La détermination du ministre français de l’Intérieur à expulser le maximum de ressortissants algériens donne lieu sur le terrain, le zèle de l’administration aidant, à des situations tout à fait invraisemblables.
Les OQTF distribuées à tout-va ont fini par toucher une femme présente sur le sol français depuis près de 30 ans, détenant la double nationalité française et algérienne, épouse d’un Français et mère d’enfants français. Le cas rapporté par le journal Le Monde ce mercredi 11 juin est tout simplement incroyable et le motif évoqué pour l’expulsion est farfelu.
Il y a encore dix jours, Soraya, 58 ans, était à mille lieues d’imaginer la mésaventure qu’elle va vivre, elle qui a fait sa vie en France et se considérait comme Française depuis 2007, année où elle a été naturalisée. Lundi 2 juin, un billet d’avion et son passeport algérien en poche, elle s’est rendue à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle pour s’envoler vers Alger pour un séjour familial.
Interpellée à l’aéroport de Roissy
À sa grande surprise, les agents de la police des frontières (PAF) l’ont interpellée et mise en cellule. Précision utile, elle avait l’habitude de se rendre en Algérie sans le moindre problème. Cette fois, elle est retenue dans les locaux de la police pendant tout l’après-midi midi. En fin de journée, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) lui a été remise. En plus d’une IRTF, interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Alors que le délai de départ volontaire est généralement fixé à trente jours, la femme qui vit en France depuis 1993 est sommée de la quitter sous 48 heures, raconte-t-elle au Monde.
La préfecture de police de Paris a motivé l’OQTF délivrée par le fait que la femme « ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ». Le motif est infondé, car l’intéressée vit en France depuis 1993, y a fondé une famille, a un emploi stable et a obtenu la nationalité française 4 ans après son arrivée d’Algérie.
Est-il donc légal d’expulser une ressortissante française ? En fait, la préfecture est allée creuser dans la procédure de sa naturalisation pour déceler ce qu’elle considère comme une anomalie.
Expulsion d’Algériens : « Bruno Retailleau a lâché la bride aux forces de l’ordre »
« Je suis Française par ma mère, qui elle-même avait obtenu la nationalité par son père, car elle était mineure au moment où il avait engagé la démarche. L’administration s’est rendue compte, bien plus tard, que ma mère était majeure, à un mois près, quand la nationalité française lui a été accordée. Par conséquent, ma mère aurait dû engager elle-même la demande pour que je puisse bénéficier, à mon tour, de la naturalisation », explique-t-elle au Monde.
Voici le motif complètement farfelu qui a valu à la Franco-Algérienne de se retrouver dans cette situation. Elle est aussi accusée de contrefaçon et falsification, là où son avocat évoque une erreur d’état civil.
Plus surprenant encore, l’administration s’est rendue compte de l’erreur dès les premières années et, en 2001, la justice a rendu une décision constatant l’extranéité, c’est-à-dire la qualité d’étrangère de la concernée. Soraya l’a contestée par un avocat, puis plus rien pendant près de 25 ans. Pendant tout ce temps, elle a pu renouveler à plusieurs reprises ses documents français, passeport et carte d’identité.
Ce n’est que maintenant que l’affaire est déterrée alors que la femme a fait toute sa vie en France. Pourquoi et comment expliquer l’empressement des autorités françaises à l’expulser malgré sa situation ? Son mari, cité par Le Monde, y voit un effet direct de « ce que fait Bruno Retailleau », estimant que « cette façon de lâcher la bride aux forces de police, peut expliquer certaines décisions et certains comportements ».
L’avocat de la famille va contester l’OQTF et l’IRTF devant le tribunal administratif qui aura six mois pour trancher.
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