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Algérie – France : les vrais dessous de la crise des OQTF

La crise entre la France et l’Algérie ne cesse de s’aggraver. Paris accuse Alger de ne pas respecter ses engagements. Vraiment ?

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Les vrais dessous de la crise des OQTF, France - Algérie. | Par Oleksii / Adobe Stock
Riyad Hamadi
Durée de lecture 3 minutes de lecture
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Au cœur de la crise algéro-française qui dure depuis plus d’une année, se trouve la question de l’immigration et des expulsions des ressortissants algérien sous OQTF.

L’Algérie est notamment accusée par le ministre de l’Intérieur français Bruno Retailleau de ne pas respecter ses engagements en matière de reconduite aux frontières de ses ressortissants. Vraiment ?

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A y voir de plus près, les arguments du gouvernement français, défendus d’abord par Bruno Retailleauet désormais au plus haut sommet de la hiérarchie, ne tiennent tout simplement pas. Du moins, ils sont biaisés d’un point de vue juridique. 

Dans les différentes communications du gouvernement français sur la question précise du refus d’Alger d’accepter certains de ses ressortissants expulsés, un texte est systématiquement mis en avant et l’Algérie accusée de ne pas respecter ses dispositions.

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Il s’agit de l’accord bilatéral de 1994, fixant les modalités et conditions des reconduites aux frontières. Or, comme l’explique à TSA une source algérienne très au fait du dossier, cet accord – qui n’a pas été publié – concerne uniquement l’expulsion des ressortissants algériens entrés illégalement en France et s’y trouvant toujours en situation irrégulière.

Qui est concerné par l’accord franco-algérien de 1994 ?

« L’accord de 1994 concerne uniquement les ressortissants algériens arrivés illégalement en France », précise notre source. « En plus, une bonne partie des dossiers d’identification des clandestins algériens sont incomplets. Du point vu de l’application de la réglementation, l’Algérie, et contrairement à ce que prétend Bruno Retailleau, respecte à la lettre ses engagements. C’est la France qui ne respecte pas l’accord de 1968. On ne peut appliquer l’accord de 1994 à tous les ressortissants algériens en France », ajoute-t-elle.

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C’est ce texte qui a défini notamment les modalités de délivrance d’un laissez-passer consulaire et surtout le processus d’identification de la personne concernée.

« Certains clandestins se présentent comme des Algériens, alors qu’ils ne le sont pas. Avant de confirmer la nationalité algérienne de quelqu’un, il faut bien vérifier qu’il est vraiment Algérien. Le processus d’identification est très strict », ajoute la même source. 

Pour les Algériens en situation légale, ce sont les dispositions de l’accord sur l’immigration de 1968 qui s’appliquent. La détermination de leur identité et de leur nationalité est simple car ils auront laissé leurs empreintes à l’obtention du visa ou à la délivrance du titre de séjour. 

Dans la crise en cours, il n’a échappé à personne que les cas de ressortissants que l’Algérie est accusée de refuser, du moins les plus médiatisés, sont pour la plupart, sinon tous, des Algériens vivant depuis longtemps en France en situation régulière. On pense notamment à l’affaire des influenceurs qui a défrayé la chronique au début de l’année en cours. 

Si l’Algérie a contesté leur expulsion, c’est au nom du droit de la protection consulaire consacré par les accords internationaux, notamment la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires.

Le ministère des Affaires étrangères l’a du reste rappelé plusieurs fois, notamment dans sa réaction aux accusations de “chercher à humilier la France” proférées par Bruno Retailleau en janvier dernier après le renvoi de l’influenceur Doualemn de l’aéroport d’Alger en janvier dernier. 

Affaire des corps retrouvés dans la Marne

 

Le ministre de l’Intérieur français et décidément tout le gouvernement français ne semblent pas tenir compte non plus du droit de l’Algérie à dire son mot quand il s’agit de renvoyer sur son territoire des individus qui peuvent être dangereux, et qui pourraient de surcroît ne pas être Algériens.

L’affaire des quatre corps récemment repêchés de la Seine conforte l’Algérie dans sa prudence. Le suspect, un Tunisien, a facilement fait croire aux enquêteurs qu’il était Algérien et la presse l’a présenté comme tel pendant plusieurs jours. 

Outre le faux argument juridique, le courant anti-algérien avance aussi une contrevérité en accusant l’Algérie d’entraver les réadmissions. De l’aveu même de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur puis de la Justice, les pays du Maghreb présentent des bilans quasi similaires en matière d’exécution des OQTF. 

Depuis le début de la crise, l’Algérie est restée constante dans sa démarche légaliste, veillant à tenir loin de la politique une question avant tout technique relevant de la compétence des consulats d’Algérie et des préfectures françaises. « Pour le moment, l’Algérie se défend et gère bien cette crise », reconnaît un élu français.

Du côté français, Bruno Retailleau et une partie de la classe politique ont fait du dossier, et plus globalement de la relation avec l’Algérie, un tremplin pour monter dans les sondages et les urnes.

 

 

Politisation du dossier des expulsions

 

 

Depuis son arrivée à Place Beauvau en remplacement de Gérald Darmanin, le nouveau ministre de l’Intérieur français a multiplié les menaces et les injonctions à l’égard d’Alger dans le dossier migratoire.

« Le dossier des OQTF (Obligation de quitter le territoire français) avec l’Algérie a été politisé par Bruno Retailleau. Avant, c’était une gestion technique entre les préfectures françaises et les consulats algériens. Tout allait bien. Avec sa politisation, il est sorti des préfectures et des consulats, pour devenir un dossier politique entre les deux gouvernements. Ce changement a provoqué des blocages. Aucun gouvernement, et encore moins celui de l’Algérie, ne peut accepter des injonctions et des menaces de la part d’un gouvernement étranger », analyse notre source.

Cette politisation n’aide pas les deux pays à mieux les problèmes liés aux clandestins algériens en France. Elle est à haut risque puisque Paris a mis en garde, à plusieurs reprises contre la répétition d’une attaque similaire de Mulhouse le 22 février dernier quand un clandestin algérien a tué un retraité portugais, qui pourrait plonger les relations entre les deux pays dans une crise d’une gravité extrême. 

TSA +