Économie

Algérie-Italie : le gaz, et après ?

Dans l’air depuis le début de la crise ukrainienne, c’est désormais acté. L’Algérie livrera les quantités de gaz supplémentaires sollicitées par l’Italie, en vertu d’un accord signé entre les compagnies énergétiques des deux pays, Sonatrach et ENI, à l’occasion de la visite en Algérie du premier ministre italien Mario Draghi, lundi 11 avril.

L’Algérie est maintenant en droit d’attendre une plus grande implication de l’Italie dans le développement et la diversification de son économie.

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L’accord prévoit l’exploitation maximale du gazoduc Transmed-Enrico Mattei pour l’acheminement de 9 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires en 2023-2024, a indiqué la compagnie italienne, précisant que le début de l’augmentation des flux se fera à l’automne prochain.

Avec cet accord, l’Algérie supplantera la Russie, jusque-là premier fournisseur de l’Italie avec 29 milliards de mètres cubes, soit 40% de ses importations.

L’Italie cherche à réduire sa forte dépendance aux importations de gaz russe et même de les remplacer à terme, en raison de la guerre en Ukraine.

Plusieurs pays producteurs ont été sollicités, mais c’est sur l’Algérie que les efforts ont été axés à cause de la proximité géographique, l’existence du gazoduc Transmed avec de surcroît des capacités inexploitées et les bonnes relations entre les deux pays.

« Grâce à l’étroite collaboration de longue date entre Eni et Sonatrach, il a été possible en peu de temps et avec un énorme effort commun de signer cet important accord qui consolide davantage le partenariat entre les entreprises et renforce la coopération entre nos pays », a déclaré le PDG d’ENI Claudio Descalzi.

Entre la visite à Alger, le 28 février, soit quatre jours après le début de la guerre en Ukraine, du ministre italien des Affaires étrangères Luigi Di Maio et celle de Mario Draghi, plusieurs responsables d’ENI se sont déplacés en Algérie.

Il y a eu aussi ces derniers mois l’annonce de partenariats entre les deux compagnies, de découvertes conjointes et même du rachat par ENI d’actifs de BP en Algérie.

Il y a eu surtout l’annonce, le 25 mars, par l’Algérie (via une source anonyme) de sa préférence pour l’Italie au détriment de l’Espagne qui voulait aussi plus de gaz algérien. C’était en réaction au revirement du gouvernement espagnol de Pedro Sanchez sur la question du Sahara Occidental.

En novembre dernier, le gazoduc Transmed a été rebaptisé gazoduc Enrico Mattei, du nom de l’ancien PDG d’ENI, grand ami de la révolution algérienne.

L’accord signé lundi 11 avril dans un contexte de fortes tentions mondiales sur le gaz est l’aboutissement logique de  relations historiques, étroites et de tout temps apaisées entre l’Algérie et l’Italie.

Une opportunité que l’Algérie doit saisir

Maintenant que l’Italie a obtenu ce qu’elle était en droit d’attendre d’un pays ami, la question se pose quant à la contrepartie de cette disponibilité. Autrement dit, si le partenariat s’arrêtera au gaz ou s’il sera étendu à d’autres secteurs, de surcroît dans un contexte où l’Algérie a plus que jamais besoin d’investissements et de transfert de technologie et de savoir-faire.

La conjoncture et l’urgence de la situation expliquent que les deux visites de haut niveau en un peu plus d’un mois, celle de Di Maio et celle de Draghi, soient exclusivement consacrées à la question du gaz, mais il est incompréhensible qu’au moment où le Premier ministre italien se trouvait à Alger, le géant Fiat annonçait le projet de production d’une voiture au Maroc. L’Italie a beau être un partenaire central de l’Algérie (premier client, troisième fournisseur), il n’en reste pas moins que le partenariat entre les deux pays se limite aux échanges commerciaux, globalement des hydrocarbures contre des produits manufacturés.

« Je dirai que c’est le moment de définir une politique industrielle mixte avec l’Italie. Non pas d’échanger du pétrole et du gaz contre quelques industries, mais carrément imbriquer un peu plus les deux pays », suggérait l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer dans un entretien à TSA publié samedi 9 avril.

Abderrahmane Hadj Nacer a souligné que l’Italie « est un pays dont l’industrie est solide et qui a beaucoup à nous apporter dans l’indépendance industrielle et la capacité de bien exploiter nos ressources naturelles ».

Pour l’économiste, il est temps pour l’Algérie de jouer cartes sur table et de dire aux Italiens qu’on est d’accord pour qu’ils aient du gaz, mais il faut aller vers « la création de valeur industrielle dans tous les domaines ».

Si l’ancien gouverneur le suggère, c’est que ce n’est pas ce qui se fait jusqu’ici. Et il est aisé de constater que parmi les grandes compagnies italiennes hors hydrocarbures, il n’y a pas que Fiat qui émarge au registre des absents dans la sphère productive algérienne. Un projet d’implantation d’une usine du constructeur italien pour la production de la première voiture algérienne a été envisagé dans les années 1980, mais il a été abandonné.

La position de l’Algérie dans le contexte actuel lui confère la possibilité d’imposer des partenariats gagnant-gagnant avec tous ses partenaires, et particulièrement avec l’Italie pour toutes les raisons citées. Il appartient à ses responsables de se doter d’une stratégie claire et de se montrer convaincants.

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