et l’Allemagne. Cette décision, qui s’accompagne du rétablissement d’une large palette de sanctions contre Téhéran à l’issue de périodes transitoires de 90 à 180 jours, vient sérieusement compromettre les projets d’investissement de grands groupes européens en Iran.

L’Iran, marché prometteur pour les entreprises européennes 

En janvier 2016, l’entrée en vigueur de l’accord sur le nucléaire iranien, accompagné d’une levée partielle des sanctions internationales contre Téhéran, marquait le retour de l’Iran sur la scène internationale, et dans le monde des affaires. Le potentiel de ce pays de 80 millions d’habitants, présenté comme l’un des derniers marchés émergents, suscite alors, après des années d’embargo, la convoitise de grands groupes européens, notamment français. Le constructeur aéronautique européen Airbus décroche fin 2016 une commande d’une centaine d’appareils pour un montant de 20,8 milliards de dollars (€17,5 milliards) avec la compagnie nationale aérienne IranAir.

Dans l’automobile, le groupe PSA (Peugeot et Citroën) a repris ses opérations en Iran en 2016. Il a acquis une part de marché de 30%, vendant 444.600 véhicules l’an dernier sur un marché qui pourrait, selon Business France, tripler de taille d’ici 2030 à trois millions d’unités par an, relate Le Figaro.

La France, ex-partenaire économique de premier plan pour l’Iran, multiplie de son côté les contrats : 15 milliards de protocoles d’accords sont signés entre Paris et Téhéran en janvier 2016. Le groupe français Total signe en juillet 2017 un accord avec l’Iran en vue de développer la phase 11 de South Pars, le plus grand gisement de gaz naturel au monde, avec un investissement initial de l’ordre d’un milliard de dollars.

Mais les annonces américaines en vue de rétablir les sanctions vont désormais contraindre les entreprises étrangères qui commercent avec l’Iran à se retirer du pays dans un délai de trois à six mois. Par conséquent, si les grands groupes présents aux États-Unis ne veulent pas des sanctions, ils devront renoncer au marché iranien.

Paris monte au créneau 

Pour l’instant, les entreprises européennes concernées disent attendre l’évolution du dossier. Mais Paris a déjà manifesté son mécontentement. Dans un entretien accordé à France Culture ce mercredi matin, le ministre de l’Économie français Bruno Le Maire, a estimé qu’il n’était « pas acceptable » que les États-Unis se placent en « gendarme économique de la planète ». Il a prévu de s’entretenir avec le secrétaire du Trésor américain Steve Mnuchin, et rappelé que la France avait en deux ans « multiplié par trois son excédent commercial avec l’Iran ». « Nous allons évidemment tout faire, en lien avec nos entreprises pour protéger leurs intérêts », a par ailleurs indiqué la présidence de la République française en fin de matinée. L’Allemagne et le Royaume-Uni ont également fait savoir qu’ils étaient déterminés à sauver cet accord.

Mais au-delà des déclarations conjointes européennes, quelle réponse ces pays ont-ils prévu d’apporter pour définir puis défendre leurs propres intérêts commerciaux et leurs entreprises  ? Car derrière la décision américaine de déchirer l’accord sur le nucléaire iranien se cache en réalité une guerre économique intense possible grâce au système juridique américain.

En effet, l’extraterritorialité des lois américaines, en vertu du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) datant de 1977, donne le droit au Département de la Justice américaine de poursuivre toute entreprise internationale s’adonnant à des activités frauduleuses lorsque cette entreprise possède un quelconque lien avec les États-Unis. Une puissante arme pour affaiblir, voire éliminer, la concurrence donc.

Extraterritorialité du droit américain, un instrument de guerre économique  

Si la décision américaine de jeter l’accord de Vienne signé en juillet 2015 porte un coup d’arrêt aux projets d’investissements de plusieurs grands groupes européens, la pression des États-Unis sur des entreprises européennes désireuses de commercer avec l’Iran n’est pas nouvelle.

Officiellement, la levée des sanctions en janvier 2016 devait permettre aux entreprises européennes, et notamment françaises, de se positionner sur un marché iranien très prometteur (80 millions d’habitants, une classe moyenne majoritaire et une population jeune (70% des Iraniens ont moins de 40 ans), urbaine et diplômée.

Mais la crainte de possibles sanctions américaines (amendes, interdiction de l’accès au marché américain) via le principe d’extraterritorialité du droit américain a freiné, voire avorté, les ambitions iraniennes de certaines entreprises françaises et européennes en lien avec les États-Unis.

Les établissements bancaires ont notamment en mémoire l’affaire BNP (la banque française a écopé en 2014 d’une amende de 8,9 milliards d’euros pour avoir violé l’embargo américain avec l’Iran, le Soudan et Cuba) et se sont donc montrés plutôt frileux à l’idée de financer des projets en Iran. Faute de crédits accordés par des établissements bancaires, les projets sont alors abandonnés. Ainsi, Bouygues et ADP ont par exemple renoncé l’an dernier à construire et exploiter un nouveau terminal à l’aéroport Khomeyni de Téhéran.

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