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Algérie : les véritables enjeux d’une presse libre et crédible

Algérie : les véritables enjeux d’une presse libre et crédible

L’arrestation du journaliste El Kadi Ihsane est venue rappeler que la presse algérienne vit l’une de ses plus sombres périodes depuis l’avènement du pluralisme médiatique il y a plus de trente ans en Algérie.

Le directeur et fondateur des sites Maghreb Émergent et Radio M a été interpellé dans la nuit de samedi à dimanche. Le lendemain, les locaux abritant ses deux médias ont été perquisitionnés et scellés, en présence du journaliste, menotté.

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Ihsane El Kadi est maintenu en garde à vue depuis plus de 48h, sa famille et ses avocats ont pu lui rendre visite, mais aucune communication officielle n’est venue éclairer l’opinion sur les motifs de son arrestation.

S’il l’a été pour la teneur d’un de ses articles ou pour le ton des émissions diffusées sur Radio M, la corporation devrait alors s’inquiéter davantage pour l’avenir du libre exercice de la profession en Algérie.

D’autant plus que ce n’est pas la première fois que cela arrive ces derniers mois et le harcèlement judiciaire n’est pas l’unique écueil auquel fait face la presse algérienne.

Plusieurs journalistes sont passés par la case prison pendant la même période et au moins deux, Rabah Kareche de Liberté et Belkacem Houam d’Echorouk, ont été jugés et condamnés pour le contenu de leurs articles.

Faut-il se résigner que plus rien ne protège le libre exercice du métier, pas même la Constitution qui, pourtant, décriminalise on ne peut plus clairement le délit de presse en Algérie ?

Parallèlement, la conjoncture économique, conjuguée aux pressions multiformes, fait disparaître les titres les uns après les autres. Liberté a baissé rideau en avril dernier après trente ans d’existence et El Watan, l’un des doyens de la presse indépendante, pourrait être le prochain à lui emboîter le pas. Le journal fonctionne à minima depuis l’été à cause d’une grève de ses employés, sans salaire depuis plusieurs mois.

Des médias crédibles pour entendre la voix de l’Algérie

C’est le modèle économique imposé ou adopté par la presse algérienne qui a induit une telle situation paradoxale d’être le plus fort tirage sur la scène et ne pas pouvoir verser les salaires de ses employés. Et vice versa, c’est-à-dire n’avoir aucune existence sur le marché et baigner dans l’aisance financière.

Qu’El Watan ferme ou pas, cela ne changera rien, en termes de statistiques, au très pléthorique paysage médiatique algérien. Des dizaines de titres, sans doute plus d’une centaine (on n’en connaît même pas le nombre exact) continueront à sortir chaque matin et à empocher chacun sa part de la manne publicitaire publique. Et les autorités continueront à se targuer, chiffres à l’appui, d’avoir la presse la plus variée du monde arabe.

Or, le monde autour d’elle ne compte pas avec l’Algérie le nombre de ses journaux, radios, télévisions ou sites électroniques. L’enjeu pour le pays est de faire entendre sa voix et d’accompagner les efforts de sa diplomatie pour peser sur une scène régionale et internationale en ébullition.

Une tâche que ne peuvent accomplir que des médias forts et avant tout crédibles, dans un monde où de véritables guerres se mènent aussi par l’intermédiaire des médias.

Le cap pris jusque-là par les autorités vis-à-vis de la presse ne cadre pas au moins avec leurs objectifs déclarés en matière de politique étrangère et de renforcement du front interne.

Affaiblir la presse algérienne c’est faire de la place dans le façonnement de l’opinion, y compris nationale, aux médias étrangers et aux réseaux sociaux sur lesquels l’État n’a aucune emprise. Le danger est là et nulle part ailleurs.

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