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Après l’espoir né du hirak, la harga reprend de plus belle

Après l’espoir né du hirak, la harga reprend de plus belle

On a cru un moment que le cauchemar avait pris fin. C’était dans les semaines qui ont suivi le déclenchement de la révolution populaire, le 22 février dernier.

Dans les rues d’Alger et des autres villes du pays, à côté des pancartes dénonçant le cinquième mandat de Bouteflika et appelant au changement, étaient brandies d’autres sur lesquelles les jeunes assuraient que l’envie de partir à tout prix les a quittés et que leur avenir, ils comptent désormais le faire ici, chez eux, après avoir débarrassé le pays du système tueur d’espoir.

Et ce n’était pas des slogans creux. Les statistiques ne tarderont pas à confirmer que le phénomène de l’émigration clandestine, la harga, a sensiblement diminué. Du moins par rapport au pic des mois qui ont précédé le soulèvement où il ne se passait pas un jour sans que les vagues rejettent des corps méconnaissables.

En octobre 2018, toute l’Algérie était choquée lorsque furent rapatriées les dépouilles de deux jeunes de Raïs Hamidou, morts alors qu’ils touchaient au but au large des côtes italiennes.

Dans la même période, même l’armée a dû intervenir dans le débat devant l’ampleur des départs, désormais pris en charge par des filières mafieuses organisées.

En décembre, l’état-major a instruit les garde-côtes de renforcer les mesures pour endiguer le phénomène, dressant au passage un bilan inquiétant : 3500 migrants, dont des femmes et des enfants, ont été interceptés en dix mois. On ne saura jamais le nombre de ceux qui ont pu passer et celui de ceux qui ont fini au fond de la Méditerranée.

L’explosion du phénomène de la harga était l’expression de la faillite du système politique, et quelque part de toute la société. Une « preuve ultime des dysfonctionnements qui touchent le pays. Une stratégie active destinée à faire face à une situation difficile dans laquelle misère et hogra les empêchent d’envisager un avenir », expliquait en 2012 déjà la sociologue Farida Souiah dans ses travaux sur les harragas algériens.

L’élément déclencheur de la révolte de février était certes l’envie d’un président impotent à s’accrocher au pouvoir, mais le désespoir de la jeunesse y était aussi pour beaucoup.

Bouteflika parti, les Algériens ont trouvé de nouvelles raisons d’espérer un avenir meilleur, d’autant plus que la chute du président a été suivie d’une vaste chasse aux corrompus et de la promesse d’un assainissement de la sphère économique et d’une démocratisation rapide de la vie politique.

Mais le rêve n’a pas survécu au printemps. Dès le milieu de l’été, marqué par un recul de la mobilisation dans la rue et beaucoup de tergiversations dans la concrétisation des promesses de changement, les traversées clandestines ont repris de plus belle, avec leur lot de naufrages.

En août dernier, 336 migrants algériens ont été interceptés par les Garde-côtes, soit presque la moitié du nombre de clandestins arrêtés au 1er semestre 2019, selon les chiffres du MDN.

La fin de l’été a même été marquée par un drame retentissant lorsque les corps de huit jeunes ont été repêchés au large de Boumerdès.

Les recherches pour retrouver les dépouilles de leurs camarades, au nombre indéterminé, sont restées vaines. Le groupe avait pris le départ de Cap Djinet à bord d’une barque qui s’est renversée au bout de quelques miles.

Le long de la côte algérienne, longue de 1200 kilomètres, des départs sont signalés, des barques sont interceptées par les Garde-côtes et des corps sont rejetés par les flots.

L’explication peut paraître simple : les harragas et les réseaux de passeurs profitent des dernières semaines de beau temps avant les perturbations de l’automne et de l’hiver où la traversée devient périlleuse.

Mais la recrudescence subite d’un phénomène qui s’est estompé pendant de longs mois, y compris pendant le printemps et une partie de l’été, appelle aussi d’autres lectures. Elle exprime peut-être une nouvelle déception de la jeunesse après l’espoir né du hirak populaire et ses promesses d’un changement rapide et rappelle surtout au système politique en place sa faillite et l’inefficacité de ses mesures…

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