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Affaire Khashoggi : Joe Biden sous le feu des critiques aux États-Unis

Affaire Khashoggi : Joe Biden sous le feu des critiques aux États-Unis

Moins de quarante jours après son investiture en tant que nouveau président des États-Unis mercredi 20 janvier, Joe Biden est déjà sous le feu des critiques. En cause, sa gestion du dossier de l’assassinat du journaliste dissident saoudien Jamal Kashoggi, tué puis démembré en 2018 dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul (Turquie) dans un scandale qui a eu un retentissement international.

L’administration du nouveau président Biden a rendu publique vendredi 26 février une version déclassifiée du rapport des services de renseignements américains évaluant le rôle joué par le prince hériter saoudien Mohamed Ben Salmane dans le meurtre de Jamal Khashoggi.

« Nous sommes parvenus à la conclusion que le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a validé une opération à Istanbul, en Turquie, pour capturer ou tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi », affirme le rapport établi par le Bureau du directeur du renseignement national (ODNI).

« Le prince héritier considérait Khashoggi comme une menace pour le royaume et soutenait largement l’utilisation de mesures violentes si nécessaire pour le faire taire », soutient l’ODNI dans son rapport publié en ligne, précisant que « depuis 2017, le prince héritier exerce un contrôle absolu sur les organisations de sécurité et de renseignement du Royaume, ce qui rend hautement improbable que des responsables saoudiens auraient mené une opération de cette nature sans l’autorisation du prince héritier ».

Malgré le rapport accablant des services de renseignements saoudiens, le président Biden a décidé de n’imposer aucune sanction directe à l’encontre du prince héritier Mohammed ben Salmane, se limitant à imposer des sanctions à 76 ressortissants saoudiens, leur interdisant notamment d’entrer sur le territoire américain.

| Lire aussi : Meurtre de Khashoggi : pour la première fois, Mohamed ben Salman dit assumer

Selon le New York Times, l’administration Biden a justifié l’absence de sanctions directes à l’encontre du prince héritier par le fait que cela représenterait un « coût trop élevé » diplomatiquement. « Un consensus s’est développé au sein de la Maison Blanche selon lequel le coût [d’une brèche dans les relations] dans la coopération saoudienne dans la lutte contre le terrorisme et dans la confrontation avec l’Iran, était tout simplement trop élevé », indique le journal américain.

« Pour M. Biden, cette décision est révélatrice de la façon dont ses instincts plus prudents se sont manifestés, les responsabilités de gérer un allié difficile l’ayant amené à trouver des moyens autres que de s’attaquer directement au prince Mohammed pour faire payer le prix à l’Arabie saoudite » de l’assassinat de Khashoggi, précise le Times.

Citée par la même source, l’ONG Human Rights Watch a pour sa part appelé le gouvernement américain à maintenir le gel des ventes d’armes offensives à l’Arabie saoudite jusqu’à ce que les Saoudiens eux-mêmes traduisent en justice les personnes impliquées dans l’assassinat de Khashoggi, « y compris le prince héritier ».

« Ce n’est pas la claque saoudienne à laquelle beaucoup s’attendaient »

« Ce n’est pas la claque saoudienne à laquelle beaucoup s’attendaient », a estimé pour sa part Varsha Koduvayur, analyste à la Fondation pour la défense des démocraties, un think-tank basé à Washington, cité par South China Morning Post. « La position saoudienne globale de Biden est de mettre les valeurs au cœur de la politique étrangère américaine, mettre l’accent sur les droits de l’Homme et inverser l’approche transactionnelle des quatre dernières années (sous Trump) – tout en préservant la relation », a ajouté Mme Koduvayur.

L’ONG américaine Freedom House a pour sa part estimé qu’il était « décevant et frustrant que les États-Unis ne soient pas encore disposés à agir sur leurs propres renseignements » et à imposer des sanctions à l’encontre de Mohammed ben Salmane. « Nous n’attendons rien de moins que la justice pour Jamal Khashoggi et tous les braves dissidents saoudiens », a souligné l’ONG, appelant les États-Unis et l’Union européenne à « imposer en urgence des sanctions contre MBS lui-même ».

« Washington se rend compte que MBS pourrait continuer à diriger l’Arabie saoudite pendant le prochain demi-siècle, elle ne peut donc pas se permettre de l’aliéner complètement », a résumé pour sa part un diplomate occidental cité par la même source.

Le Washington Post, qui employait Jamal Khashoggi comme chroniqueur jusqu’à son assassinat, a estimé pour sa part dans un éditorial que Mohammed ben Salmane est « coupable de meurtre » et que « Biden ne devrait pas donner de laissez-passer ».

« M. Biden accorde ce qui équivaut à un laissez-passer à un dirigeant qui a semé l’instabilité autour du Moyen-Orient ces dernières années tout en présidant la répression de la dissidence la plus sévère de l’histoire saoudienne moderne », fustige le Post.  « Au minimum, l’administration Biden devrait exiger, comme condition de relations normales, que l’architecte du meurtre de Khashoggi et d’autres infractions relatives aux droits de l’Homme – Saud al-Qahtani, un proche collaborateur de MBS nommé dans le rapport de la CIA – soit traduit en justice », plaide le journal américain.

Avant de lancer cette mise en garde : « Si l’appareil criminel utilisé par MBS contre Khashoggi n’est pas démantelé, il y aura plus de victimes », conclut le comité éditorial du Washington Post.

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