Économie

Agriculture : le projet original d’un investisseur à Laghouat

En Algérie, nombreux sont les investisseurs qui se lancent dans l’agriculture saharienne. Le projet de Brahim Lakhdari à Aïn Madhi dans la wilaya de Laghouat est original.

L’idée est de produire de la luzerne, d’élever des moutons, d’édifier un abattoir ainsi qu’une unité de transformation de la viande. Un projet intégré.

Quand il parle de ce qui a déjà été accompli, on sent une détermination sans faille de la part de cet investisseur.

Rien ne semble le décourager, ni le difficile recrutement de main d’œuvre, ni l’absence de raccordement au réseau électrique.

Assis sur une balle de luzerne dans un des champs et coiffé d’un bonnet de laine, cet investisseur d’une quarantaine d’années confie à la chaîne web d’Amine Achir comment a commencé son aventure.

La mise en valeur des 50 hectares de cette concession agricole dans une zone steppique a débuté en décembre 2022 après visite de plusieurs sites possibles.

La région est particulièrement riche en eau. Il a fallu tout d’abord aménager une piste de 11 km. « Auparavant, on ne pouvait accéder sur site qu’à l’aide d’un véhicule à 4 roues motrices » aime-t-il à rappeler.

Mais à propos de piste, pas question d’un simple chemin débarrassé de ses aspérités. Disposant apparemment de moyens conséquents, il a utilisé des engins de chantier dont une niveleuse.

Puis pour assurer la qualité de cette voie de circulation, un camion-citerne a arrosé la piste et un compacteur a ensuite assuré un compactage parfait.

La piste a été ouverte alors que le forage lié à la concession était encore en chantier. Aussi, précise-t-il « on s’est approvisionné en eau auprès de voisins et de l’APC. Parfois on a ramené de l’eau depuis 30 km ».

La réalisation du forage a duré 3 mois et un bassin tapissé de géomembranes a été creusé à proximité.

L’investisseur indique également qu’il a tenu à monter sur place ce qu’il nomme « une base de vie ». Actuellement celle-ci est constituée d’une vingtaine de cabines sahariennes et de constructions diverses.

L’étape suivante a été d’enlever les pierres à l’emplacement des deux pivots que compte actuellement la concession. Un épierrage manuel qui a nécessité le recrutement d’une main d’œuvre nombreuse pour effectuer cette tâche harassante.

Jusqu’à 20 à 30 ouvriers ont été mobilisés pour cette opération qui est devenue plus ardue lorsque cela a concerné la création d’un verger. Les trous de plantation ont été réalisés à l’aide d’une pelle mécanique afin d’arriver à bout de la dalle calcaire située sous la vingtaine de centimètres de sol.

Pour accomplir cette tâche, ce sont jusqu’à 60 ouvriers qui ont été recrutés. Mais, « les ouvriers qui venaient un jour, ne revenaient pas le lendemain face à la pénibilité de la tâche ». Certains lui disaient même douter de la réalisation d’une telle entreprise.

Depuis, il a été fait appel à du matériel spécialisé ramené de l’étranger. Un engin qui ramasse les pierres et les stocke dans une benne qui, une fois pleine, permet un déchargement rapide. Les tonnes de pierres ainsi ramassées ont servi à édifier un remblai autour du périmètre des champs circulaire. Une défense non négligeable face aux vents de sable.

Le premier pivot a permis d’installer une culture d’orge et le second une culture de luzerne.

À Laghouat, la détermination sans faille d’un investisseur agricole

C’est en avril 2021 que l’activité agricole a commencé. Aujourd’hui, après une coupe de luzerne, le passage d’une botteleuse a permis des centaines de balles de fourrage d’un vert prononcé.

Une luzerne qui permet de nourrir un troupeau de moutons. « Dans les 5 ans à venir, nous comptons arriver à élever 20.000 moutons. Nous sommes dans une région d’élevage », confie Brahim Lakhdari qui ajoute avoir comme projet l’édification d’un abattoir et d’une unité de transformation de la viande.

Un projet possible grâce à l’octroi d’une extension de 180 hectares ainsi que de l’autorisation pour deux nouveaux forages.

L’investisseur a entrepris la plantation d’arbres fruitiers. Avec l’expérience, il dit avoir beaucoup appris sur les espèces les plus adaptées à la région.

Plusieurs dizaines de serres tunnels ont également été montées et un poulailler devrait être prochainement construit dans cette exploitation agricole.

Par deux fois, cet investisseur remercie les autorités locales qui, dit-il « ont apporté toute l’aide nécessaire ».

L’exploitation fonctionne grâce à 4 groupes électrogènes de forte puissance. Deux citernes, dont une de près de 30.000 litres, sont nécessaires pour le stockage du carburant alimentant les groupes électrogènes. Des citernes ravitaillées par un camion-citerne lui-même de 30.000 litres.

Quand il lui est demandé comment il se projette à l’avenir, Brahim Lakhdari indique que le raccordement de son exploitation au réseau électrique constituerait pour lui un puissant encouragement et permettrait d’envisager de nouvelles activités comme le stockage en chambres froides et l’installation d’une unité de transformation de la viande.

« Actuellement tout repose sur le mazout qui alimente les groupes électrogènes », rappelle-t-il.

Avec fierté, il précise que « 40 % des réalisations ont été faites dès la première année de l’attribution de la concession ». Un taux qui tranche avec certains bénéficiaires de concessions agricoles qui, plusieurs années après attribution de leur titre de concession, n’ont rien ou peu réalisé mais dont la possession d’une carte de fellah leur permet d’avoir accès à l’achat d’engrais et de semences à prix subventionnés.

Depuis 2022, l’Office national des terres agricoles a défini un cahier des charges à l’intention des bénéficiaires de concessions avec obligation d’engager la mise en valeur dans un délai de six mois.

À Aïn Madhi, pivots et vergers nécessitent une irrigation constante, notamment dans le cas de la luzerne dont le nombre de coupes peut dépasser les 7 à 8 durant l’année. Une production qui nécessite 13 à 14.000 m3 d’eau par an soit 1.300 à 1.400 mm par hectare dans la région dont la pluviométrie annuelle moyenne est de 220 mm.

Le déficit en eau est donc comblé par le recours à l’eau souterraine. Une disponibilité en eau qui ne peut que diminuer au fil des prélèvements si ceux-ci dépassent la recharge naturelle par les eaux de pluies.

Pour assurer la pérennité de ce projet agricole, il reste à établir avec les services de l’hydraulique un « contrat de nappe » entre les différents utilisateurs. Un contrat qui assurera durabilité et équité entre les différents usagers.

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