Économie

Algérie : après les bananes, essai réussi de production du café

Après le bananier, une tentative de plantation de plants de caféier a été tentée avec succès en Algérie, précisément à Chlef. Une première récolte est attendue pour le mois de novembre. Peut-on caresser l’idée de produire du café à grande échelle en Algérie, l’un des pays les plus consommateurs de cette boisson au monde ?

Cette expérience de plantation de caféier a été menée à Bouzeghaia (Chlef) par le jeune Abdelouahab Fellouh. Elle a été rapportée par l’agence officielle APS. Pour ce jeune agriculteur, sa « contribution est de nature à réduire l’importation de certains produits agricoles, voire même à s’en passer ». Un pari ambitieux alors que l’Algérie importe annuellement 130.000 tonnes de grains de café, selon l’Organisation Internationale du Café (OIC).

Afin de réunir des conditions optimales de chaleur et d’humidité, les jeunes plants ont été installés sous serre. La plante a en effet besoin toute l’année d’une température de 18 à 21° C et celle-ci ne doit pas descendre en dessous de 13° C. Le caféier est une plante tropicale qui pousse notamment en Éthiopie et en Amérique latine.

En Europe, il est possible de voir des particuliers cultiver des plants de caféier comme plante d’intérieur ou en serre. À condition de lui procurer un arrosage régulier, une température adéquate et une fertilisation abondante, il est possible d’obtenir des plants adultes. L’arbre peut atteindre jusqu’à 9 mètres de haut, mais est généralement maintenu à une hauteur de 3 mètres. Reste le coût de l’opération et la qualité des grains obtenus.

En Éthiopie, le terroir des caféiers se situe à 600 mètres d’altitude, souvent sur les pentes d’anciens volcans au sol fertile et en association avec d’autres arbres leur conférant un précieux ombrage. La récolte reste manuelle et pour l’équivalent d’une tasse de café, il faut compter jusqu’à 55 grains.

Algérie : après les bananiers, des caféiers ?

Un autre arbre d’origine tropicale a été également acclimaté en Algérie : le bananier. Il est cultivé sous serre dans plusieurs wilayas du littoral, car les températures inférieures à 14° C lui sont fatales.

Le développement des serres multichapelles aux grandes dimensions a permis son extension dans plusieurs wilayas du littoral. Les bananes produites localement sont d’aussi bonne qualité que celles importées. Des importations qui ont atteint 300.000 tonnes en 2020, selon la société française Alpex.

Le problème est que les cultures tropicales comme le bananier ou le caféier ont des besoins d’irrigation importants. Or, en Algérie, les réserves en eau des zones littorales utilisent une eau devenue rare, celle en provenance des barrages et des forages.

Des forages si nombreux qu’en certains points du littoral les prélèvements d’eau se traduisent par ce qu’appellent les hydrologues « un biseau salin », une entrée d’eau de mer dans la nappe profonde. Résultat, les pompages ramènent en surface une eau contenant du sel. Une situation suivie de près par les services de l’hydraulique.

Le caféier n’aime pas les températures fraîches, aussi devrait-il être cultivé sur le littoral, sous serre, à l’intérieur du pays ou au sud. Déjà, quelques particuliers ont testé sa culture sous des palmiers. Tout est donc possible à condition de disposer de suffisamment d’eau.

Planter de la chicorée à la place de caféier

Le souhait du jeune Abdelouahab Fellouh de contribuer à la réduction des importations algériennes de café est louable. Une autre alternative est possible. Dans les années 1960, il n’était pas rare de griller des grains de pois chiche ensuite mélangés au café.

À l’est du pays, cela se pratiquait chez les particuliers grâce à un petit cylindre métallique de la taille d’une boite de conserve muni d’une manivelle. Ce qui permettait de faire tourner manuellement les grains au-dessus d’un « kanoun » en argile, sorte de braséro alimenté au bois. Il existait également la pratique de l’orge grillée mélangée au café.

À ces pratiques traditionnelles s’ajoute en Europe celle de l’utilisation de la chicorée, une racine de la taille d’une betterave qui, une fois torréfiée et réduite en poudre, peut accompagner le café, voire pour certains le remplacer.

Il s’agit d’une plante des milieux tempérés, cultivable en pleins champs. À ce titre, sa culture en Algérie nécessiterait moins d’eau qu’une plante tropicale, sans compter les lourds investissements que constituent les serres multichapelles.

De nouvelles cultures qui trouvent leur terroir

Dans les conditions actuelles de faible disponibilité en eau en Algérie qui fait face à la sécheresse et aux canicules, le développement du caféier semble discutable.

Cependant, cette recherche d’adaptation locale de cultures nouvelles est salutaire. C’est le cas de la pomme de terre à El Oued, des pommiers dans les Aurès ou du maïs fourrager à Ménea.

Dans le premier cas, les premiers essais de plantation réalisés dans les années 1980 par les services agricoles ont été concluants. Mais se posait la question de l’irrigation.

À l’époque, celle-ci se faisait par rigole et dans les sols sablonneux de la région d’El Oued, une grande partie de l’eau se perdait en chemin malgré les tentatives des agriculteurs d’enduire ces rigoles de plâtre. Ce n’est qu’avec l’apparition de pivots rotatifs de petite taille créés par des artisans de la région que les surfaces ont pu décoller.

Dans le cas des pommiers, ce sont les services forestiers qui, dans les années 1970, ont distribué quelques arbres dans le cadre d’opérations de reboisement et de développement des régions de montagne. Le pommier ne fructifiant que s’il dispose de suffisamment de froid, les arbres se sont admirablement adaptés à la région des Aurès.

Au début des années 2000 à Ménea, les services agricoles ont vulgarisé la culture du maïs grain afin de répondre à la forte demande du secteur avicole.

Grâce à un choix judicieux de variétés à cycle court et à une irrigation continue en plein été, cette culture s’est admirablement adaptée à la région comme seconde culture après la récolte du blé.

Cependant, de nombreux investisseurs ont trouvé plus rentable de récolter le maïs comme fourrage vert à la place de maïs grain. La possibilité leur en a été donnée à l’époque par l’introduction en Algérie de machines permettant de hacher les fourrages et de les mettre sous forme de balles rondes enrubannées avec la possibilité de les conserver deux années sous forme d’ensilage.

Cette révolution technique a permis à la wilaya de Ghardaïa de devenir, en plein désert, l’un des premiers pôles laitiers totalement autonomes en fourrage en Algérie.

Des possibilités de réduction des quantités d’eau consommées pourraient être possibles en remplacement du maïs par du sorgho. Plus au nord, la culture de triticale (croisement du blé et du seigle) pourrait permettre de réduire en partie les quantités de maïs importées.

Ingéniosité des agriculteurs

Les introductions de nouvelles cultures montrent le rôle important des services agricoles de vulgarisation et l’ingéniosité des agriculteurs algériens.

Les exemples sont nombreux, telle la culture des fraises introduite avec succès à Skikda. Parfois, ces introductions sont plus discrètes, telles ces variétés de tomate de conserve produisant deux fois plus que les variétés anciennes.

Pour être réussie, l’éventuelle idée du caféier en Algérie devra répondre aux critères définis par les services agricoles : besoins des consommateurs en cultures stratégiques, revenus des exploitations agricoles, créations d’emplois, mais également faible consommation en eau.

La réalité semi-aride et aride du pays est trop souvent oubliée du large public. Rien que dans la wilaya de Chlef, là où Abdelouahab Fellouh souhaite développer la culture de caféier, le quotidien El Watan rappelait au printemps dernier la situation locale : « Plus de 400 nouveaux forages privés autorisés jusqu’ici et octroi de quotas de 11 millions de mètres cubes d’eau des deux barrages que compte la wilaya pour pallier le manque de pluie persistant. »

L’adage agricole « la technique propose et la pratique dispose » est donc plus que jamais valable. La sécheresse qui frappe l’Algérie cette année et celles à venir incitent à des adaptations futures.

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