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Algérie : Tiaret, un important grenier à blé menacé par la sécheresse

Algérie : Tiaret, un important grenier à blé menacé par la sécheresse

par Adolfo Perez Design / Adobe Stock
Céréales

L’Algérie qui a lancé samedi la campagne de moisson-battage 2024-2025 dans les wilayas du nord, doit changer sa stratégie agricole en adoptant un nouveau modèle pour faire face à la sécheresse.

Cette année, l’Algérie s’attend à une production abondante notamment de blé dur qui lui permettra de ne pas importer ce produit stratégique en 2026, et ce malgré le manque de pluies qui a touché certains bassins céréaliers.

A Tiaret, l’une des plus grandes régions céréalières du pays, une production d’un million de quintaux de céréales est attendue, contre 400.000 quintaux à Annaba, de plus de 192.000 quintaux à Tizi Ouzou.

A Tiaret, les agriculteurs ont souffert de la sécheresse. Lors du lancement de la campagne de moisson-battage dans cette wilaya des hauts plateaux de l’ouest algérien, le wali a indiqué qu’aucune autorisation de forage ne sera accordée dans l’immédiat. Il répondait aux agriculteurs du sud de la wilaya qui réclamaient l’accès à l’eau suite à la sécheresse qui a pénalisé leur culture de céréales dans la région.

 

À Tiaret, les céréaliers ont soif

 

Cette décision concerne les « zones rouges » définies par les services locaux de l’hydraulique de la wilaya de Tiaret qui a subi une grave sécheresse en 2024. Il s’agit de zones où le rabattement de la nappe d’eau est important, la priorité étant accordée à l’adduction en eau potable des habitations.

Le wali a précisé que cette interdiction était temporaire et serait réactualisée selon l’avancée des travaux de transfert d’eau vers le chef-lieu de wilaya.

Suite à un programme d’urgence arrêté en 2024 lors d’un Conseil des ministres, la wilaya a bénéficié de moyens supplémentaires afin de faire face à l’assèchement du barrage de Bekhedda qui alimente la ville de Tiaret.

Cinq années de sécheresse depuis 2017

La demande d’autorisations de forage est accompagnée d’une demande d’effacement des dettes contractées par les agriculteurs. Des demandes formulées lors de réunions organisées par l’Union nationale des paysans algériens (UNPA) et faisant suite à la sécheresse. Cette année, certaines exploitations ne récolteront aucun épi de blé. Une situation qui s’est répétée 5 fois depuis 2017.

A l’occasion de la réunion de l’UNPA tenue à Oued Lili, la chaîne Web Maidan News a rendu compte de la situation locale.  Sur certaines parcelles, n’apparaissaient que quelques tiges ici et là avec pour certaines un épi de blé rachitique ; la majeure partie du champ restant nue. Ailleurs, quelques parcelles étaient couvertes de plants, mais leur taille ne dépassait pas 20 cm.

Les interventions des agriculteurs étaient les unes plus poignantes que les autres. Un agriculteur déclarant que s’il avait les moyens, il réaliserait un forage illégal. Un autre confiait son incapacité à honorer ses échéances bancaires faute de moisson et ajoutait ne plus disposer de moyens pour nourrir les siens durant les mois à venir.

Un intervenant a souligné la gravité de la situation : « Celui qui cultive des céréales et élèvent des moutons, pourra toujours s’en sortir. Mais comment vont faire ceux qui n’ont que des cultures ? »

Nombreux sont les agriculteurs qui ont demandé aux représentants de l’union des paysans algériens de porter leurs doléances aux instances de wilaya.

Lors du lancement de la campagne moisson-battage, le wali de Tiaret a indiqué que l’éventuel effacement des dettes des agriculteurs sinistrés n’était pas du ressort de la wilaya mais d’une décision présidentielle. Cependant, lors de ce point de presse improvisé couvert par la chaîne Web Tiaret News, le wali s’est adressé au représentant de la banque BADR afin d’étudier les dossiers pour d’éventuels rééchelonnements du remboursement des prêts consentis aux agriculteurs sinistrés.

 

« Pour des efforts concrets sur le terrain »

 

Pour les exploitations impactées par les sécheresses récurrentes et ne pouvant avoir recours à l’irrigation, des alternatives existent pour réduire leurs charges, notamment celles liées à la mécanisation qui sont les plus lourdes.  

Dès 2010 à Sétif, la ferme pilote Sersour a abandonné le labour au profit du semis direct réduisant ce type de charges de 8.750 DA/hectare à seulement 4 500 DA/ha alors qu’en même temps le rendement augmentait de 2 à 3 quintaux.

Ces résultats ont été présentés lors d’un séminaire international tenu à Sétif et consacré à la modernisation du dry-farming ou arido-culture en Algérie.

Ce type d’approche est aujourd’hui couramment utilisé par les agriculteurs des régions semi-arides d’Australie ou d’Espagne voire de nos voisins. De façon étonnante, cette alternative ne fait pas l’objet de vulgarisation en Algérie.

Pour de nombreux agronomes dont le professeur Arezki Mekliche de l’Ecole nationale supérieure d’agronomie (ENSA) d’El Harrach, il s’agit là d’une alternative intéressante pour les exploitations ne pouvant pas bénéficier de l’irrigation. Pour les exploitations des zones marginales des wilayas de l’ouest algérien cultivant du blé de façon traditionnelle, trouver une alternative pour s’adapter au réchauffement climatique est aujourd’hui devenue une question de survie.

 C’est dans ce contexte de sécheresse et d’absence d’alternatives proposées par les services agricoles que, lors du Conseil des ministres de tenu dimanche 15 juin, le président Abdelmadjid Tebboune a demandé la tenue, à la fin des récoltes, d’une « réunion d’évaluation approfondie devra se tenir à la fin de la campagne afin d’évaluer les résultats obtenus et les efforts déployés autant par les agriculteurs que par les cadres du secteur ».

Le chef de l’Etat a appelé à une refonte qui doit inclure les différentes sous-directions, « en mettant en avant ceux qui fournissent des efforts concrets sur le terrain, et non ceux qui font des démonstrations honorifiques ».

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