
La Tunisie est-elle en train de payer cher pour sa proximité avec l’Algérie ? Ces derniers jours, ce pays du Maghreb est la cible de tirs groupés en France et au Maroc, amplifiés notamment par l’affaire de la mort de son ressortissant à Marseille.
Depuis quelques jours, des milieux conservateurs et des médias d’extrême droite en France prennent pour cible la communauté tunisienne. Comme pour l’Algérie, ils pointent « une hausse de son immigration » et, en même temps, « l’inefficacité » de la politique de la Tunisie dans la reprise de ses ressortissants sous OQTF (obligation de quitter le territoire français).
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La campagne est partie d’un rapport sur l’immigration tunisienne, publié fin août par l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), connu pour être proche des milieux conservateurs et de l’extrême droite. Le document s’attaque aux Tunisiens de France, estimant qu’ils sont à la fois trop nombreux et peu intégrés.
La réaction de la Tunisie au meurtre de son ressortissant « passe mal » en France
Pour ne rien arranger, le 2 septembre, Abdelkader Dhibi, un ressortissant tunisien, a poignardé plusieurs personnes avant d’être abattu par des policiers à Marseille. Qualifiant ce meurtre « d’injustifié », la Tunisie a demandé aux autorités françaises de mener « rapidement et avec fermeté » une enquête afin d’établir les responsabilités.
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Dans la foulée, le secrétaire d’État auprès du ministre tunisien des Affaires étrangères a convoqué, sur instruction du président Kaïs Saïed, le chargé d’affaires de l’ambassade de France à Tunis.
La réaction de la Tunisie, visant à mettre la lumière sur ce meurtre et à défendre les droits de la famille du défunt, n’est pas passée inaperçue en France. Les médias de l’extrême droite, de la sphère du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, se sont saisis du dossier pour le transformer en campagne médiatique hostile à la Tunisie.
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« Une volonté de la Tunisie d’humilier la France »
Sur CNews, l’animateur Pascal Praud a reproché à la Tunisie le fait d’avoir dénoncé la mort de son ressortissant. « Bien qu’on tolère depuis des mois le fait que sur 13.214 OQTF en 2024, il y en avait seulement 1.294 qui étaient exécutées, ils (Tunisie) se permettent de continuer à faire ce genre de choses, surtout à pointer du doigt nos policiers », a-t-il résumé.
CNews va plus loin en soulignant que le communiqué de la diplomatie tunisienne « passe mal », et pointant « une volonté de la Tunisie, peu coopérative en matière de lutte contre l’immigration illégale, d’humilier la France ». Un autre intervenant évoque « une algérianisation de la Tunisie », en allusion au bras de fer entre Paris et Alger.
Valeurs Actuelles, un autre média de la sphère Bolloré, a également remis au goût du jour la question des OQTF des ressortissants tunisiens, se demandant, ce samedi 6 septembre, si « la Tunisie joue-t-elle vraiment le jeu pour récupérer ses ressortissants indésirables en France ? ». Et tout cela parce que la Tunisie a dénoncé « un meurtre injustifié ».
La Tunisie « s’est jetée sans précaution dans les bras de l’Algérie », accuse-t-on au Maroc
Ces attaques ciblant la Tunisie ne se limitent pas à la France. Curieusement, au Maroc aussi, des médias accusent cette semaine le président tunisien « d’attiser la crise » avec le royaume en se rapprochant de l’Algérie.
La crise entre Tunis et Rabat, dont parlent les médias marocains, a été déclenchée après l’accueil du président sahraoui et secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali, par le président Kaïs Saïed en août 2022. « Une provocation impardonnable pour le Maroc », accuse-t-on.
« Depuis son arrivée au pouvoir, le locataire du Palais de Carthage s’est jeté sans précaution dans les bras de l’Algérie sur fond d’une dépendance économique et énergétique irréversible », a écrit le journal marocain L’Opinion, vendredi 5 septembre.
En Tunisie, les médias ont réagi à ces attaques en France. Le site Tunisie Numérique dénonce « Cette France qui pousse Macron à s’immoler à Tunis, comme il s’est brûlé à Alger ».