Économie

Ali Bey Nasri : « La réglementation des changes est répressive »

Ali Bey Nasri est le président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal). Dans cet entretien, il revient sur  les difficultés qui empêchent le développement des exportations, pointant du doigt la face « rigide » de la Banque d’Algérie, qui risque de remettre en cause l’objectif de l’Algérie d’exporter pour 5 milliards de dollars de produits hors hydrocarbures en 2021.

Le gouvernement a levé l’interdiction sur les exportations de l’huile et du sucre. Un soulagement pour les exportateurs ?

Nous avons de tout temps réclamé de libérer tous les produits, même les pâtes alimentaires qui sont actuellement bloquées, et plus globalement tous les produits exportables.

Pour le sucre et l’huile, nous avons demandé qu’il n’y ait pas de suspension ou d’interdiction d’exportation. La mesure consistant à arrêter l’exportation était destinée à éviter à l’Algérie de se retrouver dans une situation de sous-approvisionnement de son marché national.

Mais comme les capacités installées sont supérieures à la demande locale, nous avons donc estimé qu’il n’y avait aucune raison de bloquer ces exportations susceptibles d’apporter de la valeur ajoutée en devises.

Pour le sucre, nous sommes à près de 800.000 de tonnes d’exportations annuelles pour l’équivalent de 300 millions de dollars, soit une plus-value en devises de 60 millions de dollars.

À cela s’ajoutent les emplois que cette activité génère : au moins 500 postes de travail. Pourquoi, alors, se priver de faire travailler ces 500 salariés et d’avoir une plus-value de 60 millions de dollars ?

Pour l’huile, l’Algérie est également en surcapacités par rapport à la demande nationale. Il convient de rappeler qu’un formulaire engage les entreprises exportatrices à ne pas bénéficier des subventions, autrement dit que les produits exportés n’ont pas bénéficié de la subvention de l’État. La direction du commerce peut facilement le vérifier.

Que s’est-il réellement passé pour l’exportation du sucre ? L’interdiction a été levée début janvier, mais son application effective est intervenue fin janvier.

Il s’agit d’une instruction du Premier ministre précisant la mise en place d’une liste de produits suspendus à l’exportation, à cause de la pandémie (de la Covid-19).

Il faut préciser qu’on a continué à exporter afin d’honorer les contrats qui étaient engagés. Il s’agissait de ne pas exposer les opérateurs aux pénalités par rapport à leurs clients. L’instruction date de mars 2020. Deux mois après, et à la demande des opérateurs économiques, le Premier ministre a donné une instruction autorisant ces exportateurs à continuer à exécuter leurs contrats.

Dans le cadre de la Loi de finances 2021, les opérateurs économiques sont appelés à n’exporter que les excédents, pour ne pas sous-approvisionner le marché national, et également de ne pas émarger à la subvention publique. Le ministère du Commerce a en fait traduit sur le terrain les dispositions de la LF2021.

Le ministère du Commerce veut mettre le label « Halal » sur les produits algériens destinés à l’exportation pour viser le marché mondial des produits halal. Comment peut-il renforcer les exportations algériennes ?   

La certification halal permet d’accéder à certains marchés où le certificat halal est une exigence. Certains pays, à l’instar de l’Indonésie et la Malaisie pour ne citer que ceux-là, exigent que les produits qu’ils importent portent la mention « halal ».

Nos produits agricoles, dattes et autres, doivent avoir la mention halal, à défaut ils ne seront pas acceptés dans ces pays. Pour nos labels, tels que la Figue de Béni Maouche, la datte Deglet Nour ou l’olive de Sig, le problème réside dans le respect (ou pas) des dispositions du cahier de charges.

On est en train de jouer notre crédibilité. S’il y a par exemple des certificats halal qui sont donnés à des produits et qu’il n’y a pas de moyens de les faire respecter, cela risque de mettre en doute la crédibilité du certificat halal algérien comme le label algérien.

Si on ne met pas en place les conditions de contrôle et de respect desdites règles, on va décrédibiliser l’Algérie. Si d’aventure quelqu’un commercialise un produit sous le label « Deglet Nour Tolga » et s’il s’avère que ces dattes ne sont pas de Tolga, c’est mettre en danger notre crédibilité. Même chose pour le label « Figue de Béni Maouche ».

Les contraintes rencontrées par les exportateurs algériens sont-elles traitées par les pouvoirs publics ?

Les contraintes sont tellement nombreuses. Dans le cadre de la nouvelle stratégie des exportations algériennes, malheureusement le principal point de blocage reste la méfiance vis-à-vis des exportateurs.

Nous avons demandé à ce que l’assurance Cagex soit reconnue mais à ce jour rien n’a été fait. Autre point problématique : la réglementation des changes qui reste figée. Elle ne concourt pas à l’encouragement de l’exportation. C’est une réglementation répressive.

Dans le cadre de cette nouvelle stratégie, toutes les propositions que nous avons élaborées, dans le sens de l’allègement de cette réglementation, risquent de ne pas être retenues par la Banque d’Algérie (BA), laquelle a émis des propositions qui n’ont absolument aucun sens.

Cela signifie que l’objectif du président de la République de 4 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures en 2021, risque fortement d’être contrecarré par la rigidité de la Banque d’Algérie.

Justement cet objectif fixé par le président Tebboune d’exporter pour 5 milliards de dollars de produits hors hydrocarbures en 2021 peut-il être atteint?

Je pense qu’on pourra arriver à 3 ou 3,5 milliards de dollars, tout simplement parce que certaines filières sont en phase de progression. Je cite deux exemples : le ciment et les produits sidérurgiques.

En matière d’exportations, on n’a pas compris qu’il faut donner des avantages aux entreprises algériennes afin de les encourager à aller vers les marchés extérieurs.

On parle de 25 000 importateurs, sait-on pourquoi ils sont aussi nombreux ? Tout simplement, ils ont trouvé un gain à importer. Pourquoi ce gain n’est-il pas transféré vers les exportations ? À ce moment-là, ce ne seront pas 500 ou 600 opérateurs qui vont exporter mais 10.000.

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