Société

Affaire des serpents qui ont semé la panique à Tizi Ouzou : enfin une explication

Une polémique sur fond de panique s’est déclenchée depuis fin novembre dernier au sujet de l’apparition subite et en nombre important de serpents sur le territoire de la wilaya de Tizi Ouzou. Les réseaux sociaux n’ont pas tardé à s’enflammer avec à l’appui de nombreuses photos et vidéos montrant des serpents rencontrés un peu partout dans les localités de la région durant cette période de cueillette des olives.

Des hypothèses allant des plus farfelues aux plus plausibles ont été développées. Certains sont allés jusqu’à affirmer que ces serpents ont été jetés depuis des hélicoptères pour créer des diversions et détourner l’attention de la révolution du peuple. D’autres ont directement relié cette apparition inhabituelle de serpents aux changements climatiques.

Mais quelles que soient les hypothèses, cette polémique n’est pas venue du néant. Elle a pour origine un fait réel qui a traumatisé la population et qui a causé un décès. Il s’agit de l’affaire d’une jeune femme de la localité de Makouda qui est décédée suite à une morsure de serpent début décembre dernier. Mais qu’en est-il au juste et qu’en pense les scientifiques ?

Répondant à la sollicitation du CHU Neddir Mohamed de Tizi Ouzou, une équipe composée de plusieurs médecins du ministère de la Santé, de l’institut Pasteur, du centre national de Toxicologie et du service de réanimation du CHU de Beni Messous, a organisé, ce lundi 6 janvier, un séminaire à Tizi Ouzou, intitulé « Les envenimations : prise en charge thérapeutique des cas envenimés ».

Une occasion pour Docteur Aliane, du ministère de la Santé, de revenir sur cet unique cas de morsure de serpent enregistré à Makouda. Présentant le rapport clinique de la défunte, Dr Aliane a commencé par balayer d’un revers de main la rumeur qui soutenait que le décès de la jeune femme serait dû à sa chute de l’arbre à la vue d’un serpent et non pas à la morsure de serpent.

« La femme, B. L, âgée de 33 ans, originaire et résidant à Makouda, a été victime d’une morsure de serpent le 29 novembre à 14h au niveau de l’auriculaire droit », a-t-elle expliqué. Selon ce médecin, la polyclinique locale envers laquelle la victime a été évacuée l’a transféré vers l’EPH de Tigzirt, et l’examen effectué deux heures après morsure objective, a montré que la patiente était consciente et coopérative. Vingt minute plus tard, a-t-elle poursuivi, la patiente, agitée, présente un état de choc et d’autres indices confirmant qu’il s’agit d’un « syndrome vipérin de grade 3 ». « L’EPH ne disposait pas ce jour-là de sérum anti-vipérin. Trois heures après, la patiente fait deux arrêts cardiorespiratoires récupérés. 10 heures après elle reçoit deux ampoules de ce sérum et au 4e jour elle est évacuée au CHU de Tizi Ouzou où elle décède à 22h », a-t-elle précisé.

Le lendemain, la population en colère a muré la polyclinique locale et la toile commence à s’enflammer d’autant que de nombreux autres serpents sont signalés un peu partout. Y a-t-il donc raison de s’inquiéter ?

Selon les conclusions de Dr Aliane, « le serpent aurait été identifié comme étant une vipère à corne, transportée dans un camion de sable de Touggourt pour construction ».

Pour sa part, le Dr Saidani de l’institut pasteur, le serpent en question n’a été ni retrouvé ni pris en photo. Mais au-delà de cette certitude, a-t-il expliqué, les vipères sont présentes dans la wilaya de Tizi Ouzou comme dans tout le nord du pays. Selon ses explications, l’Algérie compte deux espèces principales de serpents : les couleuvres et les vipères. « Les couleuvres sont réputées pour être inoffensives, mais les deux espèces de vipères existantes en Algérie ; la Cerastes qui est connue aussi sous le nom de vipère à corne et qui vit dans le sud du pays, et la Macro Vipéra Lebetina qui vit dans le nord, sont aussi venimeuses et dangereuses l’une que l’autre », a-t-il expliqué précisant que, bien que les couleuvres sont prédominantes dans cette région, « ça arrive qu’on les retrouve notamment dans les zones montagneuses ».

Mais pourquoi donc se manifestent-elles en cette période de froid où elles sont censés être en principe en hibernation ? Les médecins qui ont participé à la rencontre ne pouvaient l’affirmer avec certitude, mais pour eux les changements climatiques peuvent en constituer un facteur important. « Même en période d’hibernation, un serpent peut quitter son terrier pour profiter de la chaleur du soleil », explique Dr Saidani.

Une hypothèse partagée par Dr Aliane qui estime que le changement climatique peut en effet être un facteur de leur apparition en cette période de l’année. Pour le Dr Larbes, un chercheur en écologie à l’université de Tizi Ouzou où il a travaillé sur les reptiles, c’est même une certitude. Sur les réseaux sociaux, il avait expliqué début décembre dernier que les reptiles en question sont en réalité désorientés par l’ensoleillement élevé de ces dernières semaines, les poussant à sortir de leur cachette.

Selon Dr Aliane, une chose en tout cas est sûre, c’est qu’en Algérie les morsures de serpent ne constituent pas un problème de santé publique contrairement aux scorpions, mais un dispositif de surveillance est à l’étude au ministère car près de 700 morsures ont été enregistrées en 2018 pour un seul cas de décès recensé.

 

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