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Amar Belani : « Le Makhzen a recours à la manipulation de masses… »

Amar Belani : « Le Makhzen a recours à la manipulation de masses… »

L’hebdomadaire « Jeune Afrique » rapporte dans son édition du 15 novembre les propos de la porte-parole de la Haute représentante de l’UE, où elle a indiqué que la participation de la République arabe sahraouie démocratique au 5e Sommet Union africaine-Union européenne, qui aura lieu à Abidjan, les 29 et 30 novembre 2017, « ne constitue pas une modification de la position de l’UE quant à la non reconnaissance de la RASD ». Que signifie, selon vous, une telle déclaration ?

Cette déclaration est abondamment instrumentalisée par différents relais du Maroc, y compris par l’hebdomadaire que vous citez, et qui doit compenser la perte de quelques prébendes par un surcroît de « loyaux services » au profit de son bailleur. l’exploitation qui est faite de cette déclaration est un enfumage destiné à occulter un fait majeur : la RASD participera bel et bien au prochain Sommet UE-UA et toutes les tentatives pour l’exclure de cette importante réunion ont échoué. Voila l’essentiel !

Car en vérité, la déclaration de la porte-parole de l’UE n’apporte rien de nouveau en ce qui concerne la non reconnaissance de la RASD, parce que la position constante de l’Union européenne consiste à énoncer de manière non équivoque que : primo, le Sahara occidental est considéré comme un territoire non autonome ;  secundo, que son statut final fait toujours l’objet d’un processus de négociations entre les deux parties au conflit (Polisario et Royaume du Maroc) mené sous les auspices de l’ONU ; enfin, tertio, elle réaffirme son soutien aux efforts du Secrétaire général de l’ONU pour parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui assurera l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans les conditions définies par la Charte des Nations unies et les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité de l’ONU.

En fait, l’UE et ses États membres ne reconnaissent pas non plus la souveraineté du Maroc sur le territoire sahraoui occupé et cette déclaration de la porte-parole européenne a toute l’apparence d’une réaction suscitée par le Maroc et par son soutien principal au sein de l’UE pour justifier auprès de l’opinion publique marocaine la participation de ce pays à « haut niveau » au prochain Sommet UA-UE, en présence et à côté de la délégation de haut niveau qui représentera  la RASD.

Ayant compris qu’il n’arrivera pas à infléchir la position ferme de l’UE sur le format de participation au Sommet, relabéllisé « Sommet UE-UA », (dont l’annonce avait été qualifiée « d’illumination de l’Ambassadeur d’Algérie à Bruxelles » par un site de propagande), le Maroc lance à moins de deux semaines du Sommet une opération de Com’ qui ne trompe personne puisque l’enjeu n’a jamais été la reconnaissance de la RASD, chose inattendue de la part de l’UE, mais bien sa participation au Sommet avec un partenaire stratégique aussi important que l’UE. Une victoire politique au vrai sens du mot que le Maroc digère mal et un précèdent qui met fin au « format du Caire » (sommet UE-Afrique excluant la RASD) situation dont le Maroc devra s’accommoder désormais pour les futures échéances bi-régionales ainsi que pour tous les autres partenariats qui engagent l’Union africaine.

Et ce ne sont certainement pas les « éléments de langage élaborés dans les cabinets ministériels »,et circulés par ce même hebdomadaire parisien (« ne pas se laisser entraîner dans des combats tactiques subalternes ») qui tromperont grand monde, car à Malabo, à Dakar et à Maputo, le Maroc n’a pas répugné à se vautrer dans la fange de ces combats « subalternes » qui ont d’ailleurs fait le buzz sur les réseaux sociaux.

L’Algérie et ses institutions sont la cible d’une campagne virulente menée aux pas de charge par le Makhzen. Pourquoi une telle campagne en ce moment ?

Là aussi malheureusement rien de nouveau. Ce sont toujours les mêmes considérations qui alimentent cette stratégie de la tension permanente et qui se déploient, le plus souvent, pour faire diversion et s’attaquer au « voisin de l’Est » érigé en épouvantail, auquel les médias marocains imputent la responsabilité de tous les maux qui frappent leur pays. Au service de cet élan frénétique, le Makhzen a recours à la manipulation de masses, y compris sur les réseaux sociaux, levier grâce auquel le Maroc distille un chapelet de mensonges et d’inepties infantiles.

Un exemple tout récent a été enregistré lors de la manifestation de liesse qui a eu lieu à Bruxelles, le 11 novembre 2017, suite à la qualification de l’équipe nationale du Maroc à la phase finale de la coupe du monde de 2018 et qui, malheureusement, a dérapé en donnant lieu à des troubles et à des actes de vandalisme.

Pour justifier cette situation déplorable, les « bots » marocains répandent de fausses informations sur la prétendue implication de ressortissants algériens et sahraouis dans les actes de vandalisme. Dans cette tragi-comédie, mon nom a été cité dans plusieurs médias marocains comme celui qui a fomenté ce complot en ayant recours à des pratiques « mafieuses » pour troubler la manifestation et attenter à l’ordre public du Royaume de Belgique ! C’est à la fois grotesque et puéril. Des accusations, aussi irresponsables, m’ont visé suite à l’organisation d’une réunion au Parlement européen sur le Hirak au Rif marocain. La tenue de cette réunion a d’ailleurs entraîné, en représailles, l’annulation sine die de la visite du président du Parlement européen au Maroc.

Par-delà ces exemples, il faut surtout retenir le caractère massif et sophistiqué de la fabrique de ces fake news, qui justifie le classement de ce pays dans le dernier rapport de Freedom House, publié le 14 novembre 2017, parmi les 30 pays au monde qui manipulent internet et particulièrement les réseaux sociaux à des fins de désinformation.

Le Parlement européen constitue une enceinte privilégiée pour le Maroc au sein de laquelle il déploie d’importants moyens pour survendre ses réformes dans les champs politiques, socioéconomiques  et religieux, et pour faire pression sur l’Exécutif européen quand ce dernier adopte des positions jugées contraires aux intérêts marocains…

C’est absolument vrai. Très souvent, ce haut lieu de la démocratie européenne sert de terrain de chasse pour les « spin doctors » et autres cabinet de lobbying recrutés à grand frais.

À titre d’exemple, pour masquer son échec à exclure la RASD du Sommet UE-UA, et promouvoir «  sa cause nationale et son intégrité territoriale », l’Organisation internationale des médias africains, une obscure ONG créée par une activiste marocaine, compte organiser au Parlement européen à Bruxelles, du 23 au 25 novembre 2017, grâce à la mobilisation des mêmes eurodéputés qui tressent des lauriers au Maroc en contrepartie de généreuses « prises en charge », un Globe’s Forum sous le thème « Listen to Africa », en mettant à l’honneur la région de Dakhla Oued Eddahab –  partie intégrante du territoire du Sahara occidental occupé par le Maroc – comme modèle de développement réussi.

L’examen de l’ordre du jour de ce forum et la qualité des intervenants tout comme les conditions de sa programmation hâtive au lendemain d’un événement autrement plus important organisé par le président du Parlement européen (Conférence de haut niveau « Vers un partenariat renouvelé avec l’Afrique »), traduit la volonté de ses organisateurs de détourner l’attention sur les préparatifs du Sommet UE-UA, et d’escamoter les résultats de la Conférence de haut niveau sur l’Afrique prévue au Parlement européen, le 22 novembre, à laquelle participeront d’importantes personnalités politiques ainsi que des acteurs institutionnels de premier plan.

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