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« Arabisation » du secteur du travail : l’étrange priorité du ministre Djaâboub

« Arabisation » du secteur du travail : l’étrange priorité du ministre Djaâboub

Ce que vient de faire le ministre du Travail El Hachemi Djaâboub illustre le populisme et la démagogie que certains hauts responsables algériens ont érigé en mode de gouvernance. À peine deux mois après sa nomination en remplacement de Achek Youcef, limogé, Djaâboub entreprend d’arabiser ce qui ne l’est pas encore dans son secteur.

Un chantier qui est tout sauf une priorité dans la conjoncture actuelle. Le ministre issu du Mouvement de la société pour la paix (MSP) –qui n’a pas béni sa nomination, faut-il le rappeler- n’est pas que ministre du Travail, il est aussi celui de l’Emploi et de la Sécurité sociale.

Il gère en conséquence un méga portefeuille concerné en premier lieu, peut-être juste après celui de la Santé, par les retombées nombreuses et jusque-là sans solutions  de la crise sanitaire de Covid-19.

Cela fait huit mois que l’Algérie fait face à la pandémie et que des franges entières de la population subissent de plein fouet les conséquences des mesures de prévention décrétées. Dans le monde du travail, rares sont les sociétés qui ont été épargnées dans leur trésorerie par les retombées de la crise, avec des conséquences directes sur les salariés.

La crise aurait dû être saisie par le ministère comme une opportunité pour prendre en charge les problématiques soulevées, comme l’absence de la notion de chômage technique dans la législation algérienne, et aider les salariés qui ont perdu leur emploi.

Tout récemment, la compagnie Air Algérie a dû proposer comme unique solution à son personnel un accord sur la réduction des salaires. Le télétravail est aussi une nouveauté imposée par la conjoncture et il appartenait à la tutelle de mettre en place un cadre législatif, ne serait-ce que des circulaires ministérielles, pour l’encadrer.

Au lieu de cela, les entreprises et leurs salariés sont livrés à eux-mêmes et s’entendent comme ils peuvent. Pour les libéraux et les journaliers, c’est carrément la perte de leurs revenus suite à la suspension de nombreuses activités. Même l’aide symbolique promise par l’État n’a pas pu être versée à temps.

Dans le volet sécurité sociale, le ministre Djaâboub a devant lui un immense travail pour prendre en charge les situations nouvelles que la législation ne pouvait pas prévoir, comme le remboursement des journées de confinement pour les cas suspects ou encore la prise en charge par la Cnas ou la Casnos des frais des tests PCR, des scanners et des analyses médicales effectués dans le privé, et le problème posé par les professionnels de la santé relatif à la qualification de la maladie de Covid en accident de travail ou maladie professionnelle.

Les tarifs sont excessifs, autour de 20 000 dinars le test PCR. Pour une famille de cinq personnes, il faut débourser 100 000 dinars. Il faut débourser autant pour les scanners et un peu moins pour les analyses médicales.

Sans prise en charge par la sécurité sociale, il n’est pas exagéré d’avancer que la majeure partie de la population n’a pas les moyens de se faire diagnostiquer. Le plus incompréhensible, c’est que la question n’est même pas soumise à débat au moment où la propagation de la pandémie se fait de plus en plus inquiétante et les hôpitaux publics sont chaque jour plus débordés.

Alors que la priorité du gouvernement doit être la lutte contre la pandémie de Covid-19 et pendant que les Algériens sont confrontés aux effets de la deuxième vague de la pandémie, l’urgence pour le ministre du Travail n’est pas là. Elle est idéologique et elle consiste à arabiser sans plus attendre les structures sous sa tutelle. Beaucoup se demandent d’ailleurs s’il restait encore quelque chose à arabiser dans le secteur ou ailleurs.

Djaâboub le sait très bien. Il faut d’abord réformer la Sécurité sociale, numériser ses services, gérer avec la transparence nécessaire les transferts pour les soins à l’étranger, améliorer ses prestations envers les entreprises et les assurés sociaux. À moins que le ministre du Travail tente de faire diversion, sachant les débats et les polémiques qui peuvent être engendrés par ces décisions populistes et démagogiques.

Il s’agit assurément d’un réflexe du passé, œuvre d’un ministre du passé. El Hachemi Djaâboub , militant du MSP, n’en est pas à sa première expérience de ministre. Il a dirigé le département de l’Industrie entre 2003 et 2005 et celui du Commerce entre 2005 et 2006, avec Ahmed Ouyahia comme chef du gouvernement. De ses passages, il n’a pas laissé de traces indélébiles que ce soit dans l’industrie ou le commerce. À l’annonce de sa nomination le 30 septembre dernier pour remplacer au pied levé Ahmed Chaouki Achek Youcef, beaucoup n’avait pas compris ce choix. Même son parti, le MSP, s’en est publiquement démarqué.

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